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Le Partenariat Public Privé et les médecins vétérinaires


Le Partenariat Public Privé à l'aide des services vétérinaires

L’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE) organise, cette année des ateliers régionaux de formation sur les partenariats public/privé (PPP) à l’intention de représentants d'une sélection de pays africains.  Le premier atelier s’est tenu à Addis-Abeba (Éthiopie) fin août 2019 et le prochain atelier pour les pays de la région, aura lieu à Tunis, les 11 et 12 de ce mois. L’initiative d’organiser ces ateliers a été prise à la suite d’une enquête réalisée dans 181 pays membres de l’OIE et d’organismes privés. Cette enquête a permis d’identifier une centaine de PPP fructueux et de produire une typologie mondiale des PPP dans le domaine vétérinaire.
 
Rappelons à cette occasion ce qu’est le PPP : Le partenariat public-privé est un moyen par lequel l’Etat, pour alléger ses charges et accélérer le développement, appelle le secteur privé à participer à la réalisation de projets d’utilité publique que ni l’Etat ni le privé ne pourraient réaliser individuellement. Le PPP permet la participation, à des degrés variés, du secteur privé dans des projets ou services qui sont traditionnellement fournis par les autorités publiques. Dans ce sens, le PPP est compris comme un moteur de développement qui permet de booster l’investissement public et privé et de créer des emplois dans plusieurs secteurs dont, en ce qui nous concerne, le secteur vétérinaire et celui de la santé.
Le PPP, couvre toutes les formes d’association du secteur public et du secteur privé destinées à mettre en œuvre tout ou partie d’un service public. Le principe est celui du rôle complémentaire du secteur privé.  Dans le domaine de la santé par exemple, l’intervention du privé permet l’accès d’un plus grand nombre de patients aux services de santé. Cette complémentarité contribue à résoudre les problèmes dus à la pénurie de médecins spécialistes dans les zones prioritaires et permet d’élaborer des PPP avec des médecins privés.
La notion de PPP est ancienne et remonte à plus de 20 ans, où des projets de PPP ont été réalisés dans plusieurs pays. C’est toutefois le Royaume-Uni qui fait le plus grand usage des PPP dans le monde, notamment des PPP pour la prestation de services sociaux dans le secteur des soins de santé. En Europe, en Asie, aux Amériques, les PPP sont de plus en plus utilisés. En Tunisie, certaines expériences de partenariat ont déjà été réalisées tel le partenariat entre le Ministère de la Santé et la société civile, dans le cadre de la médecine scolaire, pour lutter contre les problèmes de caries dentaires et de vision en milieu scolaire. Le PPP a concerné aussi le secteur du transport avec la loi relative à l’organisation du transport terrestre qui a permis l’exploitation par des privés des lignes de bus depuis avril 2004.
La participation de toutes les composantes de la société, au développement national et à la gestion des services publics, est devenue une nécessité dès lors que l’Etat ne dispose plus de moyens suffisants face à une demande croissante de services de la part de la population. La question se pose de savoir, toutefois, si l’administration tunisienne est suffisamment bien outillée pour passer au PPP ? L’évaluation des coûts/bénéfices de cette alliance nous permettra de déterminer s’il est économiquement plus avantageux de recourir à un PPP plutôt qu’à un marché public.
Le PPP a-t-il sa place dans le développement harmonieux et équitable des deux secteurs public et privé en Tunisie ? alors que le secteur public est handicapé par le manque de cadres qualifiés, la lenteur des procédures administratives, les insuffisances au niveau de la qualité et de la sécurité des services dans les structures publiques, l’absence de mécanismes de contrôle, de suivi et d’évaluation et la lenteur de la réactivité devant toutes ces insuffisances.
La mise en œuvre de PPP nécessite la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel clair et efficace régissant la participation privée dans le secteur publique. Les textes de loi devraient déterminer clairement où commence l’intervention du privé et où elle doit s’arrêter. Dans le cas de la concession, dont le régime et régi par une loi promulguée en avril 2008, le concessionnaire privé se fait payer par les usagers. La loi tunisienne définit le contrat de partenariat comme un contrat écrit à durée déterminée par lequel une personne publique confie à un partenaire privé la mission de réaliser et de gérer un programme ou un projet pour assurer un service public. Le contrat de partenariat comporte le financement, la réalisation ou la transformation et la maintenance moyennant une rémunération versée par l’autorité publique au partenaire privé pendant la durée du contrat. Les contrats de partenariat sont censés autoriser une plus grande souplesse de gestion pour la personne publique
La tendance actuelle à la fuite des compétences du secteur public vers le secteur privé et pire encore vers l’étranger, va en s’amplifiant et risque de constituer un point critique à l’émergence de PPP. Le secteur privé, réputé innovant et réactif, séduit les meilleurs cadres et leur propose des salaires nettement plus élevés que le secteur public.
Dans le domaine vétérinaire le PPP se retrouve dans le « mandat sanitaire ». Le partenariat établi entre la direction générale des services vétérinaires (DGSV) et le conseil de l’ordre des médecins vétérinaires pour mener à bien les campagnes de prophylaxie médicale par les médecins vétérinaires conventionnés, a permis d’assurer la couverture vaccinale du cheptel contre plusieurs maladies animales. Ce partenariat reste toutefois limité aux campagnes de vaccination contre les maladies considérées par la DGSV comme prioritaires ou réglementées. Il pourrait être étendu à d’autres activités publiques vétérinaires telles que l’inspection des denrées alimentaires d’origine animale sur les lieux de production, de collecte et de transformation, l’identification des animaux, le système de veille sanitaire, la détection de cas, les opérations de police sanitaire le cas échéant et le diagnostic par les laboratoires vétérinaires privés. Ce type de PPP conjuguant les moyens de l’autorité compétente et ceux des vétérinaires libres praticiens ainsi que des structures vétérinaires privées, est indispensable à la sécurité sanitaire nationale.

L'approche partenariale demeure une stratégie prometteuse et recommandée pour réhabiliter le système de santé, y compris vétérinaire surtout quand l'État ne dispose pas des ressources pour réaliser une telle action. Plusieurs exemples existent dans le monde (Angleterre, France, Portugal, Québec) où l’administration publique partage avec le privé ou la société civile, la réalisation de certaines tâches.  En France, les hôpitaux privés peuvent participer au service public hospitalier. Is pratiquent plus de 50% des opérations chirurgicales et traitent 60% des cancers. Ce système a été classé par l’OMS comme le meilleur système de santé au monde.
Le PPP est même devenu un outil de la bonne gouvernance dans la plupart de ces pays car, sur le plan financier, la réussite du PPP passe impérativement par une meilleure gouvernance, résultant d’une simplification et d’un assouplissement des procédures dans la structure publique.
Le PPP présente plusieurs avantages : allègement des contraintes budgétaires pour l’Etat, création de nouvelles ressources par un partage des bénéfices entre l’opérateur privé et l’autorité publique, évaluation exacte des résultats et réduction des coûts, réalisation rapide des projets, modernisation de l’économie, création d’emplois durables, amélioration de la qualité des services par transfert de connaissances du secteur privé. Le PPP contribue en particulier à résoudre un des problèmes majeurs du service public qui est la gestion des emplois en gérant l’embauche et le licenciement de personnel avec une plus grande flexibilité
Tout dernièrement, le 30/08/2019 l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) a publié un manuel répertoriant les lignes directrices pour des PPP réussis dans le domaine vétérinaire. Un travail réalisé par l’OIE et le CIRAD avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates pour améliorer les services vétérinaires au travers de partenariats public-privé.
L’importance de la complémentarité entre le secteur public, le secteur privé et la société civile n’est guère à démontrer. Les projets de PPP vétérinaires permettraient de réaliser tout ou partie des programmes de lutte contre les maladies animales, d’hygiène publique vétérinaire et de formation continue et spécialisée des médecins vétérinaires, dans de meilleures condition de qualité, coûts et rapidité d’exécution.

Dr. Khaled El Hicheri

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