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La profession et les médecins vétérinaires : ces méconnus


La profession et les médecins vétérinaires : ces méconnus

Hier, 23 septembre 2019, l’Union des Professions Libérales – dont fait partie la profession vétérinaire - célébraient la journée mondiale des professions libérales pour l’année 2019, sous la présidence de notre confère Dr. Faouzi Kechrid. Cette manifestation a réuni les représentants de plusieurs professions libérales en présence du doyen Chawki Tabib, président de l’INLCC, qui a présenté une conférence intitulée « Les professions libérales sous nos climats » et de Mr. Walid Ben Salah, représentant la profession des experts comptables qui a présenté une conférence intitulée « Constitution et mise en place des représentations régionales de l’Union des professions libérales ».

L’occasion se présente pour moi de vous présenter la profession vétérinaire.

Il me faut rappeler tout d’abord que, de trois vétérinaires tunisiens, avant l’Indépendance du pays, cette profession est passée à près de deux mille médecins vétérinaires dont la majeure partie n’a qu’une vague idée du passé de la profession et de la contribution de leurs ainés à la construction du pays. Ce pays où la situation de la profession vétérinaire fait face aux changements que nous constatons dans le monde et aux bouleversements dans notre mode de vie, nous obligeant à une adaptation accélérée que les générations précédentes n’avaient pas connue.

La médecine vétérinaire dans le monde a beaucoup évolué durant les dernières décennies. De nombreuses écoles et facultés vétérinaires ont vu le jour, dans des pays qui en étaient dépourvus, pour former des médecins vétérinaires dont l’action se mesure à l’aune du développement des productions animales en quantité et en qualité, de la protection du patrimoine et des ressources animales, de la sécurité alimentaire des populations et de leur protection contre les maladies transmissibles de l’animal à l’homme.  

Les sciences vétérinaires n’échappent pas à cette évolution, à ces bouleversements et à cette adaptation dont l’influence se fait sentir sur la profession vétérinaire ; une profession intimement liée aux modifications introduites dans les modes d'élevage, les techniques et les procédés de transformation des produits de l’élevage et dans les modes de consommation des produits alimentaires d’origine animale.  Bien que classée parmi les professions médicales, cette profession est également liée à l’agronomie, à l’économie et aux nouvelles technologies.

La question se pose de l’adaptation de la profession vétérinaire aux situations nouvelles crées par ces changements. Elle est en effet appelée à relever plusieurs défis car les attributions conférées par le diplôme de docteur vétérinaire sont continuellement remises en cause par d'autres catégories professionnelles. Cette situation préoccupante est accentuée par la faible représentativité de cette profession dans les hautes sphères de l'Administration et par son absence de la scène politique. Alors que dans la plupart des autres pays, la proximité du vétérinaire du monde rural et de la population en général, a permis à cette profession d'être toujours bien représentée et bien défendue dans les instances législatives, en Tunisie elle est politiquement absente et son sort est décidé par d’autres.

Cette situation est toutefois tempérée par l'importance que prend le commerce international et par la mondialisation de l'économie qui ont permis à la profession vétérinaire en Tunisie, de renforcer certaines de ses attributions et de ses responsabilités dans les domaines de la santé animale et de la santé publique. Cette nouvelle chance et cette nouvelle reconnaissance qui lui sont offertes, en grande partie grâce au travail accompli par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale, lui ont redonné un nouvel élan, pour la dégager de l'image limitative de " médecin des animaux " et la pousser vers l'excellence.

Mais alors, ou se situe le blocage ? est-ce une législation désuète, des structures inadaptées, un enseignement figé, le manque d’initiatives et l’absence de cohésion de ses membres, une base politique inexistante, un manque d’imagination, ou la difficulté de se projeter dans l’avenir ?

Certes, la profession de libre-praticien, est la plus connue par le grand public mais d’autres métiers vétérinaires, couvrent de nombreux autres champs d'activités qui, s’ils sont moins connus par la population et souvent même par les responsables, n’en sont pas moins importants. Ces champs d’activités permettent de différencier les praticiens entre vétérinaires de campagne ou "Ruraux", vétérinaires des villes ou "vétérinaires d’animaux de compagnie", "Vétérinaires officiels", « vétérinaires libre-praticiens », « Vétérinaires salariés du secteur privé » et bien d'autres catégories professionnelles vétérinaires assumant des fonctions très diversifiées, ce qui offre aux jeunes diplômés, un large éventail de possibilités d’insertion dans la vie professionnelle.

Dans le secteur public, les vétérinaires sont répartis sur plusieurs départements ministériels et les questions concernant la profession dans son ensemble, relèvent souvent d'une compétence interministérielle. C’est alors aux représentants de la profession et plus particulièrement à l’ordre des vétérinaires d’assurer une bonne coordination et de planifier avec les départements ministériels, les dispositions législatives et réglementaires, et l'engagement des moyens de l'État, susceptibles d'assurer la pérennité du service que les vétérinaires rendent à la collectivité.

Sur un autre plan, il existe une différence considérable entre la perception que l’on se fait des métiers vétérinaires et la réalité. Cette différence pourrait bien s’accentuer dans l’avenir, car la profession évolue sans cesse. Certains secteurs se saturent, d’autres sont en partie perdus, colonisés par d’autres professions à la recherche d’espace mais d’autres voies s’ouvrent. C’est notamment le cas du secteur des animaux de compagnie et des animaux de sport et de loisir, pour lesquels de nouvelles techniques médicales et chirurgicales sont utilisées, constituant autant de spécialités vétérinaires. Par ailleurs, en agroalimentaire, le rôle du vétérinaire devient de plus en plus pointu, ce qui lui permet de distancer ceux qui lui disputent ces activités. 

Pour redresser la situation, le support politique demeure indispensable or le rôle politique des médecins vétérinaires en Tunisie est encore modeste. Contrairement aux autres professions de santé, ils n’étaient pas suffisamment représentés au sein de l’Assemblée Nationale précédente et ne le sont pas plus au sein de l’actuelle Assemblée des Représentants du Peuple. Cette absence de représentativité, explique en grande partie le recul de la profession dans les secteurs de l’élevage, de la pharmacie vétérinaire et même de l’hygiène des denrées alimentaires d’origine animale qu’une loi votée le 13 février 2019, vient de transférer à l’Agence Nationale du contrôle Sanitaire et Environnemental des produits.

Face à l’intensification de l’élevage et aux exigences du marché, les Service Vétérinaires sont contraints de mettre en place des structures, des systèmes et des programmes de surveillance de contrôle et de suivi, de plus en plus sophistiqués et devront faire appel à l’assistance des libres praticiens. Cette assistance est actuellement sollicitée dans le cadre du Mandat Sanitaire mais la part des activités liées à ce mandat est encore trop faible et il devient nécessaire de développer la capacité opérationnelle de ce réseau, essentiel pour le pays.

La promotion de la profession vétérinaire passe obligatoirement et en priorité par la réforme de l’enseignement vétérinaire et des structures administratives qui encadrent les activités vétérinaires officielles, elle passe aussi par une plus grande implication des vétérinaires dans la recherche, les laboratoires d’analyse et de diagnostic et les réseaux par espèce animale ou par pathologie. Cette réforme s’applique aussi à la pratique des technologies nouvelles qui ont investi tous les aspects de la vie, y compris les activités vétérinaires qu’il s’agisse des activités cliniques ou de laboratoire ou tout simplement des activités de gestion et, pour ne pas être distancé, une formation continue est indispensable tant les changements sont rapides.

Dr. Khaled El Hicheri

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