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 *Article paru sur le Magazine Leaders, le 12 octobre 2013,

  La médecine vétérinaire en Tunisie : Radioscopie d'une profession                                                             méconnue *

     Santé animale

Le grand enjeu pour la Tunisie: Protéger les ressources animales nationales

Afin d’éviter des désastres économiques et protéger la population humaine des risques et dangers représentés par les maladies transmissibles de l’animal à l’homme et par les aliments d’origine animale, insalubres ou contaminés.

 

Dans un monde en perpétuel mouvement, les bouleversements politiques, sociaux et économiques, les découvertes scientifiques et technologiques, la rapidité des changements qui s’opèrent ne permettent plus d’envisager l’avenir comme un prolongement plus moderne, plus pratique et plus confortable de notre présent, comme si le temps s’écoulait lentement sans modification apparente de notre milieu et de notre environnement. Les services vétérinaires officiels seront soumis à la pression des services vétérinaires des pays avec lesquels nous commerçons ; ils doivent, dès à présent, pouvoir dominer les législations, nationales et internationales, ainsi que les méthodes et les moyens modernes de gestion administrative.

 

Des professions disparaissent, d’autres naissent, d’autres changent d’aspect, d’autres encore évoluent, progressent et s’adaptent. La profession vétérinaire qui s’adresse au monde animal autant qu’au monde des humains subit ces changements et comme bien d’autres métiers et professions, elle est appelée à suivre le mouvement et à s’adapter.

Avec la globalisation et l’intensification des échanges, les fluctuations du marché international des animaux et des produits animaux se répercutent au niveau de la Tunisie. La profession vétérinaire doit suivre et parfois anticiper ces fluctuations ; ce qui implique que les vétérinaires, aux postes de commandes comme aux postes d’exécution, ont eu la formation qui leur assure la flexibilité nécessaire pour leur permettre de s’adapter rapidement aux situations nouvelles.

 

La population mondiale ne fait que croître et ses besoins en produits alimentaires et en protéines animales ne peuvent qu’augmenter. Le rôle du médecin vétérinaire est de veiller sur la santé des animaux afin qu’ils puissent fournir des aliments en quantité et qualité suffisantes pour répondre à ces besoins et seul un animal en bonne santé peut fournir des aliments de bonne qualité nutritionnelle et sanitaire.

 

La mondialisation des échanges a accru les risques liés aux maladies animales transmissibles à l’homme. Les risques liés au commerce illégal des animaux et de leurs produits et l’essor des animaux de compagnie exotiques amèneront les services vétérinaires à étendre le MS hors du cadre limité des animaux de rente et des seules campagnes de prophylaxie. Dans tous les cas et quelles que soient les mutations et l’évolution qu’elle est appelée à subir, la profession vétérinaire doit faire face à de nouvelles exigences de notre société en matière de santé publique et d’hygiène, de salubrité et de sécurité sanitaires des aliments. De plus, la Tunisie pourrait être plus que tout autre pays, du fait de sa position géographique et de la globalisation des échanges, menacée par les maladies transfrontalières, par l’émergence de maladies nouvelles et par la réémergence de maladies qui ont préexisté et dont la prévalence avait considérablement baissé.

 

Indépendamment de sa situation géographique, la Tunisie, pays importateur, exposée aux agressions exogènes, est particulièrement menacée. Or, le coût pour protéger le pays contre les TADs (Transboundary Animal Diseases) est nettement moins élevé que le coût pour élever le pays au statut indemne de ces maladies animales, une fois qu’elles se sont installées. Cela oblige le pays à renforcer ses capacités de vigilance, de surveillance et de prévention et à renforcer ses ressources humaines par des formations spécialisées adaptées au nouveau contexte épidémiologique.

 

On est bien loin du temps où l’élevage était considéré comme la première des productions agricoles du pays. Le gouvernement du protectorat avait donné la priorité à l’élevage devant l’importance de la production animale en Tunisie, et créé dès 1887 un «service de l’élevage» dirigé par ceux qu’il estimait les plus aptes pour le faire. Plus de 120 ans plus tard, la situation de l’élevage n’incite pas à l’optimisme et les productions animales ne représentent plus que 23% du produit brut du secteur de l’agriculture.

 

Les conditions climatiques ne peuvent expliquer à elle seules ce recul. Les objectifs fixés par onze plans de développement économique et social successifs n’ont jamais pu être atteints dans leur intégralité, faute de financement adéquat, de pérennité des programmes et de continuité dans les actions initiées. Le dirigisme pratiqué durant des décennies et la fixation des prix des productions animales, au détriment des éleveurs, ont contribué à freiner le développement des spéculations animales et handicapé l’émergence d’un élevage moderne.


Le constat est alarmant : la politique de développement de l’élevage n’a pas atteint les objectifs d’autosuffisance et de sécurité alimentaire. La production de viande rouge est insuffisante par absence d’une production bouchère et l’approvisionnement du marché est assuré à plus de 53% par la production avicole, entraînant une dépendance de plus en plus grande du marché international. Le programme d’amélioration génétique des bovins a été réduit au seul volet insémination artificielle. Le programme de mise à niveau des abattoirs est un échec et le marché des animaux vivants destinés à l’abattage clandestin a gagné en anarchie et en prospérité. L’alimentation de notre cheptel repose plus sur les ressources extérieures que sur les ressources nationales. Les matières premières pour aliments composés sont importées massivement et on ne peut que constater l’échec des programmes de production fourragère et d’amélioration des parcours.

 

Une double implication

 

Impliqué tout naturellement dans le système de santé au sein duquel il veille à la protection de la population, le vétérinaire tient également compte des impératifs d’amélioration de la productivité de l’élevage et de la qualité de ses productions. Il se situe entre deux pôles d’attraction : d’une part, la santé publique et, d’autre part, les performances économiques de l’élevage national. L’intérêt de protection des consommateurs doit, certes, primer mais le vétérinaire est tenu d’œuvrer vers un intérêt commun qui englobe les objectifs prioritaires de santé publique et les intérêts économiques, non moins importants, des filières de l’élevage.

 

Le contrôle et l‘éradication des maladies infectieuses, parmi lesquelles les zoonoses, s’imposent comme un préalable indispensable à la qualité de vie des populations humaines et la répercussion des actions de lutte contre ces maladies ne peut être que positive aussi bien au niveau national qu’international, tant les systèmes de santé et les échanges commerciaux dans les différents pays sont tributaires des uns des autres.

 

Pour assurer cette protection, la mobilisation de tous les acteurs de l’élevage et de la santé animale est nécessaire et personne ne sous-estime la qualité du réseau vétérinaire tunisien qui vient de s’enrichir de l’apport de médecins vétérinaires libres praticiens que l’administration vétérinaire vient de doter du mandat sanitaire. Cette démarche, quoique tardive, est certes louable et il conviendrait de la poursuivre et de renforcer le lien établi entre services vétérinaires officiels et vétérinaires mandatés pour mettre en place de nouvelles approches, mieux adaptées aux enjeux actuels de la santé publique vétérinaire.

 

La reconnaissance des Pouvoirs Publics de la compétence des vétérinaires

 

La reconnaissance des compétences des vétérinaires par les pouvoirs Publics, non seulement dans le domaine de la santé animale mais aussi dans les domaines de l’hygiène et de la santé publiques, a contribué à promouvoir la profession vétérinaire et à placer le médecin vétérinaire à une place privilégiée dans le système de santé aussi bien que dans la société. Cette reconnaissance des compétences des vétérinaires leur a permis de consolider leur position dans les domaines qui leur sont propres et qui devront être confortés par une législation et des réglementations sanitaires leur accordant des pouvoirs plus importants en matière d’hygiène publique, de production et de santé animales ainsi que dans la réglementation du commerce des denrées alimentaires d’origine animale.

 

L’effort du côté de l’Administration doit porter sur la promotion du système de santé publique vétérinaire couvrant le territoire national et en mesure d’assurer la surveillance épidémiologique, l’alerte précoce et la réaction rapide en cas de menace ou de déclaration d’épizooties. En contrepartie, le vétérinaire est appelé à faire preuve de compétence dans des domaines d’activités de plus en plus nombreux et variés. Pour s’imposer, outre son expertise, il doit faire montre d’agressivité promotionnelle et de pugnacité mais il devra également savoir s’adapter aux changements rapides de l’économie et de la société, assimiler des connaissances nouvelles et accumuler un savoir de plus en plus vaste et précis. Les structures de formation devront anticiper ces changements et adapter leur enseignement en conséquence.

 

*Article paru sur le Magazine Leaders, le 12 octobre 2013, composé à partir d’extraits de l’ouvrage du Dr. Khaled El Hicheri intitulé « La médecine vétérinaire en Tunisie, passé, présent et avenir » édité par Nirvana, Tunis, 446 p. 25 DT.

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