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Le concept « Bien public » appliqué aux services vétérinaires


Le concept « Bien public » appliqué aux services vétérinaires
Les services assurés par les Services vétérinaires officiels ainsi que par les médecins vétérinaires du secteur privé, sont essentiels pour le développement et de la mise en œuvre des politiques nationales en matière de lutte contre les maladies animales et de préservation de la santé publique. Ils garantissent la préservation des ressources animales en contribuant grandement à l’amélioration de la santé et de la productivité des animaux et à la réduction des pertes de production. Ils contribuent à assurer aux populations la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire des aliments et sont, de ce fait, considérés comme un « bien public » qui relève de l’intérêt collectif et constitue un droit fondamental des populations au même titre que l’enseignement, la santé, l’accès à la nourriture et à l’eau ou à l’infrastructure de base. 
Selon la définition donnée par le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OIE, les Services vétérinaires sont « les organismes publics ou privés qui assurent – sous la responsabilité et le contrôle de l’Autorité vétérinaire gouvernementale – la mise en œuvre, sur le territoire d’un pays, des mesures relatives à la protection de la santé et du bien-être des animaux terrestres et aquatiques ». Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD ou UNDP) classe, quant à lui, d’une manière générale, les « Biens publics mondiaux » en trois grandes catégories : les biens publics mondiaux naturels comme le climat, la biodiversité, le milieu naturel, la qualité de l’air et de l’eau ; les biens publics mondiaux sociaux comme l’éducation, la santé ou la culture, et les biens publics mondiaux issus de politiques consensuelles comme les équilibres et la stabilité financiers, le développement économique, la paix et la sécurité ou les accords internationaux. Cette classification pour ce qui est du concept « Bien public mondial » appliqué aux services vétérinaires est issue des préoccupations mondiales de sécurité alimentaire et de santé publique et des objectifs de développement des productions et de la santé animales.
Améliorer la production agricole et avec elle la production animale, est une nécessité primordiale pour lutter contre la faim et la pauvreté qui sévissent encore dans une grande partie du Globe. Les crises alimentaires qui se manifestent dans plusieurs parties du Globe, nous rappellent que la couverture des besoins nutritionnels d’une bonne partie des populations de notre planète, constitue une priorité absolue. La prévention et le contrôle des maladies animales transmissibles et des toxiinfections, assurés par les services vétérinaires, considérant le risque sanitaire pour ces populations, et les pertes économiques, constituent des actions d’intérêt général national et international et son considérés comme un « Bien public mondial ». A titre d’exemple, L’OIE estime que, au cours des dix dernières années, les pertes économiques provoquées par les épizooties d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), et de grippe aviaire H5N1 ont coûté à la collectivité mondiale plus de 220 milliards de dollars US en pertes directes et indirectes.
La notion de bien public, avant d’avoir été conceptualisée comme bien public national puis mondial, a toujours été comprise par les gouvernements des pays comme la prise en compte par l’Etat des besoins de base de leurs populations et de leur aspiration à la culture, à la paix, à la sécurité et au bien-être. Ce concept qui, au départ, était appliqué par les pays, dans le cadre de leurs frontières nationales, a évolué en « Bien public mondial » pour concerner la totalité des pays du monde. Cette globalisation est justifiée par la multiplication des maladies animales transfrontalières ou TADs (Transboundary Animal Diseases), l’émergence de nombreuses nouvelles maladies et le déclenchement de panzooties et de pandémies, favorisées par la mondialisation, le développement des échanges (légaux et illégaux) du commerce international d’animaux et de produits animaux et les déplacements de personnes et de troupeaux, provoqués par la multiplication des conflits, des catastrophes naturelles et autres crises politiques, économiques et sociales. La mondialisation a ainsi déclenché une prise de conscience globale des dangers et des risques que courent les populations et les économies des pays, quel que soit leur éloignement des foyers initiaux des maladies, et de l’intérêt d’y faire face en groupe d’intérêt commun, dans le cadre d’organisations internationales telles que l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE), L’Organisation Mondiale de l’Agriculture (FAO), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ou d’ONG mondiales.   
L’application de ce concept de bien public mondial au secteur de la santé et de la production animale ainsi qu’au secteur de la santé publique, secteurs couverts par les activités vétérinaires, s’est avèré indispensable pour lutter ensemble contre la pauvreté et la malnutrition et contribuer efficacement à la sécurité alimentaire et à la sécurité sanitaire des aliments d’origine animale d’une grande partie des populations du globe. Soulignions toutefois que les programmes élaborés pour atteindre cet objectif sont intimement liés au concept de « bonne gouvernance » car ils ne peuvent être appliqués efficacement que si les organismes institutionnels ou privés, nationaux et internationaux, qui les gèrent, obéissent aux critères de bonne gouvernance. Mais si à l’échelle nationale, la protection de ces biens publics est de la responsabilité de l’Etat, à l’échelle internationale il n’existe pas encore d’organisme spécifique chargé de la protection des biens publics vétérinaires mondiaux. Cette carence est toutefois partiellement réduite par les accords de coopération entre l’OIE, l’OMS, la FAO, et certaines associations mondiales non gouvernementales, ayant pour objectifs la santé et la production animale ou la santé publique avec pour corollaire l’amélioration des capacités des services vétérinaires considérés comme « bien public mondial » qu’il convient de développer et de protéger contre les errements des politiques de privatition à outrance, pratiquées par certains gouvernements sous la pression des bailleurs de fonds.
Les objectifs de réduction des pertes de production, de protection de la santé du cheptel et indirectement de la santé publique par la prévention des zoonoses et des infections d’origine alimentaire, conduisent les Services vétérinaires à inscrire leur action dans le cadre plus large de lutte contre la faim, de réduction de la pauvreté et de développement économique et social. À ce titre, ils sont des acteurs essentiels pour la préservation de l’état de santé des animaux et des personnes. C’est pourquoi, il est primordial que les politiques publiques soutiennent le développement, le renforcement, la structuration et les capacités des Services vétérinaires nationaux, en leur fournissant les ressources humaines et les moyens financiers nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, en actualisant les législations vétérinaires nationales et en améliorant la qualité de l’enseignement vétérinaire. Pour assumer leurs responsabilités, les Services vétérinaires officiels et privés, dotés des infrastructures et des moyens qui leur permettent de mieux lutter contre les épizooties et les maladies transmissibles, pourront mieux protéger la santé animale et la santé publique. Les moyens qui leur sont alloués pour conduire à bien leurs programmes de prévention et de lutte, constituent des investissements nécessaires au développement économique et social de la collectivité. Ils constituent de ce fait un « Bien public » qu’il convient de préserver pour les générations futures.

Dr. Khaled El Hicheri

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