Où va la profession
vétérinaire ?
Le conseil national de l’ordre des médecins vétérinaires
de Tunisie a tenu, comme à l’accoutumée, le mois de juillet dernier, ses
assemblées générales ordinaires et électives, en présence d’un nombre extrêmement
réduit de présents. D’année en année, la désaffection des vétérinaires
tunisiens pour les questions qui concernent la promotion de leur profession et
pour la solution des problèmes majeurs qu’ils rencontrent dans l’exercice de
leurs activités, ne fait que s’accentuer alors que dans le monde, le progrès
des sciences et des techniques, entraine des bouleversements importants dans
notre mode de vie, nous obligeant à une adaptation accélérée que les
générations précédentes n’avaient pas connue.
Les sciences vétérinaires, en
évolution constante, n’échappent pas à cette évolution, à ces bouleversements
et à cette adaptation. L’influence des changements qui s’opèrent se fait sentir
sur la profession vétérinaire, intimement liée aux modifications introduites
dans les modes d'élevage, les techniques et les procédés de transformation des
produits de l’élevage et dans les modes de consommation des produits
alimentaires d’origine animale ; car si la profession vétérinaire est
classée parmi les professions médicales, ses activités sont également liées à
l’agronomie, à l’économie et à l’utilisation des technologies nouvelles.
Ces technologies ont investi tous les
aspects de la vie, y compris les activités vétérinaires qu’il s’agisse des
activités cliniques ou des activités de laboratoire ou tout simplement des
activités de gestion et, pour ne pas être distancé, il faut tout d’abord savoir
les utiliser. Pour cela, une formation continue est indispensable tant les
changements sont rapides ; très souvent, les connaissances d’il y a à
peine cinq ans sont déjà obsolètes.
Face à ces changements, la profession
vétérinaire peut-elle s’adapter aux situations nouvelles ainsi crées ?
cela est possible mais il faudra pour cela relever plusieurs défis car la
situation de cette profession est préoccupante à plus d'un titre. Les
prérogatives conférées par le diplôme de docteur vétérinaire sont
continuellement remises en cause par d'autres catégories professionnelles.
En outre, les conflits d’intérêt entre
vétérinaires, le manque de sensibilisation aux causes professionnelles et de
prise de conscience pour les problèmes d'intérêt commun, ne font qu’aggraver
cette situation, accentuée par la faible représentativité de la profession dans
les hautes sphères de l'Administration et par l'absence de la profession de la
scène politique. Alors que dans la plupart des autres pays, la proximité du
vétérinaire du monde rural et de la population en général, a permis à la
profession d'être toujours bien représentée et bien défendue dans les instances
législatives, en Tunisie, la profession est politiquement absente.
Le support politique est indispensable
pour redresser la situation, or le rôle politique des médecins vétérinaires en
Tunisie est encore modeste ; ils n’ont jamais été représentés au sein du
parlement, contrairement aux autres professions de santé. Cette absence de
représentativité, au sein des sphères dirigeantes du pouvoir législatif,
explique en grande partie le recul de la présence de la profession vétérinaire
dans de nombreux domaines tels que l’élevage et la production animale, la
pharmacie vétérinaire et même l’hygiène des denrées alimentaires d’origine
animale.
Sur un autre plan, il existe une
différence considérable entre la perception que l’on se fait des métiers
vétérinaires et la réalité. Cette différence pourrait bien s’accentuer dans
l’avenir, car la profession évolue sans cesse. Certains secteurs se saturent,
d’autres sont en partie perdus, colonisés par d’autres professions à la
recherche d’espace mais d’autres voies s’ouvrent. C’est le cas du secteur des
animaux de compagnie et des animaux de sport et de loisir, pour lesquels de
nouvelles techniques médicales et chirurgicales sont utilisées, constituant
autant de spécialités vétérinaires. Par ailleurs, en agroalimentaire, le rôle
du vétérinaire devient de plus en plus pointu, ce qui lui permet de distancer
ceux qui lui disputent ces activités. En matière d’environnement aussi, la
société a fait un choix pour une meilleure qualité de vie et la place faite au
vétérinaire dans la protection de la nature et de l’environnement ne fait que
s’affirmer et ne peut que se développer.
Par ailleurs, face à l’intensification
de l’élevage et aux exigences du marché, les Services Vétérinaires sont
contraints de mettre en place des structures, des systèmes et des programmes de
surveillance de contrôle et de suivi, de plus en plus sophistiqués et devront
faire encore plus appel à l’assistance des libres praticiens. Cette assistance
est actuellement sollicitée dans le cadre du Mandat Sanitaire dont on évalue
encore les effets sur les activités vétérinaires officielles et dont on n’a pas
encore complètement analysé les résultats. La part des activités liées à ce
mandat est encore trop faible et il devient nécessaire de développer la
capacité opérationnelle de ce réseau, essentiel pour le pays.
Dans les pays en développement ou
émergeants, dont notre pays fait partie, les vétérinaires sont des conseillers
appréciés en matière de santé, de nutrition, de reproduction et de conduite du
troupeau. Ils ont l'expérience requise pour prévenir la propagation des
maladies dans une exploitation ou une région et pour traiter les animaux
malades. Cependant, de nombreux petits agriculteurs-éleveurs ne peuvent pas
toujours se permettre les conseils de professionnels ou certains traitements
qui s’avèrent onéreux. Ils souffrent des conséquences néfastes des maladies qui
dévastent leurs troupeaux et nuisent à leur santé ; le problème pourrait
s'aggraver quand on constate le peu d’intérêt de l’Etat pour la médecine et les
médecins vétérinaires.
Cette situation préoccupante est,
toutefois, tempérée par l'importance que prend le commerce international et par
la mondialisation de l'économie et des échanges qui ont permis à la profession
vétérinaire de renforcer certaines de ses prérogatives et de ses
responsabilités dans les domaines de la santé animale et de la santé publique.
Cette nouvelle chance et cette nouvelle reconnaissance qui lui sont offertes,
en grande partie grâce au travail accompli par l’Organisation Mondiale de la
Santé Animale, doivent être exploitées pour redonner à la profession
vétérinaire un nouvel élan et la pousser vers l'excellence pour la mettre hors
d'atteinte des détracteurs et des concurrents. Le vétérinaire ne manque en
effet ni de valeur ni de compétence pour se dégager de l'image limitative de
" médecin des animaux " dans laquelle tentent de l'enfermer ceux qui
lui veulent du bien.
En Tunisie, pays classé parmi les pays
en transition ou pays émergents, dont l'économie est planifiée mais qui évolue
rapidement vers une économie de marché, l’influence des changements qui
s’opèrent commence à se faire sentir sur la profession vétérinaire. Cette
profession est l’une de celles qui sont appelées à évoluer le plus rapidement
car elle est intimement liée aux modifications qui sont introduites dans les
modes d'élevage, les techniques et les procédés de transformation des produits
de l’élevage et dans les modes de consommation des produits alimentaires
d’origine animale.
Face aux
changements observés dans son environnement, la promotion de la profession
vétérinaire est appelée à prendre plusieurs formes mais elle passe
obligatoirement et en priorité par la réforme de l’enseignement vétérinaire et
des structures administratives qui encadrent les activités vétérinaires
officielles. Elle passe aussi par une plus grande implication dans la recherche
qui touche à la pathologie, au médicament, à l’agroalimentaire ou à
l’environnement. Le développement des laboratoires d’analyse et de diagnostic
et la constitution de réseaux par maladie et par espèce animale, ne doivent pas
non plus être négligés.
Dr. Khaled El Hicheri
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