Santé animale : le rôle des éleveurs et des médecins
vétérinaires libres praticiens.
Les médecins
vétérinaires tunisiens comme leurs confrères des autres parties du monde
célèbrent aujourd’hui, samedi 28 avril 2018, la Journée Mondiale Vétérinaire
(JMV / WVD) sur le thème du « Rôle de
la profession vétérinaire dans le développement durable pour améliorer les
moyens de subsistance, la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire des aliments ».
Ce thème, s’il
répond aux préoccupations des médecins vétérinaires, répond en partie aux
préoccupations des éleveurs et des consommateurs tunisiens car, par les temps
qui courent, les produits de l’élevage que l’on retrouve sur le marché, ne sont
plus à la portée de la bourse des couches populaires qui n’en peuvent plus, ni
d’une classe moyenne érodée et élimée qui n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Et pourtant, pendant des décennies l’Etat n’a pas cessé de multiplier les
structures d’encadrement et les projets de développement de l’élevage et d’y
engloutir des sommes considérables issues du budget National ou des bailleurs
de fonds dans le cadre de l’aide bilatérale, notamment.
Dans l’optique des
planificateurs et des décideurs, le but commun de ces structures et des acteurs
en place est de promouvoir l’élevage, de développer les productions animales,
d’assurer la protection sanitaire des animaux et de la population et de
préserver les intérêts des éleveurs sans pourtant les associer à leurs délibérations
ni à leurs prises de décisions. Or, dans les faits et sur le terrain, chacune
de ces structures et chacun de ces acteurs, agissait de manière indépendante,
poursuivant des objectifs qui lui sont propres, loin de la complémentarité
souhaitée. Le résultat est une dispersion des efforts et des moyens et une
perte de temps considérable dont les consommateurs font aujourd’hui les frais
et dont les vétérinaires risquent d’en endosser la responsabilité.
Malgré leur
responsabilité bien définie, dans leurs domaines de compétence, les
vétérinaires ne doivent pas être les seuls à contribuer à l’amélioration de la
situation sanitaire du cheptel dans le pays, condition indispensable au
développement quantitatif et qualitatif des productions animales. La contribution
des éleveurs est aussi indispensable ; ils constituent en effet le premier
maillon de la chaine de santé et, pour que leur contribution soit efficace, ils
doivent être formés aux bonnes pratiques d’élevage, à l’hygiène des animaux et
des troupeaux, et être sensibilisés à la nécessité de déclarer les cas de
suspicion de maladies.
Pour assurer leur
mission, les Services Vétérinaire officiels autant que les médecins
vétérinaires libres praticiens, doivent pouvoir compter sur les éleveurs ;
et pour que ces derniers puissent collaborer aux programmes de dépistage, de
prévention et d’éradication des maladies animales et participer aux frais
occasionnés par ces programmes, les Services Vétérinaires devraient commencer par les associer à
l‘élaboration de ces programmes ainsi qu’aux prises de décisions, et les
sensibiliser à leurs coûts réels.
Des campagnes
d’éducation et de sensibilisation de la population, en matière de Santé
Publique Vétérinaire, sont donc nécessaires et doivent être menées par les structures
professionnelles agricoles et d’élevage, assistées par les vétérinaires. Ces
campagnes d’éducation doivent tenir compte de la prise de conscience du rôle
des hommes et des femmes, impliqués dans les activités d’élevage et de
production animale et de l’importance économique de leurs activités.
Certaines
activités, actuellement plus ou moins bien assurées par les services de
l’État, qu’il s’agisse des Services Vétérinaires officiels ou de l’Office de
l’Elevage et des Pâturages, pourront, une fois que des associations
professionnelles d’éleveurs sont créées, être confiées à ces structures
professionnelles privées. Il s’agit notamment de l’identification des animaux,
selon un programme établi par les services officiels, de la participation à la
gestion des réseaux d’épidémiosurveillance et à la gestion des crises
alimentaires en cas de sécheresse ou de catastrophe naturelle.
Les éleveurs, une
fois organisés au sein d’association, de syndicats ou de groupements de défense
sanitaire, pourraient participer, aux côtés de l’État, au financement de ces
activités dont l’objectif est, en finalité, de mettre sur le marché des animaux
en bon état de santé et de production et de permettre au consommateur d’accéder
à des produits alimentaires salubres et de bonne qualité nutritionnelle. Pour
cela, la lutte contre les maladies animales nécessite une étroite collaboration
entre éleveurs et vétérinaires du secteur public comme du secteur privé. Si
les éleveurs constituent un élément essentiel dans le système de
santé, ce n’est qu’une fois regroupés, dans des associations à caractère
économique et technique, capables de dialoguer avec les services officiels,
qu’ils pourront être audibles, crédibles et réellement efficaces.
Aux côtés des
éleveurs, les médecins vétérinaires libres praticiens, très présents sur le
terrain et impliqués dans l’application des programmes de santé, doivent aussi
être associés à leur mise au point et aux modalités de leur application. Le
vétérinaire libre praticien a pour rôle de soigner les animaux dans le cadre de
sa clientèle. Il a aussi un rôle important à jouer dans le domaine de la Santé
Publique Vétérinaire, qu’il soit ou non mandaté pour cela par les Services
officiels. Il veille aussi à l’intérêt économique de ses clients et tient
compte des coûts des traitements qu’il instaure.
Les médecins
vétérinaires mandatés sont, par la force des choses, appelés à devenir les
animateurs des réseaux de surveillance épidémiologique. Ils répondront ainsi à
un besoin de complémentarité entre les éleveurs, les vétérinaires,
l’Administration et les laboratoires pour que les systèmes mis en place jouent
pleinement leurs rôles. Connaissant mieux que quiconque le terrain et jouissant
de la confiance des éleveurs, ils sont les mieux placés pour informer et former
les éleveurs, assurer la collecte des données, déclarer les suspicions de cas,
recueillir les informations zoo-sanitaires, effectuer et acheminer les
prélèvements nécessaires à l’établissement du diagnostic de laboratoire et
mener les enquêtes épidémiologiques exigées. Le vétérinaire mandaté, après
formation à ce mandat, pourra incontestablement jouer le rôle d’épidémiologiste
de terrain.
Le libre praticien,
même non investi du Mandat Sanitaire, est la sentinelle sanitaire qui sera à
l’avenir le principal pourvoyeur d’informations épidémiologiques et
zoo-sanitaires aux services vétérinaires officiels. C’est sur lui que
compteront ces services pour signaler toute suspicion de cas de maladie animale
contagieuse, pour conseiller les éleveurs, pour les inciter à s’organiser pour
mieux collaborer avec les Services Vétérinaires de l’État et assurer une
meilleure couverture sanitaire du cheptel, en participant à l’organisation des
campagnes de vaccination et de dépistage des maladies animales.
Pour atteindre l’objectif affiché de fournir à la
population des denrées alimentaires d’origine animale diversifiées, en
quantités suffisantes et de bonne qualité sanitaire et nutritionnelles, l’idéal
serait qu’un seul organisme réunisse les acteurs de la santé animale, des
productions animales et de l’hygiène publique vétérinaire. Une pareille structure aurait les
prérogatives régaliennes des Services Vétérinaires, les missions de
développement et de promotion de l’élevage et de l’amélioration de la qualité
de ses produits et celles d’encadrement de la profession, qu’il s’agisse des
libres praticiens ou des éleveurs.
Dr. Khaled El Hicheri
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