L’élevage en Tunisie :
Considérations générales et contraintes
L’élevage
est l’industrie de transformation de base des produits de la terre ;
l’exploitation de la terre ne saurait donc se concevoir hors de l’équilibre
biologique naturel animal/sol et toute action en matière de développement des
productions animales devrait avoir pour principal
objectif la sécurité alimentaire et la couverture des besoins nutritionnels de
la population, à partir du potentiel animal et fourrager national. Le recours à
l’importation n’est moral que s’il contribue au développement de l’élevage national,
autrement il ne serait qu’une arme dirigée contre les éleveurs tunisiens au
bénéfice des producteurs étrangers.
L’élevage des animaux de rente en Tunisie n’arrive pas à décoller et pourtant il représente 12% du PIB national, 40% du PIB agricole et emploie 22% de la population. Malgré cette importance économique, il souffre de plusieurs maux et contraintes.
Notre élevage subit de plein fouet l’accélération du
dérèglement climatique qui agit négativement sur la production agricole
mondiale et aggrave la situation d'insécurité alimentaire à l’échelle de la
planète. Partout où l'eau est déjà rare, et nous sommes bien placés pour le
savoir, le changement climatique impacte négativement la production agricole en
raison des épisodes extrêmes de sécheresse, de l'augmentation du stress
thermique et du stress hydrique. Outre leurs effets sur la production végétale,
ces changements ont entraîné des effets sur la production animale avec
l’émergence de graves maladies exotiques affectant le cheptel et dont le
changement et le réchauffement climatique a favorisé la migration des vecteurs de
nombreux pathogènes des régions tropicales vers les régions nord méditerranéennes
et septentrionales.
Les phénomènes de remontées de graves maladies
animales transfrontalières, des pays tropicaux vers les pays méditerranéens et
septentrionaux, sont devenus fréquents, notamment par la remontée vers le Nord
des vecteurs de ces maladies, insectes et parasites (moustiques, moucherons,
tiques) abritant les pathogènes (virus, bactéries, parasites, ...) de ces
maladies exotiques qu’ils transmettent aux animaux par piqure. Certaines de ces
maladies animales émergentes sont transmissibles à l’Homme et constituent des
phénomènes de santé publique inconnus jusqu’alors dans notre pays et dans les
pays situés plus au nord, où la prévalence de ces vecteurs et de ces maladies
était nulle. Ces maladies dont la prévalence s’est avérée rapide et importante,
malgré les mesures de prévention et de lutte entreprises par les Services
Vétérinaires, ont une incidence importante sur le niveau et la qualité des
productions animales et réduisent l’apport des produits alimentaires d’origine
animale sur le marché.
Notre
pays ne sera réellement indépendant que s’il est en mesure de subvenir aux
besoins nutritionnels de sa population et de lui assurer la sécurité
alimentaire. Pour cela, l’intensification des productions fourragères et
l’hygiène et la santé des animaux d’élevage devront faire l’objet d’une
attention particulière car seul l’animal bien nourri et bien soigné pourra bien
alimenter l’homme.
Les nombreuses maladies, dont des maladies transmissibles de l’animal à
l’homme, affectent les animaux de rente et il est important pour le
bien-être de ces animaux, pour notre mieux-être et pour notre santé, de contrer
ces maladies en menant les investigations nécessaires pour connaître la
prévalence et l’incidence de toutes les maladies qui affectent notre cheptel,
provoquant d’importantes pertes économiques par chutes de productions,
mortalité ou morbidité. Cette connaissance géographique de la présence et de la
répartition des agents pathogènes responsables, pourra servir de base à
l’élaboration de programmes et de projets de prévention de lutte et
d’éradication des maladies animales les plus graves.
Le constat est inquiétant ; les conditions générales d’élevage sont mauvaises et se caractérisent par des troubles de la reproduction, une mortalité élevée des jeunes et une période productive réduite ; les niveaux de production sont très faibles comparés au potentiel génétique des animaux. Pour les animaux dépendant des parcours naturels pour leur alimentation (dromadaires, bovins et petits ruminants de races autochtones), la situation est particulièrement difficile ; les parcours naturels se sont réduits en quelques décennies, passant de 9 à 5,5 millions d’ha. Ces parcours sont dégradés, pauvres et situés dans les zones arides et semi-arides. Les actions d’amélioration pastorale n’ont réalisé qu’une très faible partie des objectifs de la stratégie nationale en matière d’aménagement des parcours. Les ressources fourragères couvrent seulement 35 à 50% des besoins du cheptel, selon les années, Les parcours représentent 20-30% de ces ressources et les fourrages cultivés 15 à 20%. Les fourrages cultivés en sec qui avaient occupés près de 400.000 ha en 1996 n’en occupe plus que 300.000 ha. Les fourrages cultivés en irrigué occupent moins de 15 % des périmètres irrigués. Les quantités de sous-produits de l’agriculture et de l’agro-industrie, utilisables dans l’alimentation du cheptel, sont de 600.000 T dont 400.000 T de sous-produits de meunerie et 200.000 T des autres industries agroalimentaires. Le déficit fourrager (35 à 50%) est compensé par l’importation d’aliments concentrés de l’étranger aggravant notre dépendance du marché international et le déficit de notre balance des paiements.
Le système des terres collectives dans le centre et le sud du pays où de grandes superficies restent inexploitées du fait de la situation juridique de ces terres, décourage les investisseurs et handicape le développement de régions entières. Il serait peut être temps de se pencher sur ce problème.
Dr. Khaled El Hicheri
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