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2017 : quel bilan ?

Nous entrons dans la huitième année post-révolution, une révolution sensée apporter la liberté, la dignité et la justice au peuple tunisien. Il est toutefois, pour le moins bizarre que parmi les révolutionnaires de la dernière heure, au verbe haut, qui se sont emparés de la scène politique et que les médias ont choyés, nul n’a parlé de prospérité, de bien-être, de justice sociale, de qualité de vie.

Une fois les blessures pansées, les tenants de l’ancien régime pourchassés et embastillés, nos « révolutionnaires » se sont installés aux commandes, ou plutôt autour de la table, pour se partager le gâteau que leur ont servi sur un plateau, au sacrifice de leurs vies, des centaines de jeunes, assoiffés de liberté et de dignité, qui ont bravé les tirs de tireur d’élites surgis d’en ne sait où et disparus sitôt leur macabre mission accomplie.

Une nouvelle constitution a été votée par une assemblée constituante composée de députés issus d’un nombre exorbitant de partis hétéroclites, constitués à la va-vite, sans programme ni culture démocratique. Puis des élections législatives ont de l’avenir du pays et un président de la république, controversé, aux alliances douteuses et qui n’avait qu’un seul souci, se forger un look, peu conformiste, puis ont accédé au pouvoir, deux partis de droite dominant la scène politique et un président encore alerte malgré son âge avancé. 

Les échecs et les appétits des gouvernements de la troÏka, ont fini par porter au pouvoir un nouveau parti composé d’anciens bourguibistes, de transfuges d’autres partis et d’opportunistes de toutes origines, avides de se positionner politiquement en s’accrochant à un parti qui ne tenait que grâce à la personnalité de son président lequel, une fois élu président de la république, n’hésita pas à placer son fils, ignare en politique et en relations publiques, à la tête du parti, provoquant ainsi son implosion et sa déconfiture.

Les gouvernements qui se sont ensuite succédés, issus d’une alliance contre nature des deux partis dominant la scène politique, malgré la qualité de leurs présidents, n’ont pu malheureusement sortir le pays de l’ornière et des difficultés dans lesquelles il se débat depuis « la révolution »

Au fait, s’agissait-il d’une véritable révolution ? ou tout simplement d’un soulèvement populaire, face aux excès et à l’avidité de la famille dirigeante. Une véritable révolution aurait porté au pouvoir les hérauts de la justice sociale et mis en place des gouvernements de salut public, renforcé les institutions, rétabli la sécurité et mis la population au travail pour relever le pays.

Il est pénible de constater que nous avons été trompés par ceux qui nous manipulent de loin et qui ont organisé un simulacre de révolution présentée comme une victoire de la démocratie contre la dictature et qui ont déstabilisé les pays de la région pour mieux les exploiter, les placer sous la coupe des bailleurs de fonds et la « protection » des défenseurs des libertés et des droits de l’homme qui nous veulent tant de bien.­ Il faut se rendre à l’évidence : nous avons tout simplement servi de champs d’expérimentation et de détonateur pour une série d’explosions visant à remodeler la carte géopolitique des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du nord. Le scénario expérimenté en Tunisie a ensuite été exporté dans plusieurs pays de la région et a semi la mort et la désolation partout où il a été appliqué. Et qu’y avons-nous gagné ? des gouvernements issus d’un parti d’obédience religieuse qui ont truffé l’administration publique et les services de sécurité d’un surplus de fonctionnaires incompétents, favorisé le départ d’une partie de notre jeunesse vers les zones de conflits meurtriers et invité des prédicateurs radicaux.

Le bilan pour 2017 est-il positif ? Je ne le pense pas car le constat est navrant :

Notre monnaie glisse de manière sournoise et continue vers les abysses, ce qui contribue à l’érosion du pouvoir d’achat de la population. Il ne s’agira plus, dans un proche avenir, que d’une monnaie de singe. Cette dévaluation qui ne veut pas dire son nom, peut être stoppée par la Banque Centrale car elle ne se justifie pas par un avantage au niveau de nos exportations mais au contraire contribue à la l’ascension des prix

L’administration qui constituait un élément moteur important de la gestion du pays, est de moins en moins efficace. Pléthorique et léthargique, son personnel ne se considère pas au service des citoyens. La petite corruption la mine ; l’opportunisme et l’attentisme caractérisent la plupart de ses cadres. Une réforme drastique est nécessaire pour la moderniser et la dynamiser. Le cadre juridique et réglementaire doit être revu pour en faire un instrument rapide et efficace au service du citoyen. Les formalités peuvent être allégées réduisant les démarches et la paperasse.     

L’économie parallèle alimentée par le commerce illicite, la contrebande et les trafics en tous genres, malgré certain succès des services de sécurité et des douanes pour réduire l’impact de cette économie de l’ombre, pèse de plus en plus lourd sur l’industrie et le commerce du pays. L’argent sale, issu de cette économie de l’ombre, de la drogue et des trafics illicites, coule à flot et nous vaut une place de choix parmi les paradis fiscaux. Notre police est renommée pour son efficacité ; elle connait la plupart des barons de la pègre ainsi que leurs complices et protecteurs dans le milieu politique et l’Administration ; Il suffit d’affirmer la volonté politique au plus haut de l’Etat et du gouvernement pour que tout ce joli onde soit appelé à rendre des comptes à la justice

La lutte contre la corruption, après un effet d’annonce claironné sur tous les média, fait du sur place et s’embourbe dans les dédales d’une justice qui n’a pas encore retrouvé ses repères. Un tribunal spécial plus expéditif suffirait pourtant pour mettre les personnes reconnues coupables, sous les verrous.

Le tourisme reprend mais ses recettes en devises sont trop faibles, la majorité des transactions s’effectuant en dinars, nos amis algériens et libyens préférant échanger leurs devises sur le marché parallèle, blanchissant ainsi l’argent issu des sources évoquées précédemment. Rétablir le dinar dans sa valeur réelle et stopper sa chute inciterait les touristes à recourir aux circuits officiels pour le change.

Nos représentants du peuple sont devenus de véritables migrants et passent d’un parti à l’autre et d’une coalition à l’autre sans remords ni conscience, provoquant la confusion dans les débats et retardant les prises de décisions sur des textes d’importance capitale.

La sécurité s’est par contre améliorée. Les forces de sécurité sont maintenant rôdées après la purge post-révolution qui a mis à l’écart la plupart des cadres compétents de la police et de la garde nationale pour les remplacer par des éléments sans formation, au professionnalisme douteux, imposés par les partis de la troÏka. Malgré cette amélioration sensible, on constate un accroissement de la petite et de la grande délinquance. L’audace et la violence des délinquants n’a plus de bornes. Les troupes qui alimentent la délinquance eu tous genres sont constituées de jeunes désoeuvrés auxquels viennent se joindre les rejets de l’enseignement. Un programme d’encadrement de toute cette jeunesse permettrait de sauver la plupart d’entre eux et d’en faire des éléments productifs. Cet encadrement commencerait dès la prime jeunesse dans les jardins d’enfants et les garderies ; par la suite dès l’accès à l’école primaire, l’encadrement se ferait dans le mouvement scout et les associations sportives et culturelles. A l’adolescence, l’encadrement se ferait sous forme d’un service civil de deux années, basé sur l’éducation civique et l’apprentissage d’un métier. Ce service civil serait suivi d’une année de service militaire axé uniquement sur le maniement d’arme et autres techniques militaires. Certains diraient que cela coûterait trop cher mais ceux- là n’ont pas calculé le coût d’un séjour en prison, ni celui des actes délictueux commis par les délinquants, ni les moyens mobilisés pour les arrêter et les juger ni les dégâts psychologiques ni les problèmes sociaux. Savez-vous qu’un prisonnier coûte beaucoup plus cher à la communauté qu’un soldat ?

L’armée est heureusement fidèle au poste et enregistre quelques succès dans la lutte contre les terroristes, réfugiés dans les montagnes boisées du Nord et de l’Ouest du pays. Pourtant ces succès paraissent bien faibles au regard des forces et des moyens déployés ce qui laisse penser que ces forces se contentent de contenir les groupes terroristes dans leurs repaires sans réellement chercher à les déloger et à les éradiquer.

Nos jeunes, diplômés ou non, marginalisés, sans emplois et sans espoirs, ont perdu confiance dans la classe politique et les dirigeants du pays et cherchent par tous les moyens, et souvent au péril de leur vie, à rejoindre les pays du nord de la Méditerranée. Ceux qui sont restés sur place vivotent, grossissent le nombre de chômeurs et sombrent souvent dans la drogue ou la délinquance. L’indemnité mensuelle de 200 dinars ne fait qu’aggraver le problème. Pour le résoudre il serait plus utile de recycler cette force de travail dans des métiers que notre économie réclame.

Notre centrale syndicale dont le poids incontestable pèse sur les décisions politiques des gouvernants, pratique un équilibrisme douteux en défendant ses adhérents sur le plan salarial et du code travail mais ne cautionne pas la politique d’austérité du gouvernement qui reste la seule issue de sortie de crise et de remise sur pied de l’économie. Bien que partie prenante à l’accord de Carthage, elle ne fait rien pour convaincre ses adhérents à consentir certains sacrifices pour redresser le pays, sauvegarder les emplois et en créer de nouveaux. Des grèves sont organisées par ses fédérations régionales ou sectorielles sans le consentement de la centrale qui finit toujours par s’aligner sur ces fédérations. L’UGTT joue effectivement un rôle politique direct et indirect et l’action strictement revendicative risque de réduire son influence politique. Elle devrait être plus claire dans ses positions. Par ailleurs la politique d’austérité qui impose des sacrifices à la population aurait été mieux accepté si nos députés, nos ministres, nos PDG et même notre président avaient commencé par accepter de réduire leur train de vie et leurs salaires ; l’exemple vient toujours de haut !

Les grèves, les manifestations sauvages, les barrages sur les routes et autres actions de mécontentements sont quotidiennes et ralentissent le redressement économique indispensable. Ces manifestations de mécontentement sont actuellement parasitées par des casseurs qui se livrent au pillage, encouragés et financés par les mafias de la drogue de la contrebande et autres pécheurs en eaux troubles. Il y a des moyens pacifiques de revendiquer et il suffirait d’appliquer la loi et d’arrêter les perturbateurs et autres casseurs et les retenir pour effectuer leur service militaire.

Les réformes nécessaires, proposées par le gouvernement, en matière d’enseignement n’ont pu aboutir, le conflit entre la fédération syndicale et le ministre s’étant transformé en conflit personnel. Le départ du ministre est considéré comme un échec du gouvernement qui s’en sort affaibli et ne pourra plus prendre d’initiatives sans provoquer de violentes contestations. Dommage pour la qualité de notre enseignement et pour notre jeunesse

Les élections municipales, élément essentiel du processus démocratique, sont plusieurs fois reportées. La gestion des affaires municipales est depuis quelques années, confiée à des comités provisoires souvent contestés, accusés de corruption, d’incurie ou de favoritisme.

Le fonds de compensation des produits alimentaires de base, pèse lourd sur le budget de l’Etat sans arriver à cibler la population vraiment dans le besoin. Les gaspillages sont importants. Il serait temps d’étudier des solutions alternatives (type carnet alimentaire au même titre que le carnet de soins ou une indemnité de vie chère accordée aux plus démunis) pour assister les personnes réellement dans le besoin et non des tranches entières de la population, sans distinction. 

Le déficit de la CNAM atteint des cimes himalayennes, sans apaiser ni les patients ni les pharmaciens, ni les médecins affiliés qui menacent de faire grève face aux retards de payement. Les scandales de détournement et de corruption la minent. Il s’agit là de problèmes de gestion et de gouvernance qui pourraient trouver leurs solutions par une meilleure informatisation et la formation continue du personnel
La liste des reproches et des échecs est aussi longue que celles des difficultés rencontrées par le gouvernement. Le temps est à l’action et non plus au débat stérile car en finalité les tunisiens jugerons leurs gouvernants et leurs représentants sur les résultats de leur politique.

Commentaires

  1. C'est impressionnant cette analyse ... en même temps, effrayant et affligeant !

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