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Vétérinaire au féminin


Vétérinaire au féminin
On assiste depuis quelques années avec l'amélioration progressive de la technicité et des connaissances des éleveurs, à l'ouverture vers l'extérieur et à l'instauration d’un libre-échange dont les effets sur l'agriculture tunisienne se font sentir et se répercutent sur les choix et les orientations, et à la féminisation rapide de la profession vétérinaire.

La médecine vétérinaire en Tunisie était une profession totalement masculine, jusqu’en 1980, année de la sortie de la première promotion de l’Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet (ENMV), composée de 5% de Femmes diplômées vétérinaires. Elles représentent à l’heure actuelle plus de 60% des étudiants vétérinaires de l’ENMV et plus de 33% des vétérinaires inscrits au tableau de l’Ordre, ce qui placerait à moyen terme la Tunisie parmi les pays ou les vétérinaires femmes seraient plus nombreuses que les vétérinaires hommes.  Nous restons toutefois loin des taux de féminisation enregistrés dans les facultés de médecine et de pharmacie où l'élément féminin domine.

Ce phénomène n’est pas particulier à la Tunisie. Dans le monde entier, le pourcentage de femmes embrassant la carrière vétérinaire a augmenté durant ces dernières décennies. La tendance à la féminisation de la profession, est constatée dans la plupart des pays développés où le taux de féminisation dans les écoles et facultés vétérinaires de certains pays a dépassé les 70 %. Chez nos amis français, si les premières femmes n’ont été admises dans les écoles vétérinaires qu’en 1942, c’est en 1991 que, pour la première fois, la majorité des admis au concours d'entrée aux écoles vétérinaires françaises, sont des filles. Toutefois, à l’issue de leurs études, seule une minorité des femmes diplômées, s'inscrivent à l'ordre et ces dernières ont rarement des clientèles rurales mais généralement des clientèles canines ou à dominante canine.

L’élément féminin est ainsi en train d’occuper une place de plus en plus grande au sein de la profession vétérinaire mais cette féminisation atteindra à long terme, ses limites de par la nature même des activités vétérinaires qui réduisent l’accès des femmes à certaines composantes de ces activités, du fait de leur pénibilité notamment.

Les vétérinaires femmes peuvent toutefois prétendre à des carrières qui ne présentent pas les inconvénients de la libre pratique, en clientèle rurale.  Elles s’orientent alors vers l’administration, l’enseignement, les laboratoires, la recherche ou les cabinets spécialisés dans la médecine et la chirurgie des aux animaux de compagnie. Elles sont appréciées comme représentantes ou déléguées de laboratoires pharmaceutiques. Elles sont appelées à jouer un rôle crucial en Santé Publique Vétérinaire. Ses messages, concernant l'hygiène notamment, ciblent directement les femmes qui peuvent alors les mettre à exécution. A titre d’exemple, la campagne contre l'échinococcose au Maroc a ciblé la formation des femmes en hygiène et gestion des abats. Cette féminisation offre ainsi de nombreuses opportunités dues au fait que, dans les petites et moyennes exploitations, les femmes restent celles qui prennent soin du bétail mais elles sont souvent occultées et les messages éducatifs et de vulgarisation ainsi que les conseils, sont encore délivrés aux hommes qui sont supposés les transmettre aux femmes. Ces messages passent mal, n’atteignent pas le but recherché et sont rarement suivis. Aussi, l'éducation des femmes éleveurs, en termes d'hygiène de base et des autres mesures de prévention, serait-elle plus efficace si elle était donnée à ces femmes par des vétérinaires femmes.

Sur un autre plan, la vision des femmes, plus sensibles, plus patientes et plus attentives à l’anxiété et aux émotions de leurs clients et aux souffrances des animaux, diffère sensiblement de celle des hommes. Ces sentiments ont certainement contribué à l’attrait exercé par la médecine vétérinaire sur les étudiantes. Cet attrait a été accentué par le fait que, devant les appétits des autres professions qui disputent aux vétérinaires certaines de leurs compétences et prérogatives, les études de médecine vétérinaire ont suivi le recul amorcé par l’administration dans le domaine de l’élevage et mis beaucoup plus l’accent sur la santé animale, la médecine et la clinique vétérinaire que sur d’autres disciplines. Ces changements dans l’enseignement vétérinaire ont contribué à l’engouement des étudiantes pour les études vétérinaires.

Une certaine réticence des étudiantes à embrasser la carrière vétérinaire, commence toutefois à se manifester ; elle s'explique notamment par les débouchés incertains, au sein de l'administration dus à la régression des postes dans la fonction publique qui fut, durant des décennies, le plus gros employeur. Elle s’explique également par la concurrence d’autres professions dans les secteurs de l’élevage, de l'agro-alimentaire, de l'hygiène publique et de la biologie, notamment, et par la réduction progressive du champ des activités vétérinaires, aux seuls domaines de la médecine et de la chirurgie des animaux dans les zones rurales

Sur le plan de l’activité vétérinaire proprement dite, on observe également une désaffection des femmes vétérinaires qui répugnent à s’installer en rurale et attendent souvent plusieurs années avant de réussir à un concours de recrutement dans l’administration ou qui, tout simplement, ne sont pas active car elles éprouvent plus de difficultés que leurs confrères, à concilier vie professionnelle et obligations familiales.  La féminisation de la profession n’a pas que des avantages. De plus en plus de jeunes femmes vétérinaires choisissent actuellement d’exercer en clientèle « canine », en milieu urbain.

Cette évolution dans la profession vétérinaire constitue l’un des changements internes le plus important et il serait dores et déjà utile d’entreprendre une étude sur les conséquences que cette féminisation aura sur la capacité de la profession à faire face aux besoins actuels et futurs de notre élevage car les statistiques, dans les pays développés, montrent que les femmes vétérinaires praticiennes ne participent qu’a 50% du niveau de l’activité des vétérinaires hommes du fait des contraintes déjà évoquées. Cette tendance, si elle se maintenait, conduira inévitablement, avec le temps, à une pénurie de vétérinaires dans les zones rurales comme cela est déjà le cas dans de nombreux pays développés. Il s’agit là d’un phénomène mondial qui doit être pris en compte de façon prioritaire si nous voulons continuer à assurer la couverture sanitaire du cheptel, et la détection précoce des maladies animales et des zoonoses. Notre vision de l’évolution et de l’avenir de la profession vétérinaire doit tenir compte de cette composante non négligeable.

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