Complémentation alimentaire du dromadaire et aliments composés
En Tunisie, le dromadaire a toujours fait partie des paysages de la
steppe et des déserts du Sud. Pendant des siècles, il a joué un rôle économique
et social prépondérant dans ces régions difficiles ; mais son importance
en tant que facteur de développement économique a décliné avec la mécanisation
des transports et des activités agricoles. Il ne fait plus partie du paysage
dans le nord du pays et se maintient péniblement dans le Sud saharien où il est
élevé selon des méthodes ancestrales, sur les parcours les plus pauvres que
refusent les autres ruminants. Le nombre de dromadaires a diminué de manière
dramatique dans le pays et n’est plus que de 80.000 unités femelles, soit
environ 150.000 têtes.
Le dromadaire constitue une richesse mal exploitée, alors que plusieurs
études ont montré que ses particularités anatomiques et physiologiques lui
permettent de digérer les fourrages pauvres - constitués de plantes ligneuses,
épineuses et halophiles, que les autres ruminants domestiques n’arrivent pas à
digérer. Il est le plus souvent, livré à lui-même ou mené de manière
traditionnelle reposant sur des techniques ancestrales.
De ce fait, l’élevage du dromadaire revêt une importance considérable
notamment dans les zones arides et semi-arides du Sud. C’est un animal sobre,
rustique et parfaitement adapté au climat désertique et chaud. Il présente des
particularités physiologiques et biochimiques qui lui permettent de lutter contre
les contraintes du milieu telles que, la rareté de l’eau, de forts écarts
thermiques, la faible valeur nutritive et la dispersion des ressources
fourragères. Tout ceci fait que les finalités de son élevage sont multiples et
plus variées par rapport aux autres espèces de ruminants domestiques. Il
possède un remarquable potentiel de production de viande et de lait de qualité
organoleptique et thérapeutiques très appréciées par les connaisseurs.
Actuellement, un certain engouement pour l’élevage du dromadaire,
pour sa viande et son lait, est observé parmi les consommateurs des zones de
production et dans les grandes villes. L’élevage de ce ruminant des régions
désertiques, aux rares pâturages, s’organise et la transformation de ses
productions se modernise, de l’abattage des chamelons engraissés à la
pasteurisation du lait de chamelle, à l’équilibre de la ration alimentaire par
des complémentations à base d’aliments composés, les méthodes et techniques se
modernisent.
Il devient
évident que l’on ne nourrit
pas un dromadaire de la même façon selon qu'il est destiné à la production de
viande, la production laitière ou le travail. Il faut proposer à notre animal,
une ration lui permettant d’exprimer son potentiel génétique pour un
accroissement des masses musculaires ou une augmentation de la lactation ou
pour réaliser un effort associant intensité et endurance : il lui faut donc de
l'énergie rapidement utilisable, des protéines de haute qualité et bien sûr des
minéraux et des vitamines. Mais, la préoccupation essentielle des
zootechniciens, porte sur les quantités ingérées et leurs variations en
fonction de la proportion d'aliment concentré distribuée. Des essais ont été
réalisés avec une ration composée exclusivement de foin de graminées et d’aliment
composé.
L’ignorance générale, des paramètres zootechniques indispensables à une
alimentation rationnelle, de la capacité d'ingestion du dromadaire, de la
variation des quantités ingérées quand un aliment concentré est associé au
fourrage et des rendements d'utilisation de l'énergie ingérée, doit être
corrigée. Il convient, en effet, de mieux connaître le potentiel de croissance
des chamelons si on veut mettre au point, à terme, des recommandations pour
l'engraissement de ce type d'animal dans la perspective d'une spéculation
bouchère. En plus de son utilisation classique à des fins de production (lait,
viande, cuir et poil), le dromadaire joue un rôle capital dans la valorisation
des pâturages inaccessibles à d’autres espèces animales domestiquées. C’est un
auxiliaire important pour l’utilisation et la valorisation des espaces et de la
flore des steppes et des étendues désertiques ou semi-désertiques. Malgré cette
importance économique et sociale et ce potentiel, peu de travaux ont été
réalisés en Tunisie et dans les autres pays du Maghreb sur ses caractéristiques
anatomiques et zootechniques ni sur sa physiologie ni sur sa pathologie.
Nos éleveurs des régions du Jérid et de Kébili ainsi que du sud-est
tunisien tentent de faire renaître l’élevage du dromadaire sur des bases
qualitatives pour répondre à une demande de produits rares, de qualités
nutritionnelles exceptionnelles, classés « Bio ». Ils tentent avec
succès l’intensification progressive de l’élevage et la transformation de ses
produits alimentaires en pratiquant un élevage semi-intensif associant pacage
et stabulation, utilisant les parcours facilement accessibles où des points
d’abreuvement ont été aménagés par les services du ministère de l’agriculture. Ses
produits alimentaires et plus particulièrement le lait de chamelle ont fait
l’objet de l’intérêt des éleveurs qui se sont regroupés en associations et qui
ont installé des centres de collecte et commercialisé ce lait dans les grands
centres urbains. Ils se préparent à construire un abattoir moderne et à
commercialiser une viande répondant aux critères de qualité spécifiques à cette
espèce.
Cette intensification progressive ne peut être assurée qu’avec une
complémentation de la ration d’entretien que le dromadaire compose lors de ses
déplacements sur les parcours des confins des déserts, sur les steppes, regs,
ergs, hamada, sebkhas et autres dépressions où il broute une multitude de
plantes annuelles qui constituent l’Acheb. Cette ration d’entretien, ne peut
assurer à elle seule une production significative de produits alimentaires
commercialisables. Cette
ration de base ou d’entretien est parfois complémentée par les chameliers -
lors des haltes dans les bivouacs après une longue marche - avec quelques
poignées d’orge d’avoine ou de noyaux de dattes. Elle doit
nécessairement être complémentées par des apports d’aliments composés qui
fourniraient à la chamelle les éléments nutritionnels nécessaires à la
couverture de ses besoins en période de gestation et d’allaitement et pour
fournir un excédent de lait à des consommateurs de plus en plus nombreux. Cette
complémentation est aussi nécessaire pour l’engraissement des chamelons destinés à
l’abattage.
La ration de production
doit être équilibrée pour couvrir les besoins spécifiques à la production
ciblée (viande et lait) en protéines de haute qualité, en énergie suffisante,
en vitamines et en oligoéléments et autres minéraux. Une complémentation en
aliments composés industriels sera nécessaire pour enrichir la ration de
production, en vue d’accroitre la masse musculaire, le rendement en viande et
la lactation. Il faut fournir à notre animal, une ration lui permettant de
réaliser une activité physique importante - telle le transport sur de longues
distances ou la course ou il fournit un effort associant intensité et endurance
– ou une production aussi importante ; il lui faut donc de l'énergie
rapidement utilisable, des protéines de haute qualité et bien sûr des minéraux
et des vitamines.
Principal
élément de l'effort de production, l’énergie est fournie par les glucides et
les lipides. Les premiers, sont utilisables pour l’activité musculaire
développée lors des longs périples dans le désert à la recherche de pâturages
ou pour les échanges commerciaux. Les lipides sont utilisables pour la
production de lait ; ils sont destinés en priorité aux femelles gestantes
et allaitantes et d’une manière générale à tout le troupeau lors d’effort
soutenu. Pour toute activité demandant de l'endurance (bât, trait, course,
déplacements de longue durée …) on privilégiera des rations riches en lipides
qui fournissent de l'énergie pour des efforts plus soutenus ou une production
plus fournie.
Pour assurer
l’accroissement des fibres musculaires, le dromadaire destiné à la production
de viande a besoin de protéines de qualité, riche notamment en éléments soufrés
(méthionine en particulier). Dans tous les cas, c'est la qualité qui
prime. Au contraire, un excès de protéines dans la ration est déconseillé.
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Un
dromadaire en croissance ou en engraissement doit avoir une bonne musculature.
D'où l'importance des minéraux jouant un rôle notamment dans le métabolisme
musculaire dont on sait qu'il dépend beaucoup de la disponibilité en calcium
lors de la contraction musculaire. L’équilibre phospho-calcique doit être
préservé ; une déficience en calcium, mais aussi en phosphore, est un
facteur de fragilisation du squelette pouvant conduire à des fractures
spontanées, lors des longs déplacements avec des charges importantes.
Concernant les oligo-éléments,
on soulignera le rôle particulier du fer et du cuivre qui entrent dans la
composition de la myoglobine et de l'hémoglobine, protéines essentielles des
fibres musculaires et des globules rouges qui jouent un rôle dans le transport
de l'oxygène lors de toute activité. Le sélénium est un cofacteur d'une enzyme,
la glutathion peroxydase dont l'action est déterminante pour le maintien de la
quantité optimale de globules rouges. Elle neutralise l'action des peroxydes,
molécules toxiques qui s'accumulent dans les cellules au cours des métabolismes
cellulaires et provoquent leur destruction. Le sélénium est également un
élément de la myosine qui intervient dans la contraction musculaire et protège
de la dystrophie musculaire. Le sélénium agit généralement en synergie avec la
vitamine E qui s'accumule dans les sites où la pression d'oxygène est élevée
comme dans les membranes des globules rouges.
La vitamine C dont on
sait que le taux est très élevé dans le lait, est nécessaire au métabolisme du
fer et à la maturation des globules rouges. De plus, son action anti-stress et
antioxydante est très bénéfique pour l'animal. Les vitamines du groupe B sont
des cofacteurs du métabolisme des glucides, lipides et protéines et, à ce
titre, stimulent le métabolisme général. Les autres vitamines (A et D) sont
également fort utiles. Enfin, on conseille d'abreuver les animaux autant que
nécessaire.
Dr.
Khaled El Hicheri
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