Les maladies infectieuses du dromadaire
Comme toute
autre espèce animale, les dromadaires souffrent de nombreuses pathologies qui
compromettent leur potentiel productif. Ces animaux qui peuplent et animent les
grandes étendues désertiques dans le monde ont, pendant des siècles, joué un
rôle primordial dans les échanges commerciaux et culturels. La mécanisation puis
la technologie ont réduit ce rôle et le dromadaire n’a dû sa survie qu’a sa
capacité de vivre dans les pires des conditions climatiques et de milieu. Ses
capacités de résistance et sa physiologie particulière ne le mettent
malheureusement pas à l’abri des maladies ; des pathologies auxquelles les
chercheurs se sont très peu intéressés.
L'effectif
actuel des dromadaires dans le monde est estimé à 15.370.000 têtes dont 80 %
environ en Afrique et 20 % en Asie. Cette espèce animale, très peu représentée
en Tunisie (80.000 unités femelles ou 170.000 têtes), est bien adaptées aux
conditions sévères de l'environnement. Les dromadaires sont élevés pour leur
travail et pour la production de viande et de lait. Leurs poils et peaux sont
utilisés dans l'artisanat. Les problèmes socio-économiques posés au cours des
deux dernières décennies (démographie, exode rural, crise de l'énergie, sécheresse...)
ont suscité de la part des responsables nationaux et des organisations
internationales compétentes un intérêt certain pour le développement de cet
élevage et l'amélioration de ses productions.
Plus que toute
autre espèce animale domestique, le dromadaire a une physiologie adaptée aux
climats très chauds et très secs de régions désertiques ou subdésertiques. Par
contre, ils supportent mal les climats humides et les régions marécageuses. Pour
connaître le potentiel zootechnique des dromadaires et mieux apprécier
l'incidence économique de leurs maladies, des recherches doivent être menées,
sur les potentialités zootechniques mais aussi sur les maladies qui affectent ces
animaux et compromettent leurs capacités de production.
Les recherches
sur les pathologies affectant les dromadaires sont rares, mais l'intérêt de
plus en plus grand, accordé à l'élevage de cet animal et à l'impact des
maladies sur sa productivité, nous invite à les répertorier. Ces problèmes de
pathologie constituent en effet, un facteur limitant pour le développement de
cet élevage. Leur incidence économique est importante car elles engendrent une
forte morbidité et font l'objet de traitements et de chimio-prévention.
Les phénomènes pathologiques
des dromadaires sont classés en : parasitoses, maladies infectieuses, carences
et maladies nutritionnelles, intoxications végétales et pathologies diverses.
Les infections
bactériennes
La plupart de
ces infections sont établies par la sérologie mais la connaissance de leurs
particularités pathologiques sont négligeables, car :
·
Les isolements des agents étiologiques sont rares
sinon exceptionnels.
·
Ces infections s'accompagnent rarement de signes
cliniques apparents ou de lésions.
·
Le rôle des dromadaires dans ces infections demeure le
plus souvent mal connu.
·
Les informations recueillies sur les principales
maladies bactériennes du dromadaire (Charbon bactéridien, Charbon
symptomatique, Salmonellose, Brucellose, Tuberculose, Péripneumonie, Fièvre Q,
Pasteurellose Tétanos) sont rares.
·
Le portage du virus aphteux par le dromadaire fait
l'objet d'études.
La brucellose chez
les camélidés n'a fait l'objet que de rares observations cliniques. Les
manifestations communément rapportées sont l'avortement et les lésions
articulaires.
Par contre, de
nombreuses enquêtes sérologiques ont été réalisées, souvent à l'occasion de
l'étude de la brucellose chez les bovins et les petits ruminants. Ces enquêtes
se justifient par les risques de contamination de l'homme, par le lait
notamment. La brucellose des camélidés est due à Brucella Abortus. En fait, on
ne dispose pas d'indications sur les souches d'origine cameline qui auraient pu
être isolées. Ces études seraient pourtant utiles pour mieux comprendre
l'épidémiologie de cette infection.
La tuberculose est
rare d'après les enquêtes menées. Des cas ont été déclarés en Arabie Saoudite.
C’est une maladie à déclaration obligatoire. Il s'agit généralement de
tuberculose pulmonaire de type miliaire ou nodulaire. L'agent responsable est
Mycobacterium Bovis.
La salmonellose : de
nombreuses Salmonelles ont été isolées chez les dromadaires. Certains sérotypes
sont associés à des entérites, d'autres à des avortements, mais la plupart sont
des sérotypes ubiquitaires. Il est à signaler que certains sérotypes (S. typhi
et S. paratyphi C), pathogènes pour l'homme, ont été isolés occasionnellement
chez le dromadaire.
Les affections
respiratoires : les affections respiratoires sont fréquentes chez dromadaires
comme en témoignent les lésions de bronchopneumonie et de pneumonie rencontrées
aux abattoirs. Leur étiologie est complexe et mal connue. Pasteurella multocida
type A aurait un rôle non négligeable. Le taux de séropositivité de P.
multocida est élevé (entre 60 % et 80 %). il est considéré comme un hôte
habituel des voies respiratoires supérieures et provoque des troubles
respiratoires chez les animaux affaiblis par le froid, la dénutrition et le
parasitisme. Le portage de P. multocida par la flore de l'appareil respiratoire
est très fréquent (47% des échantillons),
Les affections à
bactéries pyogenes sont fréquentes chez le dromadaire :
La lymphangite constitue
une entité morbide caractéristique. Fréquente chez les adultes, elle est accompagnée
de lymphadénite suppurée des ganglions cervicaux et ischiatiques, avec parfois
des abcès viscéraux.
La fièvre Q a
fait l'objet de nombreuses enquêtes sérologiques. Le dromadaire peut constituer
un réservoir de C. burnetii et une source de contamination humaine.
La
paratuberculose est exceptionnelle et se manifeste par des
épisodes de diarrhée chez les jeunes.
La leptospirose est
rare et très localisée.
Les autres
maladies bactériennes sont plus localisées et leur prévalence est variable.
Les infections
virales
Le rôle du
dromadaire dans l'épidémiologie de la fièvre de la Vallée du Rift intéresse
plusieurs pays d'Afrique. En dehors de la variole, entité morbide spécifique du
dromadaire et du chameau, toutes les autres infections bactériennes et virales
sont communes aux autres ruminants domestiques.
La variole est
la virose la plus répandue et la plus facile à identifier cliniquement. Le
virus responsable de la variole du dromadaire, Camelpox, appartient au même
groupe que le virus de la vaccine et de la variole humaine. Toutes les souches
étudiées présentent des propriétés identiques. Le mouton, la chèvre et les
bovins sont résistants à l'inoculation expérimentale. La variole des camélidés
est une maladie à déclaration obligatoire dans certains pays. Il n'existe pas
de vaccin dans le commerce ; seule la fédération de Russie dispose d'un vaccin
et procède à des campagnes de vaccination. La chimiothérapie est utilisée pour
éviter les complications.
L'ecthyma
contagieux du dromadaire a été identifié. La maladie se manifeste
par des papules qui évoluent progressivement en pustules, au niveau des lèvres.
Ces lésions peuvent s'étendre à la muqueuse buccale et nasale. La forme
généralisée de la maladie peut cliniquement être confondue avec la variole.
La rage :
plusieurs cas ou foyers ont été rapportés ; le chien enragé mordeur est
l'animal le plus souvent incriminé.
La peste bovine : le
dromadaire est réceptif au virus de la peste bovine, La fréquence de
séropositivité peut atteindre jusqu'à 15 % des effectifs testés. Cependant,
aucune observation clinique de la maladie spontanée, étayée par l'isolement du
virus, n'a été rapportée. L'infection demeure inapparente.
La fièvre
aphteuse : comme pour la peste bovine, le dromadaire paraît
réceptif au virus aphteux, et l'infection reste inapparente. On n'observe ni
symptômes ni lésions ; le virus est isolé à partir du plasma sanguin et des
lymphocytes, la sérologie demeure cependant négative. Chez le dromadaire le
virus persiste plusieurs semaines sans se multiplier. Le rôle des camélidés
dans l'épidémiologie de la fièvre aphteuse reste encore à élucider.
La fièvre
catarrhale du mouton : le dromadaire est réceptif au virus de la
fièvre catarrhale du mouton. Il n'existe cependant aucune description de la
maladie confirmée par l'isolement du virus. La plupart des pays manquent de
données.
La fièvre de la
Vallée du Rift : ce n'est qu'à partir de 1977, à la suite de la
dernière épizootie de fièvre de la Vallée du Rift dans les pays d'Afrique de
l'Est, que le dromadaire a fait l'objet d'enquêtes sérologiques. Les tests
sérologiques utilisés sont la fixation du complément, l'inhibition de
l'hémagglutination et la séroneutralisation sur cultures cellulaires. Les taux
de séropositivité enregistrés sont élevés. Malgré la fréquence élevée des
sérums positifs, la maladie clinique n'a pas été rapportée. L’infection Chez le
dromadaire, demeure inapparente. Le rôle du dromadaire dans la propagation de
la maladie reste à déterminer ; il convient cependant de signaler que la
plupart des personnes à sérologie positive sont des chameliers.
Infections à
virus para-influenza type 3 : cette infection est très
répandue. Ce virus est impliqué dans les pneumopathies du dromadaire.
La maladie des
muqueuses est signalée. Plusieurs virus ont été isolés de
Hyalomma dromedarii et autres insectes récoltés sur le dromadaire, dont le virus
West Nile.
Le tétanos, les
entérotoxémies, la diarrhée à Escherichia coli, l'anaplasmose. la flore
bactérienne associée aux métrites, mammites, kérato-conjonctivites, stomatite
vésiculeuse
Les carences et
maladies nutritionnelles
Souvent
suspectées, elles sont très peu étudiées. Certaines affections telles que les
ostéopathies, la myopathie du chamelon, l'urolithiase uréthrale sont
considérées comme d'origine carentielle et nutritionnelle. La carence en NaCl
semble assez fréquente. Le dromadaire a un besoin élevé en NaCl, environ 20 g
par 100 kg de poids vif, pour bien résister à la déshydratation. La carence se
manifeste par des lésions cutanées et des boiteries. Les ostéopathies semblent
être souvent associées à la carence en phosphore.
Les
intoxications végétales signalées sont dues à la consommation de plantes
toxiques.
Ce répertoire et
ce bilan des principales pathologies du dromadaire, s’il n’est pas exhaustif, reflète
bien la faiblesse et le caractère superficiel des connaissances des chercheurs
et des médecins vétérinaires sur les affections qui minent la santé des
dromadaires et limitent leur productivité. Certains aspects de ces pathologies sont
à peine effleurés, tels que la pathologie de la reproduction (avortement,
stérilité, mortinatalité), de l'appareil digestif et respiratoire ou de la
mamelle. Le système de santé, de prévention et de lutte contre les maladies
animales, les a rarement pris en compte. Mises à part les opérations de
chimio-prévention contre la trypanosomose et de traitement contre les
parasitoses internes et externes, il est rare qu'un programme spécifique de
prévention et de lutte soit conçu et exécuté.
Dr. Khaled El Hicheri
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