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Changement climatique et agriculture

 la Tunisie subit depuis des années les effets du changement climatique. Cette année (2023) ces effets ont été exacerbés ; la sécheresse est totale, la production de céréales serait très réduite. La plupart des retenues d’eau sont à sec et l’Etat à mis en œuvre des mesures de réduction de la consommation d’eau à tous les niveaux (domestique, agricole et industriel).

Cette dernière décennie, notre pays a subit des épisodes de sécheresse assez sévères en 2013, 2015, 2017 ; épisodes suivis dinondations en 2018, enregistrant des pluviométriques extrêmes. La baisse des réserves d’eau dans les barrages a incité le gouvernement a diminuer la distribution des eaux dans le Nord, à des fins d’irrigation. Dans certaines régions, l’irrigation des maraîchages a été interdite et il n’a été alloué que les quantités d’eaux d’irrigation nécessaires pour la sauvegarde des arbres fruitiers. Dans d’autres régions, l’allocation de l’eau a baissé de 40%, puis de 80%, poussant les agriculteurs à forer illégalement des puits. Notre économie ne peut plus supporter ces productions en dents de scie du fait d’une pluviométrie capricieuse et défaillante.

Au niveau des projections météorologiques pour la Tunisie, publiées en 2018, les scénarios de l’Institut National de la Météorologie (INM) indiquent une hausse des températures moyennes annuelles pour 2050 et 2100, par rapport à la période 1971-2000, variant entre 2,1°C et 2,4°C à l’horizon 2050, et entre 4,2°C et 5,2°C à la fin de 2100. De leur côtés, les prévisions de pluviométrie enregistreraient une baisse de -1% à -14% en 2050 et de -18% à -27% en 2100. Les pluies seraient plus intenses provoquant crues et inondations. L’aridité du climat atteindrait même le Nord du pays.

Impact sur nos ressources hydrique et sur notre patrimoine en sol arable : la diminution des précipitations entraînerait une baisse des ressources de 28 % en 2030, qui affecterait les eaux souterraines. Les nappes fossiles, profondes et non renouvelables, du Sud tunisien seraient les plus affectées. Les eaux de surface diminueraient de 5% à l’horizon 2030 selon le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat). La diminution des stocks dans les barrages accentuerait la pression sur son utilisation, ce qui entraînerait la surexploitation des nappes phréatiques, et la dégradation de la qualité de l’eau.

La hausse des températures, la diminution de la pluviométrie et la variation de sa distribution annuelle, vont accentuer les phénomènes d’érosion des terres et de désertification. Les pluies intenses et les grandes crues provoqueront érosion et perte de sols, se traduisant par une réduction de la fertilité des sols dégradés. D’un autre côté, le réchauffement provoque une hausse du niveau de la mer qui menace d’érosion et de perte en sol et fertilité de plusieurs milliers d’hectares de terres arables.

Les effets du changement climatique sur la production agricole : la production agricole est dépendante du climat et de la pluviométrie. La pluviométrie concerne également l’irrigation des terres agricoles en reconstituant les ressources hydriques. Pour les céréales, très sensibles au stress hydrique, ainsi que pour les fourrages, une baisse des précipitations et tout changement de la répartition saisonnière de la pluie impactera la production vers la baisse. Le manque de pluie a pour conséquence un accroissement des importations de céréales et de fourrages, accentuant notre dépendance des marchés extérieurs.

Les sécheresses récurrentes impacteront la production animale avec perte de cheptel et chute des productions de lait et de viande et leurs conséquences sur l’industrie de transformation. L’accroissement des quantités d’aliments du bétail importées se traduira inévitablement par une hausse des coûts de production. Les épisodes de sécheresse impactent aussi l’arboriculture fruitière en avançant les dates de floraison. Les productions fruitières, olives et agrumes, subissent une baisse notable ; une baisse des exportations de ces produits s’en suit qui aura des effets négatifs sur la balance commerciale. Ces effets seront plus importants encore si des restrictions d’irrigation doivent être appliquées.

Afin de lutter contre les effets du changement climatique, la Tunisie a ratifié la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques en 1993 et le Protocole de Kyoto en 2002. Elle a participé aux différentes conférences sur l’application des objectifs des conventions internationales adoptées, et a présenté un plan d’action concernant le secteur agricole. Dans ce plan, le bilan carbone serait réduit par l’encouragement de l’agriculture biologique moins génératrices d’émissions.

Le Ministère de l’environnement dispose de stratégies relatives à la gestion des ressources naturelles et à l’adaptation au changement climatique : la stratégie de développement durable, la stratégie de changement climatique et celle de l’économie verte. Ces stratégies n’intègrent pas pour le moment une stratégie sectorielle pour l’agriculture.

Enfin, la Tunisie a lancé en 2018 le processus d’élaboration de son Plan national d’adaptation aux changements climatiques (PNA) qui vise à réduire la vulnérabilité du pays à ces changements, de renforcer la capacité d’adaptation de l’activité agricole et de garantir la sécurité alimentaire et ce, par : l’élaboration de stratégies nationales sur le changement climatique, le développement durable, la biodiversité et la protection du littoral.

Ces stratégies, visent à à tenir compte des écosystèmes, préserver les ressources naturelles, maintenir le cycle de l'eau, recharger les nappes, conserver les sols, améliorer la maîtrise de la demande en eau, renforcer le Programme d'économie d’eau, développer une capacité de sauvegarde en prévision des épisodes de sécheresses, encourager les cultures peu consommatrices d’eau (oliviers, pistachiers, figuiers, grenadiers, amandiers), développer les capacités de prévision des inondations, développer la recherche, actualiser les textes juridiques et réglementaires et, entreprendre les réformes institutionnelles nécessaires.

Les campagnes agricoles se suivent et ne se ressemblent pas. D’une année à l’autre les productions de céréales, d’olives, d’agrume, et autres produits agricoles, varient du simple au double. Ces variations ne permettent pas à la Tunisie, de maintenir un courant continue d’exportation, ni d’atteindre l’autosuffisance planifiée.

Face à ces risques, pour répondre aux effets directs, inattendus et pervers, du changement climatique et en vue d’en atténuer l’impact sur nos productions agricoles et sur notre agro-industrie, il est urgent d’encourager les changements de pratiques agricoles et de promouvoir les techniques innovantes d’économie d’eau, de recharge des nappes phréatique et profonde et de réutilisation des eaux usées, traitées, permettant de satisfaire nos besoins domestiques, agricoles et industriels.

Pour le Comité Exécutif de MVI

Dr. Khaled El Hicheri

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