Apurement
foncier des terres ex-habous
L’agriculture repose essentiellement
sur les disponibilités en eau, sur la possession de la terre et sur les
méthodes et les techniques agricoles.
En matière d’eau, les réalisations
depuis l’indépendance sont impressionnantes ; elles mettent la Tunisie à
l’abri des pénuries qui frappent bien d’autres pays et permettent l’irrigation
de superficies de plus en plus importantes qui contribuent à plus du tiers de
notre production agricole.
Les méthodes et techniques agricoles
évoluent progressivement et sont appliquées par des agriculteurs mieux formés
et plus au fait des avancées scientifiques et techniques agronomiques.
La seule entrave au développement de
l’agriculture reste le problème foncier qui malgré les réformes introduites,
n’a pu réaliser les objectifs d’appropriation individuelle qui permettraient
plus de souplesse dans les transactions foncières agricoles, un regroupement
des superficies pour une meilleure exploitation et l’accès aux prêts bancaires
dont ne bénéficie à ce jour qu’une faible partie de nos exploitant agricoles.
La stagnation du secteur foncier ne
permet pas à notre agriculture de se moderniser et à produire mieux et plus.
Parmi les problèmes auquel fait encore face ce secteur, celui des terres habous
est révélateur de la situation de blocage qui perdure depuis plus d’un
demi-siècle.
Expose
de la situation des terres habous
Au lendemain de l’indépendance, le
gouvernement a mis l’accent sur la nécessité de changer certains régimes
fonciers, jugés archaïques afin de mettre des milliers d’hectares de terres
agricoles inexploitées ou mal exploitées, dans le circuit économique du pays.
Parmi ces régimes, le régime des
Habous couvrait des superficies importantes, exploitées de manière rudimentaire
par des exploitants eux-mêmes en situation précaire, permettant à peine la
survie, dans un cadre socio-économique des plus difficiles.
Parmi l’une des premières lois
adoptées aux premiers jours de l’indépendance, la Loi du 18 juillet 1957
concernait la liquidation des Habous. Cette loi visait essentiellement à mettre
un terme à l’institution des Habous, jugée inadaptée au développement d’une
agriculture moderne, productive et concurrentielle. Elle visait également à
récupérer des surfaces importantes de terres arables pour les repartir
définitivement dans le cadre de la propriété privative, aux ayants droit et a
une paysannerie installée depuis longtemps dans la précarité et la pauvreté
dans le cadre des régimes de l’Enzel ou du Kirdar.
En application de la loi, des
commissions furent constituées au niveau des régions, chapeautées par une
commission nationale ayant vocation d’appel, pour concrétiser la liquidation
des terres Habous et les attribuer à titre individuel aux ayants droits ainsi
qu’à l’État pour ce qui est des habous publics et mixtes.
Plus d’un demi-siècle plus tard, la
Loi peine toujours à être appliquée. Certaines décisions de liquidation,
prononcées par les commissions régionales et confirmées par la commission
nationale, en sa qualité de structure d’appel n’ont, à ce jour, pas connu
d’exécution et le partage des terres entre les ayants droit ainsi que
l’attribution de titres fonciers individuels ne s’est pas encore effectué sur
une bonne partie des terres concernées.
A titre d’exemple il nous suffit de
citer les terres habous de l’Ex-gouvernorat de Tunis Sud. En 1975, ce
gouvernorat qui groupait alors les actuels gouvernorats de Manouba, Ben Arous
et Zaghouan, avait entrepris l’apurement des terres habous. Les études, menées et
achevées en 1979, ont couvert 13.165 ha. Les superficies apurées ayant fait
l’objet de bornage et d’inscription à la Conservation Foncière n’ont concerné
que 1150 ha et bénéficié a seulement 310 personnes. La finalisation de l’étude
pour les 12015 ha restant, a été suspendue.
Depuis et par suite des changements
survenus du fait des décès d’une grande partie des ayants droits, des problèmes
de succession, de ventes réalisées entre-temps, la situation à l’intérieur des
titres fonciers, ayant fait l’objet de l’étude, est devenue assez complexe pour
ne plus permettre les inscriptions des nouvelles transactions. La situation
actuelle se caractérise par :
·
Une tenure a l’indivision pour ceux qui sont inscrits sur
le registre foncier.
·
L’incertitude pour tous ceux dont les contrats d’achats
n’ont pu faire l’objet d’une inscription à la conservation foncière.
·
La mauvaise exploitation des terres sinon l’abandon et
l’exode des jeunes vers les villes.
Actions
à entreprendre
Afin d’éviter l’aggravation de la situation
foncière, de permettre la récupération des terres pour les relancer dans
le circuit économique et de favoriser l’accès des jeunes à la propriété
individuelle et de les faire bénéficier des textes d’encouragement au
développement de l’agriculture, il est urgent de :
·
Relancer les études réalisées en vue d’une actualisation
de la situation foncière et de mettre un terme à l’évolution d’une assiette
foncière qui tend fatalement vers une situation gelée dans un proche avenir,
vidant de tout substance les dispositions de la loi sur la liquidation des
terres habous.
·
Mettre à la disposition du tribunal immobilier une
situation possessoire de départ claire, afin de lui permettre une mise à jour
conformément aux dispositions de la loi No 34 du 10 avril 2001, relative à
l’actualisation des titres fonciers gelés.
·
Relancer les activités d’apurement foncier des terres
agricoles, d’une manière générale.
Ing.
Fadhel Fray
Agroéconomiste
Expert de l’apurement foncier agricole
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