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Allons-nous abandonner l’insémination artificielle ?

L'Insémination artificielle est une technique de procréation assistée, sans la présence du mâle, consistant à placer du sperme dans l'utérus de la femelle, au niveau du col de l'utérus ou dans sa cavité. L'inséminateur immobilise le col de l'utérus par voie rectale et injecte le contenu de la paillette de semence préalablement décongelée au bain-marie. C’est une «biotechnologie» qui était déjà pratiquée par les vétérinaires arabes, dès le XIVe siècle,  sur les juments. Elle est utilisée en Tunisie, principalement pour le perfectionnement des races bovines.

Rappelons à cette occasion que l’IA, comparée à la monte naturelle, est intéressante à plus d’un titre : elle est économiquement beaucoup plus rentable et génétiquement importante car elle permet une large diffusion de la semence de taureaux d’élites permettant ainsi l’augmentation de la production de lait et de viande et la création de noyaux nationaux de bovins de race pure à un stade avancé de sélection. Elle a également une importance sanitaire notable et, bien conduite, peut contribuer à diminuer la prévalence de nombreuses maladies car le contrôle sanitaire des taureaux d’élite fournisseurs de semence est rigoureux.

Introduite en Tunisie dès les années soixante par les vétérinaires du service de l’élevage de l’époque, comme technique d’amélioration génétique des bovins, elle a permis de transformer le visage de cet élevage grâce aux programmes de croisements d’absorption des races locales par des races laitières ou à double fins, puis par l’importation de génisses pleines et finalement par l’importation de spermes congelés. Dans le cadre de ces programmes d’amélioration génétique des centres d’insémination ont été créés et des inséminateurs formés par l’Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet.

L’activité de ces inséminateurs est, normalement, bien définie ; une fois la semence en sa possession, il doit prendre toutes les mesures en vue de sa bonne conservation. La semence est importée et fournie par l’OEP ou par des sociétés d’élevage ou même par des éleveurs qui importent directement la semence, le plus souvent sans tenir compte des orientations des services officiels. L’emploi de la semence doit pouvoir, normalement, être justifié par la tenue d’un relevé journalier des doses utilisées, le numéro du livre généalogique (herd-book) du taureau et l’identité de la vache inséminée. Une copie de ce relevé doit être transmise mensuellement à l’arrondissement de la production animale du lieu. Le conteneur d’azote liquide ou sont conservées les paillettes de semence, doit pouvoir être contrôlé à tout moment par un vétérinaire de l’arrondissement habilité à cette fin. Un contrôle sanitaire rigoureux doit, en effet, pouvoir être assuré par les services vétérinaires (arrondissement production animale) car les pathologies à risque de transmission par l’IA sont nombreuses (une quarantaine approximativement dont, notamment, la Brucellose, la Fièvre aphteuse, l’IBR, la Tuberculose, la Pleuropneumonie contagieuse, la fièvre de la vallée du Rift …. ). Ces risques liés à la qualité sanitaire de la semence et à l’hygiène de la collecte, de la dilution de la conservation du sperme et surtout lors de son utilisation par l’inséminateur, peuvent être réduits par des contrôles, effectués par des médecins vétérinaires spécialisés, à tous les niveaux de la chaîne.

A ma connaissance, une commission, présidée par l’OEP et à laquelle participent les représentants de la DGSV et du CNOMVT, est en train de réviser le cahier des charges des inséminateurs ; Le cahier de charges actuel fait déjà la part belle aux inséminateurs techniciens et ingénieurs et l’intention non déclarée de l’OEP est de leur accorder plus de prérogatives et d’écarter les médecins vétérinaires de l’IA pour en faire une activités et une carrière d’ingénieurs et de techniciens ; il s’agit là d’une stratégie décidée de longue date car rappelons-nous que l’OEP employait plusieurs vétérinaires dont certains encadraient les inséminateurs et que cet office n’en emploie plus aucun, actuellement. Les vétérinaires participant à cette commission devraient insister pour que les normes sanitaires à respecter soient renforcées ainsi que le rôle des vétérinaires comme inséminateur et comme contrôleur et que des mesures sévères, allant jusqu’au retrait définitif de leur licence, soient codifiées pour sanctionner l’exercice illégal de la médecine vétérinaire et autres dépassements auxquels se livrent les inséminateurs.

Il faut rappeler à nos décideurs et à certains responsables vétérinaires que l’insémination artificielle est un acte médical qui ne peut être pratiqué que par un médecin vétérinaire ou sous son contrôle car cet acte est intimement lié à la pathologie de la reproduction, à la physiologie de l’appareil génital, à la lutte contre la stérilité et à la thérapeutique, domaines de compétence exclusive des médecins vétérinaires. Les apprentis sorciers ne peuvent que provoquer des dégâts irréparables. Dans les pays les plus avancés en élevage de races pures performantes, l’IA est du seul ressort des médecins vétérinaires car le capital cheptel est tellement important qu’il ne saurait être confié pour sa reproduction et pour sa santé qu’à des professionnels formés pour cela.
En Tunisie, la situation est toute autre ; l’activités des inséminateurs se caractérise par l’exercice illégal, quasi généralisé, de la médecine vétérinaire avec dispensation et utilisation de médicaments vétérinaires. Ces inséminateurs, formés uniquement aux techniques d’insémination et à l’hygiène de l’acte, se croient autorisés à traiter la stérilité, usant et abusant des hormones et autres produits pharmaceutiques vétérinaires acquis auprès de pharmaciens peu regardants, provoquant des dérèglements du cycle de la reproduction de manière irrémédiable. L’absence de contrôle administratif et vétérinaire efficace, encourage les inséminateurs à dépasser les limites de leurs activités strictement techniques et à se présenter aux éleveurs comme les spécialistes de la reproduction, n’hésitant pas à pratiquer des actes médicaux, du ressort exclusif du médecin vétérinaire.

Je voudrais rappeler à nos chers représentants de la profession vétérinaires, qui participent aux travaux de cette commission que plus de 10% des vétérinaires inscrits au tableau de l’ordre sont actuellement sans emplois, dont une majorité de femme qui hésitent à s’installer en « Rurale » et que l’IA, couplée avec la lutte contre les pathologies de la reproduction peut constituer un débouché intéressant pour un grand nombre de ces vétérinaires qui comptent sur vous pour les défendre.
De son côté, l’ENMV devrait penser à organiser une formation spécialisée approfondie dans le domaine des techniques et des pathologies de la reproduction car il y a là un gisement non négligeable d’emplois pour nos jeunes diplômés et plus particulièrement pour nos consœurs.

Je formulerais quelques remarques sur l’actuel cahier des charges :

- Le problème se pose de qui trace les circuits et sur quels critères ? la notion de circuit est-elle encore compatible avec la situation présente
- On évoque l’Administration sans expliquer de quelle administration il s’agit ? l’OEP ou ­l’arrondissement PA
- A 7 : quels types de diplômes équivalents à celui d’inséminateur peuvent être délivrés à l’étranger ?
- Le libellé de cet article laisse entendre que pendant des années, les offices et coopératives ont employé du personnel non qualifié. Cela aurait pu être corrigé en soumettant ces empiriques de l’IA à une formation à l’ENMV suivie par une évaluation de leurs connaissances et de leur technicité pour leur accorder le diplôme d’inséminateur et régulariser leur situation mais entre-temps, a-t-on évaluer l’ampleur des dégâts causés ?
- A 8 : Les éleveurs sont autorisés à acquérir la semence auprès de l’OEP. A quelles conditions ? sont-ils soumis aux mêmes conditions que les inséminateurs (équipements, conditions de conservation et d’emplois, contrôles, …) ?
- Concernant l’identification, s’agit-il d’une identification dans le cadre du programme national d’identification ou tout simplement de l’identification des vaches inséminée ? existe-t-il une coordination entre les deux fournisseurs de boucles (OEP et arrondissement PA)
- A 9 : la rémunération de l’inséminateur est assez floue
- A 10 : qu’elle est la composition de la commission régionale de contrôle ?

Autant de question qui mérite que l’on s’y attarde


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