Le transfert des
attributions d’hygiène publique vétérinaire et de santé publique vétérinaire
des Services Vétérinaires du ministère de l’agriculture à l’Agence Nationale de
Contrôle Sanitaire et Environnemental des Produits (ANCSEP), n’en finit pas de
faire des remous au sein de la profession vétérinaire. Les médecins
vétérinaires tunisiens, du secteur public comme du secteur privé, estiment que la loi organisant ce transfert
n’avait aucun fondement juridique ou technique pouvant justifier un transfert
qui ne fait qu’affaiblir « l’autorité compétente » que sont les
Services vétérinaires, des services de souveraineté de l’Etat, considérés comme
un « bien public » qui après cette amputation ne pourront plus jouir
de l’autorité et de la considération que lui témoignaient les services vétérinaire
homologues notamment en matière de certification internationale.
L’hygiène et la santé publique vétérinaires ont
toujours constitué une des principales préoccupations des pouvoirs publics, en
ce qu’elles représentent pour la qualité de vie et la santé de la population. Par ailleurs, la préservation de la
qualité des aliments constitue une obligation légale que les vétérinaires sont
appelés à faire respecter par tous les moyens légaux et réglementaires à leur
disposition. La présence du vétérinaire à tous les maillons de la chaine
alimentaire s’avère indispensable.
Soucieux de protéger la santé de la population,
l’État tunisien a confié à ses Services Vétérinaires, la mission d’hygiène et
de santé publiques qui consiste à garantir la qualité hygiénique et sanitaire
des denrées alimentaires destinées à la consommation humaine, à l’intérieur
comme à l’extérieur du pays car une des principales préoccupations du
gouvernement, sinon la principale, est de satisfaire les besoins alimentaires
de la population tout en la préservant des maladies transmissibles de l’animal
à l’homme. Pour ces raisons, les Services Vétérinaires ont pour tâche
principale la lutte contre les maladies animales et contre tout ce qui pourrait
affecter quantitativement et qualitativement les apports de denrées
alimentaires d’origine animale, à la population humaine.
Les pouvoirs publics, conscients des dangers que représentent les maladies
transmissibles à l'homme (zoonoses) et les multiples contaminations des
produits alimentaires, savent que la sécurité des aliments et la protection du
consommateur ne peuvent être obtenues que quand l'animal est bien soigné, ce
qui fait du vétérinaire le garant de la bonne santé des animaux qui pourvoient
à notre alimentation, l’hygiène et la salubrité des produits alimentaires
dépendant essentiellement de l’hygiène au niveau de la production et de la
transformation ainsi qu’au niveau de la lutte efficace contre les maladies
animales.
Les médecins vétérinaires, considèrent qu’ils exercent une action bénéfique
dans plusieurs domaines de la santé publique. C’est ainsi que la lutte contre
les zoonoses qu’ils mènent, contribue grandement à l’amélioration générale de
la santé de l’homme. Le médecin vétérinaire, du fait de l’importance et du
grand nombre de maladies animales transmissibles à l’homme, participe et est
amené à participer de plus en plus à l’action de santé publique, mettant ainsi
toutes les ressources de la profession vétérinaire au bénéfice de la protection
de la santé de la population. Il convient néanmoins de rappeler que,
traditionnellement les activités de Santé Publique Vétérinaire comprennent
entre-autre : le diagnostic, la surveillance, le
contrôle, la prévention et l'éradication des zoonoses ; les risques et maladies professionnelles associés aux animaux vivants et à
leurs produits ; le contrôle des
populations animales pouvant constituer des réservoirs ou des nuisibles ; la prévention et le contrôle des toxi-infections alimentaires d'origine
animale ; l'inspection ante et post mortem des animaux
de boucherie et des volailles ; les études
environnementales portant sur, les vecteurs et la faune sauvage ainsi que les
actions d'urgence portant sur les catastrophes naturelles et d'origine humaine.
Oter aux Services Vétérinaires du
ministère de l’Agriculture, toutes ou partie de ces activités, revient tout
simplement à leur ôter plus de 80% de leurs attributions. En outre et pour être
cohérent, ce transfert devra être accompagné par celui de toutes les autres structures
vétérinaires (les laboratoires vétérinaires, l’école vétérinaire, les
arrondissements production animale des CRDA et le Centre National de Vigilance
Zoo-sanitaire) qui constituent un tout indissociable.
Si le texte adopté par l’ARP visait à transférer
la Direction Générale des Services Vétérinaires (DGSV) ainsi que toutes les
structures évoquées précédemment, au ministère de la Santé Publique, sous la
forme d’une direction générale ou d’une agence des services vétérinaires, cela
aurait été compréhensible car dans plusieurs pays, les SV font partie
intégrante du MSP. Mais transférer des attributions essentielles des SV a une
agence sous-tutelle qui n’a aucun caractère ni compétence vétérinaire frise
l’absurde et risque d’entrainer un conflit de compétence et de représentativité
durable entre l’ANCSEP et la DGSV et par voie de conséquence, entre deux
ministères.
Avec l’adoption par la plupart des pays du
concept « One Health », une
large communauté d’intérêt entre la médecine humaine et la médecine vétérinaire
se dégage progressivement, notamment par la contribution de la médecine
vétérinaire dans la prévention de la malnutrition, dans la lutte contre les
zoonoses et les autres maladies animales et il n’est nul besoin de procéder à
des transferts de responsabilités d’un département à un autre qui entrainent
des bouleversements durables et ne résolvent pas les problèmes posés qui ne
peuvent trouver leurs solutions que dans la concertation, la coordination et la
complémentarité des moyens.
Le gouvernement, que les contraintes économiques et financières ont poussé
à privatiser certaines activités vétérinaires, a maintenu des Services Vétérinaires
officiels capables d'assurer à la population, une protection contre les
zoonoses et contre les toxi-infections. Ces activités, qui doivent rester des
prérogatives régaliennes de l’Administration vétérinaire, sont assurées par
elle. Elles font partie des services publics dont chacun est en droit de
bénéficier et qui ne sont bien fournis que par l'État ou sous le contrôle
des Services officiels, certaines de ces missions pouvant être confiées aux
vétérinaires privés dans le cadre du Mandat Sanitaire.
Dr. Khaled El Hicheri
Commentaires
Enregistrer un commentaire