Qu’en est-il des dromadaires australiens
Si
nous devions en importer, il faudrait les domestiquer de nouveau pour pouvoir
gérer les troupeaux. Il faudrait constituer des trouppeaux spécifiques d’origine
australienne car au fil des générations ces dromadaires ont acquis des
comportments agressifs; Ils sont plus robustes car les ressources fourragères du
désert australien sont plus abondantes et plus variées que les ressources que
peuvent leur fournir nos parcours pré-sahariens et sahariens.
Par ailleurs, le
courant commercial établi entre l’Australie et les pays du Golfe ne concerne que
la viande sur pied et de plus en plus en carcasses. Durant des générations ces
animaux n’ont pas été soumis à une sélection en vue de l’amélioration de leur
potentiel génétique pour une meilleure production de viande ou de lait. Il n’ont
pas fait l’objet d’un programme sanitaire même si les services vétérinaires
australiens sont connus pour leur compétence et leur sérieux. Nos services
vétérinaires, au moins aussi compétents et sérieux que leurs confrères
australiens n’ont aucune idée de leur statut sanitaire vis à vis de nombreuses
maladies qu’ils partagent avec les autres ruminants ou qui leur sont
spécifiques.
Ces dromadaires peuvent être affectés par de nombreuses maladies
asymptomatiques et transmissibles ou être porteurs d’agents pathogènes de toutes
sortes. Il s’agit là de populations animales sauvages dont le contrôle sanitaire
est difficile à assurer. Par ailleurs, je ne vois pas l’avantage économique
d’importer des animaux vivants sur une aussi longue distante pour les abattre
chez nous, connaissant les coûts prohibitifs des tranports maritimes. En outre,
s’il s’agit d’augmenter notre production de lait de chamelle, il faut se rendre
à l’évidence que ces dromadaires ensauvagés n’ont été soumis à aucune sélection
dans ce sens.
Ces dromadaires sont les descendants de dromadaires pakistanais,
afghans et indiens, introduits en Australie, au 19e siècle. qui vivent surtout
dans les zones à climat aride. Jusqu'aux années 1840, les dromadaires étaient
inconnus en Australie; les premiers ont été importés par les britanniques comme
animaux de bât pour l'exploration et le développement de l’intérieur de
l’Australie aride, grâce à leur capacité à s'adapter à des conditions de vie
difficiles. Dans les années 1920, avec la mécanisation et la motorisation des
transports, ces animaux furent relâchés dans la nature où, faute de prédateurs
naturels, ils purent se reproduire rapidement.
La dégradation de l'environnement
se produit lorsque les densités dépassent deux animaux par kilomètre carré, ce
qui est actuellement le cas dans une grande partie de leur aire de
répartition dans le Territoire du Nord australien. Le plan d'action national
pour les dromadaires sauvages a cité les impacts environnementaux suivants : des
dommages étendus au paysage, y compris les dommages causés à la végétation par
le comportement de recherche de nourriture et le piétinement, la suppression du
renouvellement de certaines espèces de plantes, le broutage sélectif de la flore
rare et menacée, la concurrence avec les animaux indigènes pour la nourriture et
les abris, les dommages importants aux infrastructures, aux clôtures d'élevage
et aux points d'eau pour le bétail, les « coûts directs de contrôle et de
gestion, la concurrence avec le bétail pour la nourriture et l'eau, les évasions
de bétail dues aux dommages causés sur les clôtures et la destruction des
ressources en nourriture de brousse, les nuisances générales dans les zones
résidentielles, les problèmes de sécurité sur les pistes d'atterrissage, les
dommages aux stations et aux infrastructures communautaires, les coûts associés
aux accidents de la route....
En 2009, dans les territoires du nord australien,
le problème des dromadaires à la recherche d'eau devient suffisamment important
pour que le gouvernement envisage d'éradiquer des milliers de dromadaires
devenus une nuisance. En 2011, l'État australien propose de lancer une campagne
d’éradication des dromadaires et propose l’équivalent à 56 euros pour un
dromadaire abattu. Ce projet a été rejeté et un projet de gestion des
dromadaires sauvages a été établi en 2009 et a duré jusqu'en 2013. Il visait à
renforcer les capacités des propriètaires terriens à gérer les dromadaires
sauvages tout en réduisant les impacts sur l’environnement et l’écosystème.
En novembre 2010, le ministère de l'Environnement australien publie le plan
d'action national pour les dromadaires sauvages, un plan de gestion national
conforme à la stratégie australienne de lutte contre les animaux nuisibles. À la
fin du projet en 2013, “l'Australian Feral Camel Management Project” a réduit la
population de dromadaires sauvages de 160 000 dromadaires. Ce projet a fait
l'objet de critiques de la part de l'industrie australienne du dromadaire, qui
souhaitait voir la population sauvage abattue pour la transformation de la
viande, le marché de la viande pour animaux de compagnie ou l'exportation
d'animaux vivants, en faisant valoir que cela réduirait les déchets et créerait
des emplois.
En 2020, en raison de la chaleur généralisée et de la sécheresse
qui sévissait, les dromadaires errent dans les rues, endommageant les bâtiments
et les infrastructures dans leur recherche d'eau. Le 8 janvier 2020, le
ministère de l'Environnement et de l'Eau commence un abattage de cinq jours, Les
exportations d'animaux vivants ont commencé il y a trois ans et ce créneau
dispose d'un immense potentiel. Chaque année, environ 10 000 chameaux,
représentant une valeur de 1,52 million de dollars américains, sont exportés,
principalement pour leur viande.
Ce commerce pourrait atteindre les 25 000 têtes
au cours des prochaines années en raison des problèmes sanitaires auxquels est
confronté l'Afrique, qui alimente habituellement les pays du Moyen-Orient. Les
problèmes sanitaires sont devenus si graves dans ces pays d'Afrique que ce
commerce s'est arrêté. En effet, la fièvre de la vallée du Rift et d'autres
maladies ont bloqué les exportations notamment ceux de la Corne de l’Afrique
vers le Proche et Moyen-Orient. Du coup, l'Australie est devenu le seul autre
fournisseur présentant les garanties sanitaires suffisantes.
Soixante pour cent
(60%) des dromadaires ensauvagés d’Australie vivent dans les zones aborigènes où
les habitants se sont habitués au voisinage des dromadaires, en ont domestiqué
des centaines et qui cherchent un moyen de vivre sur leur “reserve” ou
territoire en valorisant les productions du dromadaire et voilà que la
destruction des dromadaires sauvages les prive d’une ressource potentielle. Pour
les populations aborigènes, les dromadaires ne constituent pas un problème;c’est
un don qui pourrait permettrede développer une véritable industrie dans une zone
éputée pour son aridité et que seul le dromadaire est capable de valoriser.
Le
gouvernement était prêt à payer 19 millions de dollars pour liquider 650,000
dromadaires alors que cet argent pouvait permettre de valoriser la population de
dromadaires ensauvagés. Plutôt que de détruire ce cheptel, il serait préférable
de développer un marché des produits et productions camelins (viande, lait,
laine et cuir). Les sommes investies dans la destruction serait bien plus
efficace s’il était investi dans le développement d’une industrie de
transformation des produits du dromadaire et dans laquelle la population
aborigène prendrait une part active. Signalons enfin qu’Il est dépensé
actuellement 400 $ par dromadaire pour sa destruction alors que sa valorisation
sur le marché international de la viande pourrait rapporter 3 fois plus (1200
$).
D’éminents chercheurs voient dans le dromadaire, l’animal du 21ème siècle,
du fait de son rôle potentiel dans la sécurisation alimentaire des zones
désertiques. L’idée d’importer des dromadaires sauvages d’Australie pour les
élever, les engraisser ou les abattre en Tunisie n’est pas réaliste pour les
raisons évoquées précèdemment et ne présente aucun avantage économique ni pour
les éleveurs ni pour le pays. Nous ne ferions qu’importer les problèmes
qu’affronte l’Australie.
Dr. K. El Hicheri
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