DESCRIPTION selon la littérature
L’hystérie est un état de névrose et de folie qui atteint subitement un troupeau de volailles. C’est un état d’excitation et d’affolement brusque. Le phénomène en lui-même est rare et on a noté qu’elle ne touche pas les mâles.
Les femelles atteintes d’hystérie se montrent effrayées sans aucune raison apparente, courent et volent dans toutes les directions cherchant un abri pour se cacher par exemple sous les pondoirs et sur les perchoirs. On remarque des agitations successives, un manque d’appétit, une diminution de l’abreuvement et une chute importante de la production.
Causes et signes précurseurs
Les causes provoquant l’hystérie ne sont pas très connues. La souche ne semble pas en être une. Par contre, la nutrition et le management semblent être les principales causes de l’hystérie.
Durant les 5-6 premiers jours, les signes précurseurs de l’état d’hystérie généralisée sont :
-la diminution du poids corporel de 2 à 3 g par jour
-le fléchissement de la production de 2 à 3% par jour
La nutrition
En effet, les parentaux d’aujourd’hui sont de plus en plus performants, la ration alimentaire servie étant plus ou moins la même, on pourrait alors enregistrer un état critique de nutrition pour les meilleurs troupeaux si la ration n’est pas corrigée à temps pour eux.
Il est surtout important de faire particulièrement attention au rationnement lors de l’incorporation des vitamines : méthionine, cystéine, tryptophane et niacine (vit PP).
Le management
Les facteurs à contrôler sont : le nombre et l’état des pondoirs, le désonglage des mâles, le bon débecquage des mâles, l’absence de parasites et la bonne santé des troupeaux, l’effet direct des rayons solaires et l’étendue du cailleboti.
Premier cas vécu en Tunisie
Le premier cas d’hystérie des volailles jamais reconnu et scientifiquement enregistré en Tunisie a eu lieu en 1994 dans une ferme de reproducteurs ponte au Cap Bon dans des bâtiments d’environ 632 m2 chacun, du type semi obscur, équipés d’extracteurs d’air d’un côté et de fenêtres de l’autre. La toiture est en aluminium en V renversé avec isolation en polystyrène. La densité est de 4 reproductrices souche Leghorn blanche au m2. La date de mise en place était fin Juin 1993.
L’HYSTERIE, cas vécu
Données techniques préliminaires
Un suivi vétérinaire et technique était assuré par une équipe de l’entreprise bien rodée avec en plus des visites régulières des techniciens du fournisseur de la souche.
La conduite du troupeau était très convenable avant l’avènement de l’hystérie. Sur le plan sanitaire Il y a eu une désinfection des bâtiments selon les règles de l’art, l’application rigoureuse d’un programme de vaccination, bref un suivi vétérinaire impeccable. Le rationnement était correct et bien étudié, administré selon l’âge et la production.
Le démarrage de la ponte était plutôt précoce, la courbe de ponte étant légèrement au-dessus de la courbe théorique.
A noter les fortes chaleurs brutales subies par le lot fin Mai début Juin 1994 période où la température est montée jusqu’à 37°C à l’intérieur des poulaillers.
L’hystérie s’est propagée dans le temps à partir de l’âge de 49 semaines et d’un bâtiment à un autre.
Signes précurseurs
-Diminution de poids : les pesées n’ont pas été effectuées, ce signe est donc passé inaperçu.
-Chute de ponte de 2-3% pendant 5 à 6 jours avant la déclaration de l’hystérie : dans ce cas précis la chute de ponte était tellement brutale qu’on n’a pas eu l’occasion de la voir venir.
Symptômes observés : état d’affolement et état de frayeur
-Etat d’affolement général et agitation : les animaux affolés courent et volent partout tout le temps sans faire attention aux obstacles (abreuvoirs, murs etc.) qu’ils heurtent parfois.
-Etat de frayeur : les animaux se cachent sous les nids, les pondoirs, et les renvois d’angle de la ch$iine d’alimentation, se perchent sur toutes les tuyauteries et sur les câbles à l’intérieur du bâtiment.
A remarquer que les mâles n’ont pas été touchés par l’hystérie.
Effet de l’hystérie sur les performances :
-Effet sur le taux de ponte : Les premières agitations ont commencé deux jours avant la chute de ponte. Le taux de ponte est passé de 86% au cours de la 48ème semaine d’âge à 83% puis à 70% du jour au lendemain. Il a chuté à 44% au cours de la semaine suivante. En 9 jours on a enregistré une chute de ponte d’environ 50%. Ensuite les mesures prises ont permis d’enregistrer une augmentation lente du taux de ponte qui a atteint 71% en un mois.
Mortalité
Le niveau des mortalités est resté normal.
Consommation d’aliment
Une baisse a été constatée.
Diminution du poids
Une pesée a été faite à la 61ème semaine montrant un poids réel de 1.6 kg pour les lots atteints soit une baisse de 100 g par rapport au poids dans les lots non atteints.
Eclosion
Les coqs, n’ayant pas été atteints par l’hystérie ont continué à cocher normalement et par conséquent les taux d’éclosion n’ont pas été affectés.
A LA RECHERCHE DES CAUSES
Par élimination les causes sanitaires, d’habitat et de conduite ont été écartées par la commission créée à l’occasion composée des vétérinaires et des ingénieurs de l’entreprise, des vétérinaires et des zootechniciens du Ministère. Ils ont constaté ce qui suit :
-Bonnes conditions au niveau des pondoirs qui sont en nombre suffisant.
-Désonglage correct
-Débecquage parfait
-Absence de parasites : l’utilisation de blouses blanches derrière les pondoirs la nuit a permis de faire cette confirmation.
-Rayons lumineux directs : absence de rayons solaires directs sur les volailles.
-Cailleboti : n’est pas en cause puisque le système d’élevage est entièrement au sol, sans cailleboti.
LA CAUSE : une erreur dans l’alimentation
Le contact continu avec le fournisseur des reproducteurs et en coordination avec ses nutritionnistes a poussé l’entreprise à faire une révision approfondie des formules d’aliments reproducteurs conçues depuis 1988 au niveau de l’entreprise. Il a été noté que le taux de Niacine de la formule production achetée sur la base d’un cahier des charges était de 6.9 g par kg d’aliment alors que les normes étaient de 40 g. L’anomalie était probablement due à une faute de frappe dans le cahier des charges qui est passée inaperçue d’année en année jusqu’à l’avènement de l’hystérie.
MESURES PRISES
Des corrections furent apportées immédiatement, en effet il a été ajouté par tonne d’aliment production :
-1000 g de méthionine
-40 g de niacine
-250 g de vitamine C
Cette ration corrigée a été servie aux animaux jusqu’à la fin de leur vie.
En plus, les volailles ont reçu de la vitamine C et de l’aspirine pour leur permettre de résister aux fortes chaleurs.
EFFET DES MESURES PRISES
Fréquence des agitations
La fréquence des agitations a diminué progressivement pour se stabiliser à 5-10 par heure jusqu’à la fin de la vie de ces bandes de reproducteurs.
Taux de ponte
Le taux de ponte a commencé à augmenter de nouveau deux semaines après le début de la chute de ponte (52eme semaine) pour atteindre un haut niveau de 73% cinq semaines après (58eme semaine) et pour être à 76% de ponte à la réforme du troupeau à 65 semaines.
CONCLUSION GENERALE
L’hystérie chez les volailles est un phénomène rare. Plusieurs causes peuvent être à l’origine de son apparition dont une déficience en vitamine P ou Niacine. C’était le cas dans le troupeau objet de cet article. En effet une formule d’aliment déficiente en niacine était servie aux troupeaux reproducteurs dans cette entreprise depuis 1988 sans qu’on s’en aperçoive jusqu’au jour de cet accident en 1993-1994.
L’explication est très probablement la suivante : de 1988 à 1993 les volailles ont subi une sélection plus poussée et sont devenues plus performantes. Ils sont en même temps devenus intrinsèquement plus exigeants et plus sensibles aux aléas et aux déficiences nutritionnelles. Extrinséquement les fortes chaleurs brutales et très fortes de fin Mai 1994 ont certainement favorisé l’apparition de cette maladie.
Les chutes de ponte ont été grandes. Théoriquement la récupération est très faible contrairement a ce cas précis. C’est possible que ceci s’explique par la faculté améliorée d’adaptation et de résilience très intéressante de cette souche. En effet, la correction de la ration en niacine a enclenché un retour au niveau normal en quelques semaines.
Mustapha Guellouz
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Article repris et restructuré en Janvier 2021
2 Ingénieur agroéconomiste spécialiste en développement de l’élevage, ancien PDG de la SOCELTA, la SOTAVI et l’OEP.
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