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Le bien-être animal : nouveau concept vétérinaire ou simple slogan ?


Le bien-être animal : nouveau concept vétérinaire ou simple slogan ?

La vie vétérinaire a été animée ces dernières années par plusieurs nouveaux concepts tels que : bien-être animal, One Health ou une seule santé, bien public, Services Vétérinaires, gouvernance vétérinaire, partenariat public-privé ou PPP… Ces concepts sont dictés par les différents types d’activités vétérinaires et par leur impact sur notre économie, sur notre santé et sur nos comportements vis à vie de l’animal comme source de produits alimentaires ou comme compagnon.  

L'homme et l'animal, son compagnon de toujours, vivent côte à côte depuis la nuit des temps. De la préhistoire à l'ère moderne en passant par les grandes civilisations de l'antiquité, l'homme a toujours vécu dans un environnement où l'animal, indispensable à sa survie, était partout présent. Les peintures rupestres, découvertes dans de nombreux sites, illustrent avec force détails cette coexistence et il était difficile de distinguer parmi cette faune, les animaux qui avaient été domestiqués par l’homme de ceux qui ne l’étaient pas encore.

Les archéologues et les historiens conviennent toutefois que, ce n’est qu’il y a près de 10.000 ans que les civilisations du pourtour méditerranéen et du Moyen-Orient : en Mésopotamie, en Égypte, en Palestine, en Grèce ou en Anatolie, commencèrent à pratiquer l’élevage des animaux domestiqués. L’homme se devait de les protéger et de les soigner ; aussi a-t-il développé au cours des millénaires, des techniques de domestication, d’élevage et de soins à ces animaux, qui lui ont permis de se nourrir, de se vêtir, de se déplacer sur de longues distances et de disposer d’une source d’énergie qui augmentait considérablement sa force de travail pour faire face à ses besoins croissants. Ces techniques de domestication lui ont permis d’assoir sa domination sur le monde animal et de l’exploiter sans retenue pour satisfaire ses besoins égoïstes. Ces compagnons de toujours, à qui nous devons tant et que nous exploitons comme source de nourriture, comme source d'autres produits animaux, comme force de travail, comme objets de recherche biologique ou encore comme animaux de compagnie sont souvent traités sans « humanité ».

Les changements sociaux et économiques que notre siècle et le siècle précédent ont enregistrés ainsi que les progrès scientifiques et technologiques rapides, auguraient de changements importants dans la nature des relations animal-hommes vers un mieux-être des animaux, la fin de la dégradation de la condition animale et de l’exploitation brutale des animaux par les êtres humains qui les considéraient comme des objets soumis au leur bon vouloir. C’est le contraire qui s’est produit ; ces animaux sans lesquels nos fermes et nos habitations, nos campagnes et nos forêts et même nos rues, seraient sans vie, ont été traités avec encore plus de cruauté et sans pitié envers leur mal-être et leur souffrance ignorée et sans voix, pour satisfaire les besoins de consommation croissants de l’homme qui en a fait des machines à produire intensivement les aliments dont il se nourrissait. Des millions de volailles, de veaux et autres animaux, ont passé toute leur vie, enfermés dans des batteries avant d’être dirigés vers les abattoirs. Même les animaux de compagnie (chiens, chevaux, oiseaux et même poissons) n’échappent pas à cette maltraitance : la majorité d’entre eux passent leur vie enchainés ou reclus dans une cage ou dans un bocal. Durant des millénaires, la loi des hommes a considéré l’animal comme un objet sans âme et de nos jours, elle le considère comme une marchandise, comme un jouet ou comme un élément décoratif.

Nous venons à peine de prendre conscience que les animaux sont une composante essentielle de notre société et que ce sont des êtres vivants doués d’une âme, capables d’exprimer des émotions comme la joie ou encore la peur, qu’il faut protéger et soigner et dont il faut assurer le bien-être. Cette prise de conscience du mal-être et de la souffrance de ces êtres vivants a abouti au changement du statut légal des animaux, considérés dorénavant comme des êtres vivants doués de sensibilité, capables de ressentir et de souffrir mais à ce jour, ni la chasse, ni la pêche, ni les abattoirs, ni la vivisection, ni la recherche biologique, ni l’élevage industriel, ni la consommation de viande n’ont été abolis. Il convient de reconnaitre toutefois que certains pays comme l’Allemagne ou la Suisse ont interdit l’élevage en batterie et que dans la plupart des pays avancés, l’abattage des animaux de boucherie ne peut se faire qu’après leur insensibilisation. Beaucoup reste encore à faire sur le plan législatif et plus particulièrement dans notre pays où la législation est muette sur toutes les questions relatives au mal-être animal.

Cette législation peut trouver sa source dans les Cinq Libertés, énoncées par le Farm Animal Welfare Council (FAWC, 1992) qui ont été reprises dans la définition du bien-être animal de l'Organisation Mondiale de la Santé Animale (WOAH, 2008) qui considère qu’un animal se trouve dans un état satisfaisant de bien-être quand il est sain et bien nourri, qu’il vit confortablement, qu’il peut exprimer son comportement inné, et qu’il ne souffre d’aucune douleur, peur ou détresse. Le bien-être animal est garanti quand sont réalisées les cinq conditions suivantes :
  • L’animal ne souffre ni de soif, ni de faim, ni de malnutrition ; il a accès à de l’eau potable et a un régime alimentaire en accord avec ses besoins. 
  • L'animal ne souffre d’aucun stress physique ou thermique ; il jouit d’un environnement adapté. Il a accès à une zone de repos confortable et dispose d’un refuge en cas d’intempéries. 
  • L’animal ne souffre d’aucune douleur, lésion ou maladie, et ce grâce à une prévention adéquate et/ou un diagnostic et des soins rapides.
  • L’animal est capable de réaliser la plupart de ses comportements normaux, car il dispose de l’espace nécessaire ainsi que d’installations adéquates, et qu’il vit avec d’autres individus de son espèce.
  • L’animal ne connaît ni peur ni détresse, les conditions nécessaires pour éviter la souffrance mentale étant garanties.
Le principe des cinq libertés est d’autant plus utile qu’il est à la base de la plupart des lois sur le bien-être animal dans le monde. Les animaux sont des êtres sensibles ; ils sont intelligents et capables de ressentir des émotions telles que la peur et la douleur ainsi que le plaisir et le bonheur. Faisons de telle sorte qu’ils ne souffrent pas et que le concept « Bien-être animal » ne soit pas un simple slogan destiné à soulager notre conscience.

Dr. Khaled El Hicheri

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