La Blue Tongue
fait grand bruit en Tunisie, sur fond de Covid-19. FB n’y va pas de main morte,
et le public d’accuser encore une fois les vétérinaires. Même les journalistes
patentés s’y sont mis ; l’un d’eux, sans vergogne, espérant créer le Buzz,
n’a pas hésité à publier une photo de vaches, tuées par la foudre, en France,
pour illustrer son article sur cette maladie en Tunisie. Eclairons le public :
La fièvre catarrhale ovine
(FCO), ou maladie de la langue bleue, est une maladie virale due au
virus BTV (pour Blue Tongue Virus), du genre Orbivirus, qui
comprend 24 sérotypes dont 4 ont été identifiés en Tunisie : en 1999 (S2
ou BTV-2), 2006 (BTV-1), 2009 (BTV-4), 2016 (BTV-3) et 2017 (BTV-7) et 2018 (BTV-22). En effet, le 13 novembre 2018, neuf foyers de BTV-2
étaient déclarés par les services vétérinaires dont 6 à Sidi Bouzid et 3 à
Monastir. Ces foyers ont tous concerné des ovins et avaient été confirmés entre
le 04 et le 17 octobre 2018 par 56 cas cliniques signalés. Aucune mortalité n’avait
été notifiée - alors
qu’en 1999-2000, le taux de mortalité était de 5,5% - mais le taux de morbidité avait atteint 16,1%. La réémergence du BTV-2 en
2018 semble moins grave.
Le BTV est transmis par
des moucherons piqueurs du genre Culicoides, à des ruminants, principalement
les moutons, moins souvent les chèvres et les bovidés. L’activité des moucherons est
essentiellement crépusculaire et nocturne. Une seule piqûre suffit pour qu'un
animal soit contaminé. La durée d’incubation de la maladie est de 5 à 10 jours
en moyenne. Le virus chez l’animal contaminé se retrouve dans le sang ; on
observe en effet, une virémie du 3ème au 10ème jour,
post-infection. En phase de virémie, le virus peut être retrouvé dans le sperme
mais pas dans les excrétions telles que la salive, le jetage ou les lésions
buccales.
Les veaux sont infectés dans
l’utérus, et constituent les réservoirs du virus ; ils maintiennent l'infection
au stade enzootique dans une région et permettent au virus de passer l'hiver
dans les régions où l'hiver est trop froid et ne permet pas la survie du moucheron
vecteur toute l'année. La survie de dernier nécessite des températures
supérieures à 12,5°C et de beaucoup d’humidité.
Les signes
cliniques sont : un syndrome fébrile touchant plusieurs
ovins avec un oedème de la face, du jetage, du ptyalisme et une congestion de
la muqueuse buccale, Atteintes buccales avec des lésions et une cyanose de la
langue, lésions podales avec boiteries, douleurs musculaires, torticolis,
amaigrissement et mortalité de 5 à 20% du cheptel. Par ces signes cliniques, la
BT peut être confondue avec l’Ecthyma contagieux, la Nécrobacillose, la Fièvre
aphteuse, la Peste petits ruminants, la Clavelée ou la Photosensibilisation.
La forme aigue de
la BT est présente uniquement chez les ovins ; elle
se caractérise par une forte hyperthermie (pouvant aller jusqu'à 42°C) et de l’abattement
durant 4 à 8 jours. 24-48h après le début de la fièvre, on constate une inflammation
des muqueuses buccale, nasale, oculaire accompagnée de Conjonctivite, Rhinite
accompagnée de jetage et d’épiphora séro-muqueux à muco-purulent ainsi que la formation
de croûtes, une Stomatite avec Hémorragies punctiformes, puis ulcération et
enfin nécrose des muqueuses buccales en particulier sur les gencives et la face
interne des lèvres (stomatite ulcéro-nécrotique), Ptyalisme important, Anorexie,
Oedèmes des lèvres, de l'auge et de la langue, pouvant se généraliser à la face,
Cyanose de la langue inconstante d’où l’appellation de blue tongue . A partir du 6ème jour,
des atteintes podales avec boiteries sont visibles jusqu'à la chute des onglons.
On observe également des raideurs, douleurs et torticolis dus à une myosite
dégénérative entraînant aussi une fonte musculaire spectaculaire (jusqu’à 30 à
40% de son poids en quelques jours) et des avortements avec autolyse ou
momification. Complications par d’autres maladies intercurrentes sont possibles
: gâle sarcoptique, oestroses, piétin, pasteurellose, pneumonies, diarrhées
fréquentes.
En cas de survie,
la convalescence dure plusieurs semaines aboutissant à de la stérilité, des retards
de croissance et des malformations néonatales.
La forme suraigue se retrouve dans
les zones d’enzooties et se caractérise par des avortements et la naissance d’agneaux de
petite taille, ataxiques, aveugles ou porteurs de malformations.
Les formes inapparentes sont observées chez
les caprins, avec hyperthermie, faiblesse, de rares avortements, des
malformations congénitales et des maladies pulmonaires par surinfection.
A l’autopsie : la mort
survient en 8 à 12 jours en moyenne après le début de la maladie. on constate
la présente d’hémorragies de la paroi artérielle à la base de l'artère
pulmonaire ainsi que des oedèmes et lésions hémorragiques des tissus signes de myosite.
Prélèvements pour
analyse de laboratoire
En zone indemne il y a deux séries de prélèvements, la
première immédiatement pour la recherche virologique, la seconde une dizaine de
jours plus tard pour recherche sérologique. En zone vaccinée, seule la première
série de prélèvements est requise
Analyse virologique par prise de
sang dans un tube EDTA sur un animal en hyperthermie mais sans symptômes et prélèvements
de rate, poumons, foie, ganglions lymphatiques et moelle osseuse sur les
animaux morts ou abattus ou sur les avortons. Les prélèvements sont envoyés à
l’IRVT qui procède à ces analyses et devrait fournir les résultats au plus tôt
10 à 12 jours après réception des échantillons.
Analyse sérologique après prise de sang sur tube sec sur animaux malades et animaux sains (30 individus si possible), envoi à l’IRVT en espérant des résultats d’analyse au plus tôt 48h après réception.
En
cas de suspicion : Déclaration
à la DGSV et mise en place d’un réseau d’alerte et de surveillance. Lors de
la mise sous surveillance, aucun animal sensible, aucune semence et aucun
véhicule de transport ne peut circuler et toutes les espèces sensibles doivent
être désinsectisées.
En zone indemne, le DGSV après
enquête épidémiologique du vétérinaire sanitaire décide du bien-fondé de la
suspicion de FCO, et autorise le laboratoire à faire les analyses.
En zone infectée, le DGSV après
enquête épidémiologique du vétérinaire sanitaire place l’exploitation sous surveillance
par arrêté du gouverneur, puis déclaration d’infection par arrêté du gouverneur
si les résultats du laboratoire sont positifs.
Les mesures de lutte mises en place incluent le contrôle des mouvements d’animaux au sein du pays, la lutte vectorielle, le renforcement de la surveillance au sein des zones de surveillance et protection, ainsi que des campagnes de vaccination.
La prophylaxie sanitaire consiste à : Désinsectiser, interdire les mouvements de ruminants des zones infectées vers les zones indemnes ; Isoler voire abattre les animaux malades et infectés dans les zones infectées, détruire les cadavres et assurer la protection contre les insectes. En 2017 - pour avoir une meilleure idée sur les sérotypes circulants, et dans une optique d’adaptation des protocoles vaccinaux - une surveillance sérologique et virologique sur des bovins sentinelles a été mise en place dans 17 sites. Une surveillance entomologique a été mise en place dans les mêmes sites ; des pièges UV type sud-africain ont été installés dans différentes zones à risque pendant la saison d’activité du vecteur.
La prophylaxie médicale consiste à : vacciner annuellement avec des Vaccins à virus modifié ou inactivé, compte tenu du sérotype en cause. En zone indemne, il y a toutefois risque d’apparition de la maladie, suite à un pouvoir pathogène résiduel des vaccins vivants. Les services vétérinaires entreprennent annuellement des campagnes de vaccination contre les sérotypes 1 et 4, mais ne disposent pas de vaccin contre les sérotypes 2 et 3.
Outre la vaccination, des mesures de lutte sont dirigées contre la prolifération des moucherons, en nettoyant les bâtiments et leurs abords, les principaux endroits de rassemblement d’animaux et d’accumulation des fumiers, les mangeoires, les abreuvoirs et les lieux d’entreposage des aliments et en utilisant des produits actifs contre les insectes piqueurs par leurs propriétés insecticides et répulsives. Les pyréthrinoïdes, insecticides biodégradables et ne provoquant pas l’accumulation de résidus chez les animaux traités, ont un effet immédiat, répulsif et rémanent sur les insectes. Le nettoyage, la désinsectisation et la désinfection réduisent le nombre de piqures par les Culicoïdes.
Il n’y a aucun
risque pour l’Homme
Dr. Khaled El Hicheri
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