Lutte contre les épizooties et
pérennité des Services Vétérinaires
Les épizooties sont le pendant
animal des épidémies humaines. Une épizootie est une maladie affectant
brutalement un grand nombre d'animaux, dans une région donnée. Lorsqu’une
épizootie dépasse les frontières et contamine le cheptel d’un ou de plusieurs
pays voisins ou éloignés on parle d’une panzooties comme on parlerait d’une
pandémie affectant les humains dans plusieurs pays. Elle correspond pour l'animal à ce qu'est une
épidémie pour l'homme. D'où la nécessité de lutter contre les épizooties.
Les épizooties sont responsables de pertes économiques
importantes, par mortalités et morbidité animales entrainant des pertes de
productions par perte de poids, chute de lactation, chute de ponte...).
Elles constituent des entraves majeures au commerce national et international
d’animaux et de leurs produits et productions, par suite des fermetures des
frontières et isolement des foyers de maladie en cas d'apparition d'une
épizootie dans un pays. Quand elles se déclarent dans un pays ou une région,
les épizooties sont combattues par des moyens de prophylaxie sanitaire
(surveillance aux frontières, interdiction des déplacements d’animaux,
isolement des foyers déclarés, abattage sanitaire précoce, désinfection des
locaux, vide sanitaire, …) afin de limiter l’aire d’extension de l'épizootie. A
ces mesures de prophylaxie sanitaire s’ajoutent les mesures de prophylaxie
médicale par vaccination préventive lorsqu’un vaccin spécifique existe. Si ces
mesures ne sont pas rapidement mises en œuvre, la maladie s'installe dans le
pays et dans de très larges parties de la région. Dans ce cadre, elles doivent
faire l'objet de mesures de prévention ou de lutte, en concertation sur le plan
international, avec les autres pays infectés à commencer par les pays
limitrophes.
Aux pertes économiques, parfois
considérables, s'ajoute le risque pour la population lorsque l’agent pathogène
de l’épizootie est un agent transmissible de l’animal aux humains provoquant
des zoonoses et lorsque la maladie n’est pas suffisamment bien combattue et
risque de s’installer dans le pays de manière enzootique et (endémique en
médecine humaine). Fort heureusement, la plupart de ces maladies évoluant en
épizooties ne sont pas des zoonoses, ou bien constituent des zoonoses mineures, comme
c'est parfois le cas de la fièvre aphteuse. Toutefois, parmi ces zoonoses,
certaines sont très graves cliniquement chez l'homme, telles par exemple,
l'encéphalomyélite virale équine ou la fièvre de la Vallée du Rift.
La situation zoosanitaire du continent africain, dont fait
partie la Tunisie, et du Proche et Moyen-Orient, reste préoccupante et
constitue un danger pour le cheptel national. Des maladie graves - telles que
la péripneumonie contagieuse bovine, la peste équine, la fièvre aphteuse ou les
trypanosomoses - certaines représentent un danger pour la santé humaine,
continuent de sévir, à l’état endémique, dans ces régions et peuvent à tout
moment dépasser les frontières et déclencher des épizooties dans les pays
d’Afrique du Nord. Ces maladies constituent des entraves au développement des
productions animales et des exportations. Le désert du Sahara ne constitue plus
une barrière suffisante pour isoler notre pays et les autres pays du Maghreb.
La fièvre de la Vallée du Rift qui touche à la fois les
animaux et l'homme est une menace sérieuse pour l'Afrique et notamment
l’Afrique du Nord. Lorsque des pluies abondantes tombent sur une ou plusieurs
des régions d'Afrique, les insectes, vecteurs du virus causal, se multiplient
et provoquent dans les régions contaminées entrainant des mortalités pouvant
atteindre 70 % des petits ruminants contaminés et 30 % des bovins et camelins
contaminés. Aussi, et pour des raisons de santé publique, les autorités
sanitaires des pays sains, appliquent un embargo sur les importations de bétail
en provenance de certains pays considérés comme contaminés.
Ces menaces pour la santé animale et humaine surviennent au
moment où nombre de Services vétérinaires étaient confrontés à des problèmes de
ressources, liés notamment aux programmes d'ajustement structurels imposés par
leur situation économique et par les organismes financiers internationaux
appelés à financer ces programmes. Elles sont d'autant plus préoccupantes que
les Etats ne sont plus en mesure d’assurer la pérennité de leurs Services
vétérinaires, alors que les échanges commerciaux s’intensifiaient, multipliant
les risques sanitaires pour les populations animales et humaines.
Des mesures d'alerte précoces en cas de pullulation
d'insectes vecteur et l’application des mesures de prophylaxie sanitaire et
médicales évoquées précédemment par vaccination des animaux devraient permettre
de réduire les pertes dues à la maladie et de rétablir les échanges commerciaux
traditionnels.
Si la situation des épizooties reste encore préoccupante
pour toutes les maladies, il convient néanmoins de mentionner le succès obtenu
dans la lutte contre la peste bovine. La Campagne panafricaine de lutte contre
cette maladie, organisée et soutenue par les organisations internationales,
notamment L’OIE et l'OUA/IBAR, et qui a bénéficié d'un financement de l'Union
européenne, a enregistré un franc succès couronné par la déclaration officielle
d’éradication de cette maladie, en 2011.
Ces difficultés ont été largement débattues et des
solutions ont été proposées pour une meilleure définition des actions des
Services vétérinaires. Ces solutions comprennent notamment : une extension du
champ du mandat sanitaire, l'instauration d'une politique de recouvrement des
coûts, l'établissement de relations de travail et de collaboration avec les
acteurs du secteur privé dans le domaine de la surveillance épidémiologique, de
la formation, de la vulgarisation, et du développement d'un cadre législatif
permettant l'installation et le maintien des vétérinaires praticiens privés.
Ces décisions devraient permettre d'assurer la pérennité d'un service public de
qualité, sans entraver les progrès de la privatisation et de la coopération
intersectorielle actuellement observés dans le domaine de l'élevage.
Les conditions climatiques et socio-économiques font
toujours de l'Afrique et du Proche et Moyen Orient, les régions les plus
fragiles sur le plan zoosanitaire. Seule la coopération entre états de ces
régions et la solidarité des autres pays leur permettront d'espérer réduire au
minimum les effets néfastes des maladies animales sur les économies des pays
concernés et leurs conséquences directes et indirectes sur la santé
humaine, l'objectif des Services
vétérinaires restant la mise en place d’une stratégie plus efficace de lutte
contre les grandes maladies animales qui continuent de sévir dans la région et
qui, pour certaines, sont transmissibles à l'homme.
Dr. Khaled El Hicheri
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