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Le dromadaire en Tunisie : quel destin ?


La journée consacrée à la santé et à la production du dromadaire en Tunisie qui s’est tenu samedi 18 janvier à Tozeur a pris fin dimanche 19 janvier par la visite d’un troupeau de chamelles laitières sur le terrain, et par un déjeuner bédouin sous la tente entre les dunes, à la satisfaction de tous les participants. Cette manifestation scientifique, organisée par Médical Veterinary International (MVI) a obtenu un vif succès par la présence de 129 participants inscrits de tous horizons : chercheurs, cadres techniques du commissariat au développement agricole et de l’office de l’élevage et des pâturages, éleveurs de dromadaires, vétérinaires étatiques et libres-praticiens du gouvernorat de Tozeur et des régions du centre et du sud du pays où la pratique de l’élevage extensif du dromadaire est encore courante, étudiants et étudiantes ainsi que des représentants de laboratoires de production de médicaments vétérinaires et des sociétés de fabrication d’aliment pour animaux de toutes espèces.

L’ouverture des travaux a été effectuée par Monsieur le Gouverneur de Tozeur qui a insisté sur l’importance que revêt l’élevage du dromadaire dans les gouvernorats du Sud et du Centre du pays. Dans son allocution d’ouverture, il a encouragé les chercheurs et les éleveurs à intensifier leurs efforts en vue de développer l’activité d’élevage du dromadaire et à entreprendre les activités de transformation de ses productions : lait, viande, laine (oubar) et cuir, insistant sur le fait que l’élevage du dromadaire est un secteur porteur et prometteur car ses produits, principalement le lait et la viande, ont des qualités nutritionnelles, diététiques et thérapeutiques connues et appréciées.

La journée s’est poursuivie par les exposés de nombreux communicants qui sont intervenus pour souligner les mesures prises par l’Etat pour développer l’élevage du dromadaire, dans les régions désertiques qu’il est le seul à valoriser, comme le projet de développement de l'élevage camelin piloté par l'Office de l'Elevage et des Pâturages. Ce projet porte notamment sur L'encadrement technique des éleveurs, l'organisation de la profession, l’appui aux programmes de couverture sanitaire, l’identification des dromadaires ou l’appui à l'action d'allaitement artificiel des chamelons.

Les communicants ont rappelé que l’élevage camelin tunisien, compte un nombre réduit d’animaux, estimé de 60.000 à 80.000 têtes dont 90% se trouve dans le Sud du pays et se pratique majoritairement selon le mode extensif. Le nombre d’éleveurs de dromadaire a été estimé à 2.300 éleveurs dont 73% dans le sud du pays. Cet élevage participerait à raison de près de 4% à la production nationale des viandes rouges et les perspectives de développement de la production de lait de chamelle, en mode d’élevage intensif et semi intensif, semblent très prometteuses.Les communicants de Tozeur et des régions voisines de Kébili, Gafsa, Tatahouine et Médenine ont présenté la situation de l’élevage du dromadaire dans ces gouvernorat et ont insisté sur la nécessité de développer ce cheptel, d’améliorer son rendement et de valoriser et promouvoir ses produits.

Les travaux de la journée ont également porté sur la nécessité de soumettre les établissements de la filière, notamment au niveau de la production et de la transformation, à l‘agrément sanitaire vétérinaire dans un objectif de qualité des produits et de protection des consommateurs.
Les caractéristiques physico-chimique et microbiologique du lait camelin dans la région de Tozeur ainsi que l’étude de la cinétique de bactéries lactiques du lait de chamelle, ont fait l’objet de recherches qui ont révélé une acidification plus lente du lait de chamelle que le lait de bovin. Les études ont également porté sur la qualité hygiénique du lait qui a été évaluée par la recherche de germes pathogènes et d’altération en rapport avec l’état de santé d’animal, les conditions hygiéniques de la traite et d’éventuelles contaminations. Il en est résulté que l’absence totale des souches de microbes anaérobie sulfito-réducteurs (ASR), indique l’absence d’une contamination tellurique et peut être expliquée par l’effet antimicrobien du lait de chamelle.
Les chaînes de valeur en matière d’emplois indépendant, ont fait l’objet d’une analyse et d’une étude approfondie effectuée par le Groupement Interprofessionnel des Viandes Rouges et du Lait "GIVLAIT" dans le cadre du projet de Promotion de l’Emploi dans les Régions Rurales. Les résultats de l’étude ont montré que le partage de la valeur ajoutée des produits laitiers et dérivées des camelins, entre les acteurs, est déséquilibré en faveur des acteurs en aval du secteur. Un plan d’action a été proposé en vue de faciliter l’accès aux financements et aux approvisionnements, l’accroissement de la productivité et l’amélioration des revenues des éleveurs, le développement du marché des produits camélins et la qualification et la disponibilité des ressources humaines.

La pathologie des camélidés a également fait l’objet d’une communication intéressante concernant les maladies communes aux dromadaires et aux autres animaux ainsi que les maladies spécifiques aux camélidés telles que la Trypanosomose, maladie la plus sévère et la plus répandue en élevage camelin ; maladie provoquée par un protozoaire sanguin (Trypanosema evansi), transmise à l’animal par des insectes hématophages vecteur du parasite sanguin. Les effets des maladies parasitaires internes et externes qui affectent la sanitaire de l’animal et limitent sa productivité, ont été soulignés. 

La communication sur les produits et productions des camélidés souligne l’intérêt que présentent ces productions pour la valorisation des espaces désertiques de notre pays qui couvrent plus de 50% du territoire national. Le dromadaire est maintenant élevé pour : les travaux agricoles, la viande, le lait, la laine et le cuir. La viande  fait l’objet d’un marché régional dynamique dans les pays de la Corne de l'Afrique, et de la Péninsule Arabique. Mas une part seulement de ce marché est formelle, ce qui a poussé les pays importateurs à exiger l’Installation de quarantaines et établissement d’une certification sanitaire. Le lait présente des qualités nutritionnelles et médicinales intéressantes ; c’est une source de protéines et de nutriments essentiels, un facteur antimicrobien et possède des propriétés anti-infectieuses et anti-diabétiques, reconnues. La Société Mutuelle de Services Agricoles « El Mazaraa » qui a créé, en 2017 à Hazoua, un centre de collecte, de conditionnement et de commercialisation du lait de chamelle est en voie de développer la pasteurisation du lait de chamelle et de commercialiser un produit dont la salubrité est garantie. Il procède actuellement à des essais de production de fromage et envisage d’installer un abattoir moderne et un atelier de découpe. La laine est de bonne qualité mais la production lainière est faible ; de plus, les lésions provoquées par le parasitisme cutané, déprécie la qualité du produit. Un marché existe et valorise le produit qui est utilisé pour le tissage et la production de vêtements et de couvertures. Le cuir, très souple sert à confectionne des produits d’artisanat.

Devant l’intérêt grandissant pour le dromadaire et ses productions, dans le monde, les chercheurs et les transformateurs ainsi que les éleveurs, les institutions et professionnels des camélidés et les responsables du développement de l’élevage se sont organisés en réseaux nationaux et régionaux ; c’est ainsi que de nombreux réseaux ont vu le jour aux : Emirats Arabes Unis, au Soudan, Centre arabe pour l’étude des zones arides dont l’IRA de Médenine fait partie et dans l’ensemble de la zone sahélienne (Mauritanie, Tchad Niger etc..) pour donner un statut scientifique international aux sciences des camélidés, promouvoir la recherche, organiser des conférences et autres manifestations scientifiques et professionnelles, améliorer la santé et la productivité des camélidés, effectuer des études coût-bénéfice des systèmes de production camélins, développer la commercialisation des produits camélins et concevoir des modules de formation de base, identifier les contraintes et proposer des solutions, organiser des réunions, forums, ateliers et formations pour approfondir la connaissance du dromadaire et contrôler les principales maladies du dromadaire.

Les communicants italiens de l’école vétérinaire et de l’institut zoo-prophylactique de Sassari ont placé le développement de l’élevage du dromadaire dans le cadre du développement rural intégré basé sur la santé et le bien-être animal, la sécurité alimentaire et le développement du secteur privé et de renforcer la coopération Tunisie-Italie pour la réalisation de projets de développement de l’élevage des dromadaires et des caprins.

Les participants à la journée, recommandent de promouvoir la filière dromadaire dans le sud de la Tunisie, de lutter contre la désertification et sauvegarder l'environnement et la biodiversité dans les régions d’errance des troupeaux de dromadaires en prenant un certain nombre de mesures telles que la mise en place et l’animation d’un réseau de surveillance épidémiologique des maladies du dromadaire, de concevoir et appliquer des programmes de vaccination et/ou de traitement, en vue de l’éradication des principales maladies des dromadaires, d’inciter et encourager les éleveurs à se regrouper au sein de groupements, sociétés mutuelles, coopératives de services et autres associations, de chercher des solutions au problème des terres collectives pour encourager les investissements, la création d’emplois et lutter contre l’exode rural, d’intensifier la recherche visant l’amélioration de la santé et de la productivité du cheptel dromadaires, créer des livres généalogiques des races de dromadaires où seraient consignés leurs caractéristiques génétiques, phénotypiques et de performances, promouvoir la production de viande et de lait en facilitant l’accès des éleveurs au crédit et en subventionnant l’alimentation composée pour dromadaires, soumettre à agréage obligatoire et certification toute structure d’élevage des dromadaires, de production, de transformation, de transport ou de commercialisation de leurs productions, organiser des concours pour primer les meilleures laitières et les meilleurs géniteurs.

Pour faciliter la mise en oeuvre des projets de recherche-développement dans toute la filière du dromadaire les participants à la journée santé et productions du dromadaire, recommandent de créer un réseau national de santé et production du dromadaire, de développer le  Partenariat Public-Privé (PPP) entre éleveurs et transformateurs et organismes étatiques et de valoriser les terres collectives, en facilitant l’accès des éleveurs de dromadaire et les transformateurs des productions du dromadaire, à l’exploitation de concessions d’une partie de ces terres désertiques

Les camélidés dans le monde : Les dromadaires ont existé, à l’état sauvage, depuis la nuit des temps ; ils auraient été domestiqués en Asie depuis des millénaires et ont été introduits dans l’ancienne Egypte, dans la préhistoire. Au Sahara, les peintures rupestres attestent de la présence de dromadaires durant cette période de la préhistoire et, dans l’antiquité, le dromadaire aurait dû son expansion aux Romains qui l’on introduit dans toutes les provinces méridionales de leur empire.
Géographiquement, l’habitat du dromadaire se situe en Afrique au Moyen-Orient et en Asie. En Afrique, on le retrouve dans les pays du Maghreb, le désert du Sahara, les pays du Sahel, le Soudan et les pays de la corne de l’Afrique. En dehors de l’Afrique, on le trouve dans les pays du Proche et du Moyen-Orient ainsi que dans le sous-continent indien notamment en inde, au Pakistan et en Afghanistan. C’est à partir de ces pays que les dromadaires ont été introduits en Australie au milieu du XIXe siècle où ils ont connu un développement rapide et constitué une nuisance. Une polémique s’est développée pour valoriser cette ressource animale plutôt que de la détruire ; polémique qui a abouti à l’exportation des dromadaires sauvages d'Australie vers les pays du Golfe.
En Tunisie, la population de dromadaire s’est considérablement réduite du fait de la motorisation et des exportations vers les pays voisins, notamment la Libye.

Depuis sa domestication, le dromadaire rend de multiples services à l'homme qui l'utilise pour sa force de travail et pour ses productions et produits. Ce potentiel zootechnique fait actuellement l’objet de recherches scientifiques et mobilise l’intérêt des autorités de plusieurs pays où cette espèce fait l’objet d’une attention particulière. Le dromadaire est élevé aujourd'hui, non seulement pour effectuer des travaux agricoles mais également pour sa viande ou pour son lait, sa laine et son cuir. Le récent développement d’une véritable industrie laitière caméline dans les pays du Golfe, atteste de l’intensification de cette production et de la qualité et de l’originalité de ses produits.
Le dromadaire est un constituant primordial de développement des régions désertiques de la Tunisie. Son potentiel zootechnique et génétique est important et doit être améliorés. Mais sa population a considérablement diminué dans le pays et de nombreuses maladies, dont des maladies transmissibles, affectent le cheptel dromadaire. Par ailleurs le système des terres collectives qui concerne plus de 50% de la superficie du pays, décourage les investisseurs.

Le comité exécutif de MVI

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