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Les toxi-infections : prévention et lutte



Les toxi-infections : prévention et lutte



Une intoxication alimentaire est une maladie, souvent infectieuse et accidentelle, contractée à la suite de l'ingestion de nourriture ou de boisson contaminées par des agents pathogènes infectieux ou par leurs toxines. Les intoxications alimentaires sont fréquentes et demeurent un gros problème de santé publique mais les statistiques sur les données précises de l’impact des toxi-infections alimentaires sont difficilement accessibles en Tunisie, par manque de systèmes de surveillance spécifiques collectant des données fiables. Toutefois, la participation au commerce international devrait permettre de développer des systèmes scientifiques de sécurité sanitaire des aliments.

La contamination des aliments peut avoir eu lieu dès la production, ou lors de la préparation de ces aliments, ou souvent lors d’une mauvaise conservation. Dans certains cas, la pathologie n’est pas due à la prolifération d’un microorganisme dans l’aliment mais à l’ingestion d’une toxine sécrétée par une bactérie et préformée dans l’aliment avant son ingestion ; on parle alors d’intoxination. Les agents pathogènes ingérés avec les aliments vont dans l’intestin grêle et le colon et provoquent des effets pathologiques variés par la production des toxines dont les manifestations courantes sont variées : vomissements, diarrhées, douleurs coliques et fièvre mais aussi syndromes neurologiques, vasculaires et hématologiques. Dans ces cas, les denrées ont été d’abord contaminées puis soumises à des conditions de température qui ont permis une prolifération mais aussi un métabolisme intense et la formation de facteurs toxiques. Ces manifestations cliniques sont en général de courte durée et suivies de guérison. Dans un certain nombre de cas, des complications peuvent survenir, certaines graves pouvant aboutir à la mort. Les plus fréquentes sont les septicémies et les syndromes rhumatismaux. Les manifestations les plus simples peuvent être critiques chez les nourrissons, les vieillards et les immunodéprimés.

A chaque microorganisme se rattachent à la fois une symptomatologie plus ou moins typique et une origine alimentaire préférentielle. Il peut s’agir de cas individuels ou, le plus souvent groupés : ce sont alors des toxi-infections alimentaires collectives ou TIAC. Les collectivités concernées sont, en général, les crèches, les restaurants universitaires, parfois les réfectoires de l’armée, les hôpitaux et les autres restaurants de collectivité. Les TIAC sont assez fréquentes, et doivent en principe faire l’objet d’une déclaration obligatoire par le médecin traitant, à la direction régionale de la santé publique, ce qui n’est pas toujours le cas, qui déclenchera une enquête spécifique. Les TIAC les plus nombreuses sont dues à des Salmonelles. En milieu familial, les TIAC sont surtout dues à S. enterica enteritidis et génèrent peu de malades. En milieu scolaire, elles sont dues principalement à C. perfringens et S. aureus et touchent un nombre important de personnes.

La liste des microorganismes pathogènes que l’on peut rencontrer dans les aliments (les eaux d’alimentation étant considérées comme des aliments) est longue ; les plus courants sont :

-parmi les bactéries : on distingue celles qui ont été responsables dans le passé d’épidémiques ou de pandémiques comme les Salmonella, les Shigella et le Vibrion cholérique et celles qui sont responsables de gastro-entérites ou de diarrhées banales comme certaines Salmonella mineures, certaines Shigella, des Vibrions autres que cholérique, des Escherichia coli, et d’autres bactéries dites opportunistes responsables de manifestations digestives chez des malades fragilisés ou immunodéprimés.

-parmi les virus : leur nombre dans s’est considérablement accru, notamment dans les eaux en raison, en partie, de leur résistance aux agents de stérilisation. Parmi eux, le virus de l’hépatite A est le plus résistant et pose le problème le plus aigu. A côté, on trouve des virus responsables de gastro-entérites ou de diarrhées comme les rotavirus, les adénovirus ou des Entérovirus.

- parmi les parasites : Les helminthes qui pourraient contaminer les aliments sont nombreux. Un parasite intestinal responsable de dysenterie amibienne sévit encore dans certains pays. Le risque dû aux Cryptosporidium est surtout évoqué pour les malades immunodéprimés. Certains de ces parasites sont véhiculés par l’ingestion d’un hôte intermédiaire et d’autres sont transmis par l’intermédiaires leurs œufs ou par des kystes infectants.

La survie de ces microorganismes dans les aliments, y compris les eaux, est variable : les plus résistants sont les protozoaires sous formes kystiques, puis les bactéries. Dans le cas de toxi-infections alimentaires, la transmission se fait par ingestion d’aliments contaminés et pour que l’individu réceptif se contamine il faut qu’il soit sensible à l’agent infectieux, c’est- à - dire qu’il ne se défende pas grâce à sa propre immunité. Enfin, pour qu’une infection ne se dissémine pas et ne provoque pas une épidémie, il convient que la population soit immunisée à 70 % au moins.

Pour protéger le consommateur, la législation sur les aliments est très sévère mais elle est parfois incomplète et, à côté des exigences de fabrication strictes, les risques d’altérations secondaires sont moins pris en compte par les industriels or, en microbiologie alimentaire, il faut distinguer la simple contamination qui peut ne pas être dangereuse pour le consommateur, de la multiplication des microorganismes qui entraîne souvent la maladie chez le consommateur.

Toutefois, la contamination même faible ne doit pas être négligée car certaines espèces de microorganismes peuvent causer une maladie même en petit nombre et l’aliment contaminé peut à son tour atteindre d’autres denrées, ou contaminer les mains, les ustensiles de cuisine et les surfaces de travail qui seront des vecteurs de contamination. Aussi, et pour garantir la sécurité des consommateurs et la qualité des produits alimentaires, faut-il limiter les contaminations et maîtriser la multiplication des microorganismes dans l’aliment par de bonnes conditions de conservation et de préparation et de manipulation.



La dose infectieuse ne dépend pas seulement de l’agent pathogène et de sa virulence mais aussi de l’hôte, son âge, de son état physique, de ses moyens de défense, de l’acidité gastrique et de l’écosystème intestinal. L’hygiène de l’environnement est très importante d’où les normes strictes dans les cuisines de restauration collective. Les codes de bonnes pratiques de fabrication, la méthode HACCP ainsi que d'autres systèmes d'audits ont été largement développés en Tunisie. Leur objectif principal est de diminuer le risque de contamination par des pathogènes. Mais dans la pratique, le développement et la conduite de systèmes HACCP sont coûteux et nécessitent des compétences, de la formation et de l'organisation.  Ils sont encore plus difficiles à développer lorsque l'abattage des animaux, l'inspection et les systèmes de traitement sont faiblement organisés et gérés. Par ailleurs, l’application de ces systèmes au niveau de l'exploitation est difficile, spécialement s'il n'y a pas d'incitations suffisantes.



Les facteurs de risque sont nombreux dans la chaîne alimentaire, de la production jusqu’à la consommation ; ils doivent être maîtrisés. Il convient d’abord que des règles d’hygiène strictes et que le code de bonnes pratiques de fabrication soit respecté ; puis que des contrôles microbiologiques du produit fini soient réalisés. Les matières premières doivent être de bonne qualité. Plusieurs procédés de décontamination seront utilisés pour cela : thermiques, salaisons, filtrations. La chaîne du froid doit être bien respectée, la température doit être maîtrisée, la réfrigération et la congélation doivent être bien conduites. Pour éviter toute contamination le long de la chaîne, il convient que le personnel soit être formé et sensibilisé et que la recherche de portage de Salmonelle chez les manipulateurs d’aliments soit la règle.

Pour chaque type d’aliment des marqueurs ou indicateurs ainsi que les pathogènes digestifs connus seront recherchés par analyse microbiologique des aliments. A l’abattoir un contrôle des viandes doit être réalisé par les services vétérinaires, les produits importés et les produits laitiers seront particulièrement surveillés. Toutefois, le secteur informel où les animaux (essentiellement les petits ruminants) sont abattus dans les habitations ou dans des boucheries locales non agréées, constitue encore un problème de taille. Ce secteur échappe à tout contrôle et les carcasses des animaux abattus ne sont pas inspectées par les vétérinaires. 

Les consommateurs, principales victimes de ces infections doivent pour leur part, se protéger en appliquant les règles d’hygiène de base et notamment une réfrigération correcte des aliments conservés et une hygiène régulière du réfrigérateur. Le personnel de cuisine en collectivité doit être formé à l’hygiène. Les microbiologistes doivent s’intéresser plus encore au diagnostic et à la physiopathologie des diarrhées infectieuses. Les vétérinaires hygiénistes doivent contrôler la qualité de l’alimentation et les vétérinaires et médecins épidémiologistes doivent suivre et analyser l’évolution des toxi-infections alimentaires.

Il est toutefois regrettable que les agriculteurs fassent preuve de peu d'initiatives pour rejoindre le secteur formel pour la vente de leurs animaux de crainte que les dépenses puissent grever le prix de vente. La viande illégalement abattue étant normalement moins chère que la viande inspectée, la solution à ces problèmes n'est donc pas facile et devrait inclure l'éducation de la population en termes de santé publique en ce qui concerne les agents infectieux, les résidus de médicaments, les métaux lourds et autres polluants environnementaux. Elle devrait également inclure le renforcement de la législation vétérinaire et des règlements municipaux afin que la population n'achète que de la viande inspectée par le personnel vétérinaire des services officiels ou mandatés.

A l’échelle globale, on estime que la viande de mammifères et de volaille et leurs sous-produits sont responsables d’environ 70 % des épidémies. Les aliments d’autres origines en sont la cause dans près de 20 % des cas. Les accidents surviennent à la suite d’une double défaillance : contamination de l’aliment puis température de conservation permettant la croissance des microorganismes. Ces défaillances se produisent dans les restaurants dans environ 65 % des cas, dans les foyers familiaux (30%) et dans les établissements industriels (5%).

La surveillance, le contrôle et la prévention des TIA et des TIAC nécessitent une collaboration étroite entre les médecins, les vétérinaires, les épidémiologistes et les professionnels de la restauration collective et du secteur agro-alimentaire car la perte d’informations épidémiologiques dans les maladies transmissibles par les aliments est énorme, du moins dans les cas isolés ou familiaux peu graves où le plus souvent il n’y a pas de consultation médicale et ou l’aliment en cause n’est pas identifié.



Dr. Khaled El Hicheri



 *extrait pour partie du livre « la médecine vétérinaire en Tunisie : passé, présent et avenir »   par le Dr. Khaled El Hicheri

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