Services Vétérinaires nationaux : la descente aux enfers
Le 3 février dernier, la médecine
vétérinaire contemporaine tunisienne célébrait ses 135 ans d’existence. En
effet, au 19ème siècle, le Bey régent, fixait déjà par décret du 3 février 1885, les mesures à prendre pour garantir les
troupeaux des maladies contagieuses. Depuis, de multiples changements de
dénomination et d’attributions ont jalonné le parcours des structures vétérinaires
de l'élevage et de la santé animale dans le pays, au gré des
restructurations et des modifications de l’organigramme du Ministère chargé de l’Agriculture
Le décret beylical du 14 août 1887, six
ans seulement après la signature du traité du Bardo, créait un service
vétérinaire et de l'élevage sous l’appellation de « Service de
l’Elevage » et confiait sa gestion aux médecins vétérinaires.
Le décret beylical du 13 novembre 1887,
créait un service unique de l'Agriculture et de l'Élevage dont les attributions
sont fixées par arrêt du 16 novembre 1887
Le décret du 3 Novembre 1890, créait une
Direction de l'Agriculture, du Commerce et de la Colonisation et plaçait dans
ses attributions le Service Vétérinaire et de l'Élevage.
Le décret du 28 mai 1899, réglementait
pour la première fois, l'exercice de la médecine vétérinaire en Tunisie,
définissait les maladies contagieuses, déterminait les conditions requises pour
l'exercice de la médecine vétérinaire et énonçait les peines et poursuites
encourues par ceux qui exerçaient illégalement la médecine vétérinaire.
Le décret du 17 mai 1913, rattache le
Service de l'Elevage et l'Institut Arloing à la Direction Générale de l'Agriculture,
du Commerce et de la Colonisation.
Le décret du 1er juin 1935, place
l'Institut Arloing au sein du Service de l'Élevage.
Le décret du 15 Juillet 1943, réorganisait
l'administration centrale de la régence de Tunis rattache au service de l'élevage
les Établissements d'Élevage de Sidi-Thabet et d'Ebba-Ksour.
Le décret du 25 août 1947, rattache l'Institut
Arloing à la sous-direction de l'Agriculture puis au
Le décret du 11 août 1949, portait
création Ministère de l'Agriculture et lui rattachait l’Institut Arloing. Par
la suite, ce décret fut modifié par un premier décret qui rattachait l'Institut Arloing au service de l'Enseignement de la
recherche et de la Coopération Appliquée à l'Agriculture.
Le décret du
28 juin 1951, rattachait l'Institut Arloing au Service de la Production Animale.
L’arrêté du 13 décembre 1954, du Ministre
de l'Agriculture fixait es modalités de ce rattachement.
Durant les années 50, les services
vétérinaires et de l'élevage, sont réunis au sein d'un Service de la Production
Technique Animale du ministère de l'Agriculture dont l'encadrement est assuré
par le cadre des inspecteurs et des inspecteurs principaux de l'élevage, tous
vétérinaires. Les attributions de ce service étaient nombreuses et s'étendaient
aux missions de santé animale, de santé publique vétérinaire et d’hygiène
publique vétérinaire ainsi qu’aux missions de zootechnie et de
zoo-économie.
Dans les années 50 et 60, les vétérinaires avaient le
statut de « vétérinaires inspecteurs de l’élevage » et le Service de
l’élevage prit pour la première fois le nom de « Services
Vétérinaires »
Dans les années 70, cette structure change
encore de nom pour devenir la « Direction de la Production Animale »
(DPA) et des Commissariats Régionaux au Développement Agricole (CRDA) sont créés,
regroupant tous les services agricoles régionaux, y compris les services
vétérinaires, transformés en arrondissements de production animale (APA).
Dans les années 80, la DPA se voit retirer
ses prérogatives en matière de production fourragère et est élevée au rang de
« Direction Générale de la Production Animale » (DGPA), rattachée au
Ministère de la Production Agricole et de l'Agroalimentaire (MPAA) qui venait
d’être crée au côté du Ministère de l’Agriculture. Le rôle des CRDA se
renforce ; leur tutelle administrative sur les arrondissements PA est
totale mais le budget d’investissement où Titre II continue à être géré par les
directions centrales.
Durant les années 90, les APA dépendent intégralement des
CRDA, sur les plans administratif, budgétaire et technique.
En 1991, le MPAA est supprimé et les DPA et DPV sont
regroupées dans la « Direction Générale de la Production Agricole »
sans fondement juridique. Cette nouvelle direction générale n'avait en effet
aucun caractère légal car le décret n°87-780 du 21
Mai 1987, portant organisation du MPAA n’avait pas été abrogé. La DGPA
existant toujours par les textes, la représentation vétérinaire officielle est
réduite à une « Direction de la Santé Animale » et à une
« Direction de l’Hygiène Publique Vétérinaire » sans directeur.
En 1993, par simple décision
ministérielle, une « Direction Générale de la Santé Animale » (DGSA)
est constituée qui regroupe DSA et la DHPV et dont la direction a été confiée
au Directeur de l’Hygiène Publique Vétérinaire, faisant fonction de Directeur
Général, sans qu’aucun décret ne l’ait nommé comme il se doit à cette fonction.
Le décret n° 2001-420 du 13 Février 2001, porte
organisation d’une Direction Générale des Services Vétérinaires (DGSV) et
définit ses missions.
Il convient de rappeler que, dans le
cadre des pouvoirs régaliens qu’ils détiennent, les Services Vétérinaires
officiels (SV) agréent, auditent, certifient et accréditent, des structures
d’élevage et de transformation de produits d’origine animales et jugent de
l’état sanitaire des animaux et de la salubrité des denrées alimentaires
d’origine animale. Ils sont incontournables en matière d’importation et
d’exportation d’animaux et de produits d’origine animales.
Pour ces activités ils ont toujours fait montre de professionnalisme, de
compétence et de rigueur, bien qu’ils n’aient pas souvent disposé des moyens
nécessaires pour mener à bien leur mission et garder la confiance des autorités
nationales ainsi que des organisations internationales et de leurs homologues à
l’étranger.
Ces multiples changements dans les organigrammes de l'administration
centrale ne sont pas intégralement répercutés au niveau de l'administration
régionale de la santé animale. Les SV régionaux ont été et sont toujours
dirigés par des vétérinaires responsables auxquels on attribuait, chaque
décade, une nouvelle appellation : vétérinaire inspecteur de l’élevage,
vétérinaires inspecteur sanitaire, vétérinaire inspecteur chef d’arrondissement
ou de circonscription
production animale. L’anomalie
la plus évidente est que les Arrondissements Production Animale dépendent
techniquement de deux directions générales centrales, celle de la production
animale et celle de la santé animale.
Le dernier changement en date du 13
février 2019 est représenté par la promulgation d’une loi affectant les
services de l’hygiène publique vétérinaire et de la santé publique vétérinaire
à l’agence nationale du contrôle des produits et de l’environnement (ANCEP)
dépendant du ministère de la santé publique. Cette loi ampute les services
vétérinaires officiels du ministère de l’Agriculture de plus des deux tiers de
ses attributions. La DGSV, après la parution de cette loi ne sera plus qu’une
coquille vide que l’on fera disparaitre à la première occasion.
Le constat est navrant ; nos
décideurs et les représentants du peuple qui président à nos destinées et à
l’avenir de nos enfants ne sont capables que de décisions intempestives,
dénuées de raison et croient qu’en légiférant de la sorte, ils vont faire
disparaitre les maux dont souffrent nos SV vétérinaires. A l’heure où on a le plus besoin d’eux,
leurs attributions se réduisent de jour en jour alors que, des postes
frontaliers aux abattoirs et jusqu’à la distribution, le rôle des vétérinaires
est fondamental pour éviter ou limiter la propagation des maladies et la
contamination des animaux et de l’homme et pour protéger leur environnement.
Durant des décennies, les SV
officiels ont été la seule autorité compétente dans l’hygiène et l’inspection
des denrées alimentaires d’origine animale sur les lieux de production,
les marchés, les lieux de collecte, les lieux d’abattage, de transformation et
de commercialisation.
La profession avait l’espoir de voir ces Services
vétérinaires renforcés et dotés des moyens nécessaires pour mener à bien leur
mission ; c’est tout le contraire qui s’est produit. Ils ont
malheureusement été démembrés et ni la DGSV, ni le ministre de l’agriculture,
ni le conseil de l’ordre des médecins vétérinaire n’ont été en mesure de
présenter une argumentation solide pour arrêter ce démembrement.
Dr. Khaled El Hicheri
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