Comme chaque année, le 28 septembre écoulé, le monde, et plus
particulièrement les services vétérinaires et les services de santé publique,
célébrait la Journée Mondiale de lutte contre la Rage. Les organisations
mondiales spécialisées (FAO/OIE/ WHO/GARC) décidaient, à cette occasion, d’unir
leurs efforts et leurs moyens pour lutter contre cette maladie fatale, avec
l’objectif de l’éradiquer à l’horizon 2030.
Le chien, le plus
ancien et le plus fidèle compagnon de l’homme est malheureusement le principal réservoir et vecteur de cette horrible maladie dont il meurt
inéluctablement, non sans l’avoir transmise aux autres animaux et à l’homme.
La rage canine cause, annuellement, dans le monde, la mort
de 70 000 personnes environ et la perte de 8.6 billion de dollars US. 15
million de personnes sont traitées en post exposition chaque année et on estime
que sans ces traitements plus de 300 000 personnes mourraient de rage.
A
l’occasion de la célébration de cette journée, le monde vétérinaire a lancé, à
travers ces organisations un appel à tous les gouvernants pour mettre en place
des projets d’éradication de la rage. Pour leur part, les vétérinaires tunisiens,
officiels et libres praticiens, qui vaccinent chaque année plus de 400 000
chiens, dans le cadre du projet national de lutte contre la rage, se disent
prêts à se mobiliser pour lutter contre la maladie, jusqu’à son éradication,
afin de protéger les populations et les animaux menacés.
Au
1er siècle de ce 3ème millénaire de notre ère, il n’est
plus tolérable qu’une pareille maladie sévisse encore dans notre pays et dans
les pays voisins alors que la solution est à portée de amain. Tous les outils nécessaires sont
disponibles ; seule manque la
volonté politique. Il est plus que temps de se débarrasser de ce fléau
des âges les plus reculés de l’humanité. Trop de personnes, trop d’enfants,
dans le monde, meurent chaque jour de rage, dans de terribles souffrances
et dans une angoisse encore plus terrible. La rage
a été éradiquée en Europe de l’ouest ; il n’y a donc pas de raison pour
qu’elle ne puisse pas l’être dans d’autres régions du Globe car c’est une
maladie contre laquelle on peut vacciner. Il existe en effet un vaccin efficace et une
focalisation sur la vaccination généralisée des chiens pourrait éradiquer la
maladie chez les humains et chez les animaux et c’est la méthode la plus
économique et la plus efficace.
La lutte contre la rage
est avant tout un problème de santé publique mais les vétérinaires y sont
impliqués plus que toute autre profession ; ils ont la responsabilité de
vacciner le plus grand nombre de chiens, en fonction du budget alloué, car plus
de 99% des cas de rage humaine sont d’origine canine, ce qui signifie que le
problème de la rage humaine se réduit principalement à la lutte contre la rage
canine. Cette maladie a fait
l’objet, d’un vaste programme de lutte, basé sur la vaccination de masse des
chiens, l’élimination des chiens errants et l’éducation sanitaire du public
dont les résultats prometteurs ont été remis en cause par la recrudescence de
l’incidence rabique. Le fait que la rage continue à sévir après plusieurs
années d’application du programme de lutte, donne à réfléchir. La gravité de
cette maladie, nous impose un suivi épidémiologique sans faute, en vue
d’évaluer la couverture immunitaire des chiens vaccinés et l’impact des mesures
de limitation des populations canines.
En Tunisie et dans les
pays avoisinants, la rage, essentiellement canine, sévit sous forme enzootique
mais le système traditionnel de surveillance passive sous-estime sa prévalence
chez les chiens ; aussi. la probabilité de sa transmission à l’homme
est-elle élevée, Les
indicateurs épidémiologiques chez l’animal montrent une augmentation du nombre
des cas enregistrés et le risque de voir se perpétuer l’état d’enzootie de la
maladie chez les carnivores domestiques et sauvages, doit être considéré comme
une menace sérieuse pour la santé publique.
Les mortalités humaines et animales dues
à la rage représentent un défi énorme pour le système et les services de santé
qui sont déjà fragiles et surchargés. Dans ce contexte, le renforcement
progressif des services vétérinaires et leur adaptation aux normes internationales,
est une action prioritaire qui aura des effets bénéfiques et durables sur le
pays.
Certaines contraintes devraient néanmoins être levées, telles une meilleure
évaluation de la population cible, la mise au point d’un manuel de procédures,
l’identification des chiens vaccinés, la réduction du nombre de chiens errants,
le respect de la chaîne du froid dans le transport, la conservation et
l’utilisation des vaccins antirabiques et surtout une meilleure sensibilisation
du Public. Il conviendrait également de remédier à l’insuffisance des ressources
financières et logistiques ainsi qu’au manque de rigueur des contrôles aux
frontières.
Notons
toutefois que le ministère de la Santé Publique, a procédé depuis quelques
années à une décentralisation bénéfique et 250 centres de traitement
antirabique ont été créés à travers le pays. Ces centres ont pris en charge
annuellement près de 40 000 personnes en post exposition.
Du
côté du ministère de l’Intérieur, la capture ou l’élimination des chiens
errants n’enregistre pas les résultats escomptés et on constate toujours, sur
les décharges et dans les rues de la capitale et des autres grandes villes et
agglomérations, des meutes de chiens disputant aux chats de gouttière, les
ordures ménagères. Ces chiens y trouvent une alimentation riche et variée et
s’y reproduisent allégrement.
Les programmes de lutte
contre la rage sont généralement des programmes nationaux mais il est évident
que pour des pays voisins, sans frontières naturelles insurmontables, des programmes
régionaux seraient préférables ; ils permettraient une synergie des moyens
et limiteraient les risques de résurgence. Un réseau de surveillance
épidémiologique et un système régional de notification permettraient par
ailleurs de recueillir, évaluer, traiter, cartographier et diffuser les données
épidémiologiques, d’effectuer un suivi efficace, d’identifier les souches
virales en cause, et de planifier les mesures de lutte appropriées.
Dr.
Khaled El Hicheri
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