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Les risques professionnels vétérinaires : ZOONOSES ET AUTRES MALADIES INFECTIEUSES ET PARASITAIRES

 

Les risques professionnels vétérinaires :  ZOONOSES ET AUTRES MALADIES INFECTIEUSES ET PARASITAIRES

 

Les études et enquêtes menées dans plusieurs pays ont permis de dénombrer les multiples risques que courent les vétérinaires praticiens dans l’exercice de leur profession et de révéler le nombre et la fréquence des pathologies qu’ils contractent au contact des animaux ainsi que les accidents corporels qu’ils subissent au quotidien. Une bonne partie des risques professionnels vétérinaires est constituée par les maladies infectieuses et parasitaires professionnelles.

 

Les médecins vétérinaires praticiens ont généralement été particulièrement sensibilisés lors de leurs études aux maladies transmissibles des animaux aux humains, les zoonoses. Le risque est en effet important pour les praticiens, de contracter des zoonoses telles que la brucellose, la tuberculose, la leptospirose, la salmonellose ou la fièvre Q ; des maladies qui n’ont pas été éradiquées en Tunisie. Le risque qu’elles représentent exige de demeurer vigilant pour les prévenir, en particulier par les mesures d'hygiène à respecter pour éviter les contaminations.

 

Les maladies infectieuses

 

Elles sont nombreuses - il existe actuellement plus de 200 zoonoses reconnues et les zoonoses émergentes sont de plus en plus fréquentes - et plusieurs d’entre elles sont transmissibles de l’animal à l’homme. Chaque année, des milliers de Tunisiens sont affectés par des maladies zoonotiques causées par divers agents pathogènes passant d'un animal ou d'un insecte à un humain tels que : virus, bactéries, champignons et parasites ou tout autre agent transmissible. C’est ainsi que, sur 1.415 agents pathogènes connus pour infecter les humains, 61% sont zoonotiques.

 

La Brucellose     

C’est une zoonose existant à l’état endémique en Tunisie. Parmi les maladies infectieuses contractées auprès des animaux, la brucellose est la plus mentionnée. Cette maladie infectieuse figure, aux yeux des médecins vétérinaires praticiens, parmi les zoonoses les plus importantes et les plus graves. Un programme d’éradication systématique avait été mis en place puis abandonné faute de financement continu. Cette maladie sévit à l’état enzootique sur les ruminants et sur un grand nombre de praticiens qui signalent des troubles à long terme que laisse une atteinte aiguë (fièvre ondulante, sueurs à « odeur de paille mouillée »), même lorsqu'elle a été enrayée par un traitement efficace (doxycycline, rifampicine) consécutif à un diagnostic précoce. Quant à la vaccination anti brucellique des praticiens vétérinaires et de leurs auxiliaires, elle semble avoir été peu pratiquée alors que plusieurs d’entre eux ont été contaminés lors des campagnes de vaccinations des petits ruminants pratiquées durant plusieurs années en Tunisie

 

La Tuberculose

La tuberculose bovine est une maladie bactérienne, contagieuse et chronique des animaux et de l’homme qui peut ne pas s'extérioriser même dans ses stades avancés ; le diagnostic est souvent effectué après l'abattage, par un examen de la carcasse et par des méthodes histopathologiques et bactériologiques.

C’est une des plus graves zoonoses, causée par un bacille, Mycobacterium bovis, appartenant au complexe Mycobacterium, qui comprend aussi M. tuberculosis. La maladie peut se transmettre à l'homme et à d'autres animaux. Les personnes qui risquent le plus de contracter la maladie sont celles qui sont en contact direct et prolongé avec des animaux infectés comme cela est le cas des médecins vétérinaires.

La tuberculose constitue un grave problème de santé publique ; elle a été combattue efficacement dans la plupart des pays et sa prévalence a été réduite de manière significative mais on constate actuellement son retour en force. L’une des causes de la recrudescence des cas humains est la contamination de l’Homme par des animaux infectés et plus particulièrement par les bovins. Parmi les voies de contamination de l’homme, outre la voie aérienne, figure l'ingestion de lait ou de produits laitiers non pasteurisés, provenant de vaches infectées.

 

La maladie peut se transmettre à l'homme et à d'autres animaux. Les personnes qui risquent le plus de contracter la maladie sont celles qui sont en contact direct et prolongé avec des animaux infectés comme cela est le cas des médecins vétérinaires. Chez l'homme, la maladie est diagnostiquée par radiographie pulmonaire et cultures des expectorations.

Il convient, toutefois, de signaler que la plupart des vétérinaires sont vaccinés contre la tuberculose car la grande majorité d’entre eux avait reçu le BCG (obligatoire pour les enfants depuis 1950). Aucun cas de vétérinaire victime d’une infection tuberculeuse d’origine animale n’a été signalé en Tunisie mais le risque est toujours présent.

La Rage

En Tunisie, la rage sévit sous forme enzootique et endémique ; elle est plus urbaine que rurale et sa situation épidémiologique est instable malgré les campagnes de vaccination de masse des chiens - annuelles, obligatoires et gratuites - dans le cadre du Programme National de Lutte contre la Rage (PNLR). La mise en place du PNLR a été justifiée par le grand nombre de cas humains enregistrés dans les années 60 et 70 (pic de 38 décès en 1973) et par le faible nombre de centres de traitement antirabique qui n’existaient qu’aux sièges des gouvernorats. Ce nombre a augmenté progressivement, atteignant 363 centres, permettant de traiter près de 38.000 personnes/an, en Prophylaxie Post-Exposition (PPE).

Depuis la mise en place du Mandat Sanitaire, la plupart, sinon tous les vétérinaires praticiens en rurale comme en clientèle pour animaux de compagnie ou en clientèle mixte, sont vaccinés contre la rage. Le risque rabique est, en effet, fortement ressenti par la profession surtout parmi les praticiens pour animaux de compagnie ou en clientèle mixte qui lient la rage aux carnivores domestiques. On estime que plus de 2/3 des vétérinaires praticiens sont vaccinés contre la rage.

La rage continue à tuer et menace plus particulièrement les vétérinaires qui sont chargés de vacciner les chiens dans le cadre du PNLR. Rappelons que, en l’absence de la PPE et une fois déclarée, la rage évolue vers une mort certaine. A ce jour, aucun cas de décès n’a été enregistré parmi les vétérinaires mais plusieurs d’entre eux ont été soumis à une PPE après morsure.

 

Compte tenu de l’existence de la rage à l’état enzootique en Tunisie, la vigilance est de rigueur et doit s’étendre également aux nouveaux animaux de compagnie. Le risque est grand et doit inciter les praticiens à se faire vacciner et à maintenir leur immunité par les injections de rappels périodiques prévues par le protocole vaccinal.

 

La leptospirose

Cette maladie est une zoonose ; elle existe chez l’homme comme chez l’animal parmi les carnivores domestiques, mais elle est sous-diagnostiquée et ne fait pas l’objet de déclaration de cas. Ni les vétérinaires libres praticiens ni les médecins ne signalent de cas de leptospirose chez les humains alors que, la plupart des chiens ne sont pas vaccinés contre cette maladie qui peut affecter les vétérinaires et déclencher chez eux une lourde symptomatologie comportant : fatigue extrême, présence d’ictère, anémie et état sub-comateux.

La leptospirose ne cède qu’après une médication symptomatique et une thérapie antibiotique par les tétracyclines. Elle nécessite une longue hospitalisation et plusieurs mois de convalescence. Malheureusement, l’abondance des porteurs sains parmi les rongeurs et les mammifères domestiques, en fait une maladie dont l’éradication est illusoire.

L’impact de la politique hydraulique de la Tunisie a favorisé la prolifération des rongeurs et des culicoides porteurs des agents pathogènes de la leptospirose et également de la leishmaniose, provoquant de véritables flambées de cas cliniques de leptospirose et de leishmaniose canine, avec une prédominance de néphrites entraînant des insuffisances rénales rapidement fatales. Cette politique a reposé sur la retenue des eaux d’écoulement par la construction d’ouvrages tels que grands barrages et barrages collinaire créant ainsi des centaines de lacs et de lacs collinaires. En outre, les chiens, chassant ou divaguant dans ces zones, subissent de multiples excoriations, surtout en zone ventrale, et se contaminent ensuite par voie transcutanée en traversant des points d’eau souillés par l’urine de rongeurs porteurs de leptospires.

La vaccination, puis le rappel vaccinal systématique, peut faire disparaître cette pathologie chez les chiens domestiques, et ainsi réduire le risque chez les humains. A notre connaissance aucun vétérinaire praticien n’a mentionné avoir contracté la leptospirose dans l’exercice de ses activités professionnelles.

Le Tétanos.

La très grande majorité des vétérinaires, tous types de clientèles confondus, sont vaccinés contre le tétanos. Aucun cas de vétérinaire ayant contracté le Tétanos n’a été signalé en Tunisie.

 

Les Staphylococcies

Dans l’exercice de la clientèle rurale, le vétérinaire ne peut pas toujours respecter les conditions idéales d’asepsie, ou du moins de propreté minimale de sa peau. Certains vétérinaires en rurale sont obligés d’apprendre à utiliser également le bras gauche lors de manoeuvres obstétricales, chez les grands animaux, car ils sont dans l’impossibilité d’utiliser leurs bras droits durant plusieurs semaines à cause de nombreuses infections à staphylocoques des bras, avec répétitions d’abcès, poussées fébriles et réactions ganglionnaires de phlegmons suppuratifs à répétition. Il est néanmoins vrai aujourd’hui que l’usage généralisé des gants d'exploration à usage unique, a sans nul doute diminué la fréquence de cette affection.

 

La Fièvre Q

La Coxiellose appelée encore fièvre Q est une maladie causée par la bactérie Coxiella burnetii. Cette bactérie est répandu dans le monde entier ; on la retrouve chez les ruminants et autres mammifères domestiques, ainsi que chez les carnivores domestiques. La transmission de l'infection se fait par voie aérienne et le contact cutané ou muqueux avec les selles, l'urine, les sécrétions vaginales, le sperme, le lait, le placenta des animaux infectés. Il s’agit probablement de la zoonose la plus contagieuse qui existe, car une seule bactérie suffit à infecter un homme. Cette maladie peut être contractées par les vétérinaires praticiens en clientèle rurale et urbaine et immobiliser le vétérinaire durant plusieurs semaines. Toutefois, aucun vétérinaire praticien tunisien n’a déclaré avoir été infecté par cette maladie

 

La fièvre jaune

Cette maladie n’existe pas en Tunisie ; néanmoins la vaccination contre la fièvre jaune est indiquée pour des vétérinaires devant voyager et séjourner, en zone d'endémie.

 

Signalons également que la revue des zoonoses pouvant affecter les vétérinaires pour petits animaux comporte la maladie des griffes du chat (bartonellose), les abcès provoqués par les morsures de chats ; morsures où sont retrouvées des pasteurelles dans 75% des cas.

 

Les maladies parasitaires et mycosiques

En ce qui concerne les maladies parasitaires et mycosiques d'origine professionnelle, les affections signalées concernent pour la plupart les grands animaux (mycoses, helminthoses digestive et cutanée, hydatidose, gale, otite mycosique, candidose digestive, toxoplasmose, phtyriose). Il faut noter ici l'importance des dermatomycoses, dont on sait la particulière fréquence chez les bovins et les équins, de même que chez les chiens et les chats, et la banalité de leur transmission par contact si une hygiène stricte n'est pas respectée. Viennent ensuite des helminthoses dont on aimerait bien connaître l'exact agent causal. Des cas d'hytadidose et de toxoplasmose sont signalés. Les autres affections spontanément citées sont plus anecdotiques (gale, pulicose, phtiriose, candidose digestive et d'otite mycosique), et pourraient être consécutifs à une contamination d'origine animale.

 

Toxocara canis et cati

Il convient également de rappeler l’importance de ces parasites et les risques liés aux larva migrans lors du passage chez l’homme de ces ascarides du chien et du chat.

 

La Giardiose 

C’est une zoonose d’origine parasitaire (protozoaire) transmissible. C’est une maladie fréquente et très contagieuse due à l’action pathogène du Giardia qui touche l'appareil digestif du chien, et plus particulièrement ses intestins ; elle affecte essentiellement les plus jeunes chiens et peut persister à l'état enzootique. Le Giardia, infeste le tube digestif du chien et s'évacue dans ses selles. Les élevages canins sont confrontés à cette maladie dont la prévalence est d’environ 30 à 45% des chiots de moins de 6 mois. Le Giardia existe sous plusieurs formes : une forme flagellée typique mobile et une forme de résistance (le kyste). Le chien se contamine en ingérant des kystes dans le milieu extérieur (eau contaminée, gamelles contaminées, ...). L'homme peut être contaminé par ingestion de kystes après avoir caressé un animal (dont le pelage peut être souillé par des kystes), ou avoir manipulé des gamelles par exemple.

La giardiose humaine est la maladie parasitaire la plus courante de l’homme et constitue de ce fait un problème de santé publique, de plus en plus important. Cette maladie est présente partout dans le monde mais elle est plus présente dans les régions chaudes et humides.


Dr. Khaled El Hicheri

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