Plaidoyer pour
la chèvre.
Les systèmes d'élevage caprin en
Tunisie n'a fait l'objet, jusqu'à présent, que d'une attention très
occasionnelle de la part des services agricoles et de vulgarisation. Le système
type est extensif, basé sur l'utilisation presque exclusive des ressources des
parcours. Il est localisé fréquemment entre la plaine ou le piémont, et la
montagne, et les troupeaux sont souvent confiés à des bergers, dont le
savoir-faire procède avant tout de la tradition, ce qui est un atout en termes
de connaissance, d'utilisation du milieu naturel, mais qui est insuffisant en
termes de zootechnie. Les problèmes sont le plus souvent liés à l'insuffisance
ou à la baisse de qualité saisonnière ou continue des disponibilités
fourragères, ou au défaut de suivi du troupeau, autant sur le plan de
l'alimentation ou la ration est rarement équilibrée, que sur celui de la
reproduction avec une conduite en troupeau mixte ovin/caprin sans séparation
des animaux par catégories ou par âge ou du suivi sanitaire (parasitisme,
absence de vaccinations). Les performances zootechniques sont par conséquent
assez faible dans leur ensemble et ne permettent pas une production
commercialisable, les quantités collectées servant avant tout à l’alimentation
des chevreaux et de la famille.
En Tunisie, le cheptel caprin
domestique est très hétérogène et composé pour l'essentiel de la seule race
locale ou autochtone ainsi que d’un grand nombre de populations de croisements
divers, d’où une grande diversité biologique définissant les caractéristiques
de l’élevage caprin local, composé de caprins de différents génotypes, le
génotype local représentant la grande majorité de cette population. Les
croisements anciens ou relativement récents, avec des races d’origine
africaine, moyen orientale et européennes (Nubienne, Boer, Maltaise, Murcie,
Damasquine, Alpine, Saanan), ont donné des résultats mitigés :
Les races méditerranéennes
(Maltaise et Murcie) et moyen orientale (Damasquine) ont une grande aptitude
laitière, (400 litres par lactation) :
La Damasquine a été importée pour
son remarquable caractère laitier et ses excellentes aptitudes bouchères ;
elle est très recherchée par les éleveurs tunisiens pour ces capacités
productives à double fin et pour son adaptation aux conditions climatiques
tunisiennes.
Les chèvres de Murcie et Maltaise,
malgré de bonnes performances, ne sont pas très recherchées, du fait de leurs
exigences alimentaires. La Sanaan, par contre, est assez rustique pour
s’adapter à nos parcours dégradés, et produits d’excellents chevreaux dont la
viande est appréciée.
La chèvre de Nubie se caractérise
par de bonnes performances bouchères, par sa fécondité et par la richesse de
son lait en matières grasses et protéines mais son potentiel laitier s’est
révélé limité.
La chèvre Boer a montré, par
rapport à la chèvre locale, une supériorité notable en production de viande
mais son acclimatation en Tunisie s’est révélée difficile, surtout que l’apport
nutritionnel est intégralement assuré par les parcours naturels.
La race Alpine a été introduite,
pour son haut potentiel laitier (500 litres par lactation) ainsi que pour sa
capacité d’adaptation à différents modes d’élevage. Elle a été choisie comme
race amélioratrice des caractères laitiers du cheptel autochtone.
L’objectif de produire de la viande
à moindre coût dans des systèmes à faibles intrants n’a pas été atteint et la
rentabilité de certaines races n’a pas été prouvée dans les conditions locales.
Le cheptel
national a connu une croissance remarquable dans une première période, qui
s’est étendue de 1931 à 1951, pendant laquelle l’effectif a doublé, passant de
1.200.000 à plus de 2.243.000 têtes. Toutefois, la mauvaise conduite des
troupeaux, caractérisée par un recourt excessif et abusif à la flore végétale a
provoqué un surpâturage incontrôlé et continu, l’érosion des espèces arbustives
a alors atteint son seuil et la préservation des ressources forestières déjà
appauvries s’est imposée. La chèvre a été dénoncée comme un facteur de
destruction et de déboisement des forêts et a été mise hors la loi par décret
du 25 août 1958, limitant l'élevage des caprins ce qui a provoqué une chute spectaculaire
des effectifs qui ont été ramenés à 421.000 têtes en 1971. Par la suite, une
révision de ces mesures a eu lieu ; plutôt que d’interdire l’élevage
lui-même, la législation s’est limitée à l’interdiction de la transhumance des
caprins et leur pâturage incontrôlé. Néanmoins, le mal était déjà fait et le
nombre de caprins subit des fluctuations notables où l’effectif est passé de 1.550.650
têtes en 2007 à 1.300.000 têtes en 2011 pour chuter à 1.162.288 têtes pour la
compagne 2014-2015. Ce qui peut être imputable aux nombreux programmes de
métissage, réalisés ces dernières décennies, et à l’accroissement de la demande.
Les zones aride
et semi-aride détiennent à peu près 62% de l’effectif national contre 23% dans
les régions humides et subhumides. D’après les statistiques effectuées jusqu’à
1988, il s’est avéré que 50% des caprins étaient localisés au Sud, 37% dans le
Centre et seulement 13% au Nord. En 1998, les effectifs caprins du Sud sont
demeurés constants alors que ceux du Nord sont passés de 13% à 25% et ceux du
Centre ont diminué pour passer de 37% à 25%. En 2004/2005, de légers
accroissements dans le Sud et le Nord ont porté les effectifs respectivement de
50% et 25% à 53% et 26%, alors qu’au Centre les effectifs ont chuté, passant de
25% à 20.
Néanmoins, le
nombre d’éleveurs caprins est passé de 136.400 têtes à 141.100 actuellement
(O.E.P, 2015) dont la majorité disposent de petites exploitations qui ne
dépassent pas les 3 ha. La chèvre locale est répartie sur tout le territoire
tunisien et sur tous les étages bioclimatiques où elle est élevée, depuis
longtemps sous différents systèmes de production. Dans le Centre, 77% des
troupeaux caprins sont mixtes, le pourcentage des chèvres constitue 25 à 30%
des effectifs étant signalé que 6% seulement des troupeaux sont composés
uniquement de caprins.
L’élevage caprin
oasien est mené en système intensif et semi-intensif. C’est un élevage plutôt
familial qui couvre les besoins quotidiens essentiels en lait, produits
laitiers et viande. C’est en outre une activité économique importante dans la
région désertique du sud tunisien à forte vocation pastorale. Le système oasien
est plutôt pastoral et intégré où la chèvre est peu sensible aux aléas
climatiques et aux conditions naturelles hostiles qui prévalent en région aride
tunisienne. La majorité des éleveurs caprins dans l'oasis n’ont pas de
terre ; plus de 70% des chèvres sont élevées en mini troupeaux sédentaires
et la ration alimentaire est le plus souvent partiellement couverte par
les cultures fourragères, qui occupent 14.0% des superficies cultivables. La
moitié des chèvres fréquentent les parcours dans et autour des oasis et
l’alimentation des troupeaux est basée sur la Luzerne - la plante fourragère la
plus cultivée dans la zone - sur l’orge en vert, les écarts de triage des
dattes, les herbes de désherbage fanées, et les sous-produits ménagers. La
distribution d’aliments composés est
rare et la complémentation est plutôt assurée par de l'orge en grains.
Dans région
humide et subhumide du Nord, l’élevage caprin est concentré dans les zones
montagneuses de Sejenane et de Bizerte avec un effectif de 24,1% du cheptel
caprin national. L’alimentation de ce cheptel est basée sur les parcours
souvent accidentés dont la flore est plutôt forestière, les terres marginales
et les maquis avec un recourt occasionnel à l'achat d’aliments concentrés ou de
foin. Le meilleur taux de fertilité est réalisé par les grands éleveurs, le
meilleur taux de prolificité ainsi que l’important taux de réforme sont
réalisés par les éleveurs sans terre. La place des parcours dans l’alimentation
totale du cheptel est largement en retrait de celles des cultures, bien qu’ils
couvrent 50% de la ration. La complémentation est assurée par du foin ou de la
paille, de l’avoine, du son de blé, l’orge et parfois des sous-produits de
l’agriculture.
L’aptitude
de la chèvre à brouter et à consommer une végétation et des substances
fourragères difficilement accessibles et utilisables, et à les transformer en
produits de haute valeur alimentaire, a fait de l'exploitation caprine le
meilleur investissement qui puisse exister en matière d’élevage en Tunisie. En
effet, l’éclectisme alimentaire de l’espèce a fait que sa ration alimentaire
n’avait jamais posé un problème, ce qui a rentabilisé remarquablement son
élevage par rapport à celui des ovins et des bovins, par la diminution des
coûts de gestion et de production.
Dr. Khaled El
Hicheri
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