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Qu’en est-il des dromadaires australiens

Qu’en est-il des dromadaires australiens 

 Ces derniers temps, une rumeur circule avec persistance dans le milieu des éleveurs de dromadaires du Sud tunisien. Cette rumeur concernerait l’importation de dromadaires ensauvagés d’Australiepour agrandir le troupeau de dromadaires tunisiens qui ne compte actuellement que 80.000 têtes. J’espère que nos éleveurs ou du moins ceux d’entre eux les plus avertis ne donneront pas suite à cette idée et ce, pour les raisons suivantes En Australie, la population de dromadaire est une population férale (retournée à l'état sauvage après avoir été domestiquée) dont le nombre double tous les 10 ans au taux de croissance annuel de 10% qui lui a permis d’atteindre un million de têtes en 2010. Ce nombre et cette croissance sont considérés comme une grave nuisance et une menace pour la faune, la végétation et l’écosystème d'Australie. Ces dromadaires sont en effet connus pour causer de graves dégradations dans les sites naturels, notamment en période de sécheresse. 

Si nous devions en importer, il faudrait les domestiquer de nouveau pour pouvoir gérer les troupeaux. Il faudrait constituer des trouppeaux spécifiques d’origine australienne car au fil des générations ces dromadaires ont acquis des comportments agressifs; Ils sont plus robustes car les ressources fourragères du désert australien sont plus abondantes et plus variées que les ressources que peuvent leur fournir nos parcours pré-sahariens et sahariens. 

Par ailleurs, le courant commercial établi entre l’Australie et les pays du Golfe ne concerne que la viande sur pied et de plus en plus en carcasses. Durant des générations ces animaux n’ont pas été soumis à une sélection en vue de l’amélioration de leur potentiel génétique pour une meilleure production de viande ou de lait. Il n’ont pas fait l’objet d’un programme sanitaire même si les services vétérinaires australiens sont connus pour leur compétence et leur sérieux. Nos services vétérinaires, au moins aussi compétents et sérieux que leurs confrères australiens n’ont aucune idée de leur statut sanitaire vis à vis de nombreuses maladies qu’ils partagent avec les autres ruminants ou qui leur sont spécifiques. 

Ces dromadaires peuvent être affectés par de nombreuses maladies asymptomatiques et transmissibles ou être porteurs d’agents pathogènes de toutes sortes. Il s’agit là de populations animales sauvages dont le contrôle sanitaire est difficile à assurer. Par ailleurs, je ne vois pas l’avantage économique d’importer des animaux vivants sur une aussi longue distante pour les abattre chez nous, connaissant les coûts prohibitifs des tranports maritimes. En outre, s’il s’agit d’augmenter notre production de lait de chamelle, il faut se rendre à l’évidence que ces dromadaires ensauvagés n’ont été soumis à aucune sélection dans ce sens. 

Ces dromadaires sont les descendants de dromadaires pakistanais, afghans et indiens, introduits en Australie, au 19e siècle. qui vivent surtout dans les zones à climat aride. Jusqu'aux années 1840, les dromadaires étaient inconnus en Australie; les premiers ont été importés par les britanniques comme animaux de bât pour l'exploration et le développement de l’intérieur de l’Australie aride, grâce à leur capacité à s'adapter à des conditions de vie difficiles. Dans les années 1920, avec la mécanisation et la motorisation des transports, ces animaux furent relâchés dans la nature où, faute de prédateurs naturels, ils purent se reproduire rapidement. 

La dégradation de l'environnement se produit lorsque les densités dépassent deux animaux par kilomètre carré, ce qui est actuellement le cas dans une grande partie de leur aire de répartition dans le Territoire du Nord australien. Le plan d'action national pour les dromadaires sauvages a cité les impacts environnementaux suivants : des dommages étendus au paysage, y compris les dommages causés à la végétation par le comportement de recherche de nourriture et le piétinement, la suppression du renouvellement de certaines espèces de plantes, le broutage sélectif de la flore rare et menacée, la concurrence avec les animaux indigènes pour la nourriture et les abris, les dommages importants aux infrastructures, aux clôtures d'élevage et aux points d'eau pour le bétail, les « coûts directs de contrôle et de gestion, la concurrence avec le bétail pour la nourriture et l'eau, les évasions de bétail dues aux dommages causés sur les clôtures et la destruction des ressources en nourriture de brousse, les nuisances générales dans les zones résidentielles, les problèmes de sécurité sur les pistes d'atterrissage, les dommages aux stations et aux infrastructures communautaires, les coûts associés aux accidents de la route.... 

En 2009, dans les territoires du nord australien, le problème des dromadaires à la recherche d'eau devient suffisamment important pour que le gouvernement envisage d'éradiquer des milliers de dromadaires devenus une nuisance. En 2011, l'État australien propose de lancer une campagne d’éradication des dromadaires et propose l’équivalent à 56 euros pour un dromadaire abattu. Ce projet a été rejeté et un projet de gestion des dromadaires sauvages a été établi en 2009 et a duré jusqu'en 2013. Il visait à renforcer les capacités des propriètaires terriens à gérer les dromadaires sauvages tout en réduisant les impacts sur l’environnement et l’écosystème. 

En novembre 2010, le ministère de l'Environnement australien publie le plan d'action national pour les dromadaires sauvages, un plan de gestion national conforme à la stratégie australienne de lutte contre les animaux nuisibles. À la fin du projet en 2013, “l'Australian Feral Camel Management Project” a réduit la population de dromadaires sauvages de 160 000 dromadaires. Ce projet a fait l'objet de critiques de la part de l'industrie australienne du dromadaire, qui souhaitait voir la population sauvage abattue pour la transformation de la viande, le marché de la viande pour animaux de compagnie ou l'exportation d'animaux vivants, en faisant valoir que cela réduirait les déchets et créerait des emplois. 

En 2020, en raison de la chaleur généralisée et de la sécheresse qui sévissait, les dromadaires errent dans les rues, endommageant les bâtiments et les infrastructures dans leur recherche d'eau. Le 8 janvier 2020, le ministère de l'Environnement et de l'Eau commence un abattage de cinq jours, Les exportations d'animaux vivants ont commencé il y a trois ans et ce créneau dispose d'un immense potentiel. Chaque année, environ 10 000 chameaux, représentant une valeur de 1,52 million de dollars américains, sont exportés, principalement pour leur viande. 

Ce commerce pourrait atteindre les 25 000 têtes au cours des prochaines années en raison des problèmes sanitaires auxquels est confronté l'Afrique, qui alimente habituellement les pays du Moyen-Orient. Les problèmes sanitaires sont devenus si graves dans ces pays d'Afrique que ce commerce s'est arrêté. En effet, la fièvre de la vallée du Rift et d'autres maladies ont bloqué les exportations notamment ceux de la Corne de l’Afrique vers le Proche et Moyen-Orient. Du coup, l'Australie est devenu le seul autre fournisseur présentant les garanties sanitaires suffisantes. 

Soixante pour cent (60%) des dromadaires ensauvagés d’Australie vivent dans les zones aborigènes où les habitants se sont habitués au voisinage des dromadaires, en ont domestiqué des centaines et qui cherchent un moyen de vivre sur leur “reserve” ou territoire en valorisant les productions du dromadaire et voilà que la destruction des dromadaires sauvages les prive d’une ressource potentielle. Pour les populations aborigènes, les dromadaires ne constituent pas un problème;c’est un don qui pourrait permettrede développer une véritable industrie dans une zone éputée pour son aridité et que seul le dromadaire est capable de valoriser. 

Le gouvernement était prêt à payer 19 millions de dollars pour liquider 650,000 dromadaires alors que cet argent pouvait permettre de valoriser la population de dromadaires ensauvagés. Plutôt que de détruire ce cheptel, il serait préférable de développer un marché des produits et productions camelins (viande, lait, laine et cuir). Les sommes investies dans la destruction serait bien plus efficace s’il était investi dans le développement d’une industrie de transformation des produits du dromadaire et dans laquelle la population aborigène prendrait une part active. Signalons enfin qu’Il est dépensé actuellement 400 $ par dromadaire pour sa destruction alors que sa valorisation sur le marché international de la viande pourrait rapporter 3 fois plus (1200 $). 

D’éminents chercheurs voient dans le dromadaire, l’animal du 21ème siècle, du fait de son rôle potentiel dans la sécurisation alimentaire des zones désertiques. L’idée d’importer des dromadaires sauvages d’Australie pour les élever, les engraisser ou les abattre en Tunisie n’est pas réaliste pour les raisons évoquées précèdemment et ne présente aucun avantage économique ni pour les éleveurs ni pour le pays. Nous ne ferions qu’importer les problèmes qu’affronte l’Australie. 

 Dr. K. El Hicheri

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