La prescription,
l'administration et la fourniture de médicaments pour animaux relève de la
responsabilité du médecin vétérinaire qui veille au respect des conditions
d'utilisation, de la posologie et du délai d’attente qui est le délai entre la
dernière administration du médicament et l'abattage ou la commercialisation de
produits d'origine animale, pour que la teneur en résidus médicamenteux, dans
ces produits soit inférieure aux valeurs des Limites Maximales de Résidus
(LMR), établies.
En
Tunisie, les officines pharmaceutiques, commercialisent la quasi-totalité de
produits vétérinaires, souvent sans prescription vétérinaire, non seulement aux
éleveurs mais aussi à tous les apprentis sorciers qui s’improvisent
vétérinaires, tels que certains techniciens agricoles, inséminateurs,
préparateurs des pharmacies et bien d’autres, portant ainsi un énorme préjudice
aux vétérinaires libres praticiens. Cette pratique, généralisée, est
extrêmement dangereuse car elle entraine l’automédication, la sur-médication,
l’exercice illégal de la médecine vétérinaires, l’anti-microbiorésistance et
l’accumulation de résidus dangereux pour la santé des consommateurs de produits
alimentaires d’origine animale. C’est ainsi que des produits antiparasitaires dont les
résidus toxiques se retrouvent dans les produits alimentaires, sont massivement
vendus, directement et sans ordonnance, dans les officines qui prescrivent et
délivrent alors qu’ils n’ont aucune connaissance des élevages concernés et
qu’elles ne sont pas en mesure d’assurer la surveillance sanitaire des animaux
auxquels ces produits sont destinés.
L’usage abusif et
inconsidéré de médicaments vétérinaires affecte la qualité sanitaire des
denrées alimentaires d’origine animale. Les médecins vétérinaires critiquent
avec virulence l’inflation médicamenteuse due aux ventes directes et sans ordonnances,
de médicaments aux particuliers. Ils accusent autant les officines
pharmaceutiques que le colportage illégal de ces produits, introduits en fraude
dans le pays et dans une moindre mesure les laboratoires pharmaceutiques. Ils rappellent que l’un
des objectifs essentiels de la législation et de la réglementation, relatives à
la pharmacie vétérinaire, est de garantir la sécurité sanitaire des denrées
alimentaires d’origine animale et de protéger la santé du consommateur. C'est
donc à l'aune de la santé animale et de la santé publique qu'il convient
d'examiner la situation et non sur la base de réflexes corporatistes d’un autre
âge.
Les médicaments
vétérinaires, et plus particulièrement les antibiotiques, sont utilisés
abusivement en élevage, hors du cadre vétérinaire. Bien que seuls des
médicaments autorisés, bénéficiant d’une AMM, puissent être utilisés, le
non-respect des doses limites et des temps d’attente, avant de livrer le
produit à la consommation, sont à l’origine des quantités massives de résidus
médicamenteux que l’on retrouve dans ces produits et qui altèrent la qualité
sanitaire des aliments. Le constat est grave car rien n’est fait par les
autorités compétentes pour intervenir en amont afin d’interdire les ventes
directes de médicaments à usage vétérinaires par les colporteurs et par les
officines pharmaceutiques.
Les vétérinaires ont
depuis des décades tiré la sonnette d’alarme et soulevé, le problème et les
dangers de la vente directe par les officines, de médicaments, vaccins et divers
produits vétérinaires, aux éleveurs et autres personnes, se livrant à la
pratique illégale de la médecine vétérinaire. Le Conseil de l’Ordre des
pharmaciens et l’inspection de la Pharmacie avaient été saisis sans qu’aucune
mesure n’ait été prise en vue d’interdire ces ventes sans ordonnance. De
nombreuses plaintes avaient également été déposées par des praticiens auprès du
Conseil de l’Ordre des Vétérinaires, concernant des vaccinations antirabiques
de chiens dans les officines.
La contribution du vétérinaire
est particulièrement importante dans l'administration raisonnée des médicaments
pour animaux, mais l’éleveur n'est pas déchargé de ses responsabilités dans la
mesure où il aurait tendance à faire l’impasse sur la visite du vétérinaire et
s’adresserait directement à la pharmacie pour s’approvisionner en médicaments,
sans produire d’ordonnance. Afin d’assurer un contrôle rigoureux
de l’usage des médicaments, les éleveurs devraient obligatoirement tenir un
"registre d'élevage" dans lequel ils marqueraient les traitements
prescrits par les vétérinaires et conserveraient toutes les ordonnances. Cette
pratique limiterait l'automédication, mais l’encadrement de l’élevage, ayant
été confié à l’office de l’élevage et des pâturages, elle n’est pas prête d’être
appliquée.
Le
constat est lourd de conséquences, dans la mesure où le circuit de la vente des
médicaments échappe presque totalement aux vétérinaires qui ne peuvent que
constater et signaler les abus et les dégâts. Les répercussions négatives de la
sur-médication sur la santé de l’homme sont encore plus grandes car elles ne
sont pas toujours portées à la connaissance des décideurs et les textes de loi
se suivent sans prendre en compte cet aspect de santé publique, pourtant si
important.
Dr.
Khaled El Hicheri
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