Accéder au contenu principal

Les aliments concentrés pour le cheptel : le choix entre l’importation ou la production nationale.

 

Les aliments concentrés pour le cheptel : le choix entre l’importation ou la production nationale.

En ce qui me concerne, le choix est vite fait ; ce choix n’est évidemment pas celui des lobbys des importateurs ni de certains décideurs et d’une certaine partie des éleveurs mais certainement pas de la grande majorité d’entre eux. Il est en effet tellement plus confortable d’aller se servir dans les silos de nos installations portuaires que de subir les risques que court une production nationale livrée aux aléas climatiques et à l’intervention de l’Etat au niveau des prix, sous le fallacieux prétexte de les réguler.

Le recours aux aliments concentrés d’importation, dès les années 60, a été justifié par une production fourragère nationale, faible et peu diversifiée et par une succession d’années sèches pendant lesquelles le principal souci était de sauvegarder le capital cheptel. En raison de l’insuffisance des matières premières locales, et en l’absence d’une stratégie de constitution de réserves pour des interventions d’urgence, lors des premières années de l’indépendance, des importations de maïs, de   tourteau de soja et d’orge s’étaient avérées nécessaires.

Ces importations ont également été favorisée par le démarrage du projet de « développement des élevage ovin et avicole » financé par l’USAID et bénéficiant de l’aide du Programme Alimentaire Mondial (PAM). Ce projet eut des effets bénéfiques et permit le développement rapide de l’aviculture familiale puis industrielle, grosse consommatrice d’aliments composés à base de mélanges de mais, tourteaux de soja et de composés minéraux vitaminisés.

Ces importations eurent également des effets pernicieux : les aliments concentrés d’origine USA étaient fourni à la Tunisie à des prix très réduits, transformés en aliments composés sous diverses formules, selon la spéculation chair ou œufs, et étaient vendus aux éleveurs à des prix subventionnés. Par la suite, en 2007, une augmentation brutale et conséquente a surpris les éleveurs et l’Etat qui, ne pouvant plus supporter la charge excessive de la subvention l’a réduite. La stratégie commerciale des grandes coopératives céréalières et d’oléagineux des USA avait réussi à écouler ses excédents et récupéré un client devenu accro au maïs-soja pour plusieurs décennies. Il est plus que temps de mettre en place une stratégie de culture de concentrés et céréales fourragères nationales.

Les quantités des matières premières importées varient en fonction de plusieurs facteurs dont le facteur climatique qui conditionne les quantités nécessaires pour corriger le déficit fourrager. Ces importations concernent essentiellement l’orge, le maïs et le tourteau de soja. Les quantités d’aliments annuellement importées sont de l’ordre de : 700 mille tonnes de maïs et d’orge 300 mille tonnes de tourteaux de soja, 70 mille tonnes de son de blé et 50 mille tonnes de bouchon de luzerne ; elles, sont en croissance constante, mais en 2007 une hausse inopinée des prix de ces matières premières a fait que le prix de l’orge a subi en 24 heures une augmentation de 68 %, suivie en 2008, d’une augmentation supplémentaire de 18,7% ; Le prix du   maïs a augmenté de 29,5% et le prix du tourteau de soja, a subi une hausse de 48%. L’augmentation de la valeur des importations de ces matières premières, entre 2006 et 2007, a été de 70% et le prix de vente des aliments composés a subi une augmentation de 40 DT/tonne.

En réaction à cette nouvelle situation, des actions de développement et de recherche dans le secteur des petits ruminants, pour la production de viande, ont eu pour objectif l’amélioration du bilan fourrager afin de réduire les charges de la ration alimentaire qui constituent plus des deux tiers du coût de production de la viande. Ces actions ont porté essentiellement sur : la possibilité d’introduire des cultures fourragères locales sous forme de fourrages ou de concentré, l’entretien et l’aménagement des parcours, et la valorisation des pailles de céréales et des sous-produits agro-alimentaires. Plusieurs travaux ont été réalisés dans ce cadre, visant la recherche de solutions innovantes faisant face au problème des disponibilités alimentaires réservées aux ruminants et plus particulièrement aux petits ruminants et aux camélidés.

Dans cette optique, la féverole et l’orge constituent deux ressources alimentaires locales, dont la culture et l’utilisation dans la ration alimentaire des ruminants permettrait de réduire notre dépendance vis-à-vis des concentrés protéiques et énergétiques d’importation. Une grande partie des aliments concentrés d’importation correspond à des achats d’unités protéiques et énergétiques (tourteaux de soja et maïs) alors que l’orge et la féverole, produites localement et dont la valeur protéique est élevée (30% de Matière Azotée Totale), peut constituer une source protéique et énergétique alternative intéressante, en remplacement du soja et du maïs importés. Leur utilisation est en mesure de contribuer à l’autonomie protéique et énergétique et à une meilleure rentabilité des élevages de ruminants.

A titre d’exemple, les performances comparées de deux lots de Brebis de race Sicilo-Sarde ayant reçu une ration de base commune sous forme de foin d’avoine, à raison de 2 kg par brebis et par jour et une complémentation de 500 grammes de concentré par brebis et par jour. Deux concentrés ont été utilisés, le premier est standard et est composé essentiellement de maïs et soja pour le lot témoin et le second composé d’orge et de fèverole pour le lot expérimental. Les résultats de cette expérimentation a démontré que les critères de croissance et de gains moyens quotidiens sont étroitement liés à la production laitière des brebis qui est elle-même la résultante des effets génétique et alimentaire. Les poids moyens à la naissance des agneaux du lot expérimental ont montré une supériorité significative sur le lot témoin.

La bibliographie abonde en travaux de recherches, communications et rapports, publiés dans des revues et annuaires nationaux et internationaux dont je cite quelques titres : les enquête sur les structures des exploitations agricoles, la fragilité de la filière lait en Tunisie, la filière importatrice de matières premières, le traitement des pailles à l’ammoniac et à l’urée et leurs effets sur le plan de sa digestibilité et des performances des ovins, la valorisation des pailles de céréales en alimentation des ovins par le traitement des pailles aux alcalis (ammoniac/urée), la place et le rôle des arbustes fourragers dans les parcours des zones arides et semi-arides de la Tunisie, l’utilisation de la pulpe d'olive comme aliment de sauvegarde, la valorisation de la pulpe d'olive dans l'alimentation des ruminants, la complémentation de la ration par des blocs mélasse-urée, les effets du traitement et du hachage de la paille sur les performances de croissance des agneaux, la stratégie pour le développement des parcours en zones arides et semi-arides, les disponibilités alimentaires et les innovations pour la valorisation des ressources fourragères locales en élevage ovin extensif en Tunisie, les effets du remplacement du soja par la féverole chez les béliers de race Sicilo – Sarde, le diagnostic et l’analyse de l’élevage ovin chez les petits éleveurs, ou l’évolution des prix des céréales en Tunisie.

Comme on peut le constater, nos chercheurs de l’INRAT et d’autres institutions d’enseignement et de recherche  ont abordé les problèmes posés par le déficit alimentaire fourrager, sous différents points de vues, et ont offert aux décideurs politiques une base scientifique suffisamment étayée pour les aider à prendre les mesures les plus judicieuses et les moins coûteuses, permettant d’atteindre notre sécurité alimentaire en matière de productions animales et surtout notre liberté d’action et notre autonomie de décision.

Dr. Khaled El Hicheri

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Histoire du caducée vétérinaire

L’histoire du caducée, emblème des corps de santé, remonte loin dans le temps. Il n’est pas une profession de santé, qui n’arbore un caducée spécifique où se retrouvent : le bâton, le serpent et les ailes. Le caducée vétérinaire n’échappe pas à la règle. Des caducées spécifiques à chaque profession ont, au cours des temps, été arborés sur les enseignes, les panneaux indicateurs, les véhicules des professionnels de santé, les ordonnances, les papiers à en-tête, les enveloppes, les porte-clés et bien d’autres objets liés aux activités professionnelles. Il convient, toutefois de signaler que le caducée est souvent confondu, à tort, avec l ' emblème  du  corps médical , le  bâton d'Asclépios ou bâton d'Esculape , avec la  coupe d'Hygie  des  pharmaciens   ou d'autres symboles médicaux ou paramédicaux dérivés de ces derniers. L’origine du caducée se trouverait dans la mythologie grecque ou romaine, faite de légendes et de fables qui expliqueraient l’origine du c

L’élevage caprin en Tunisie

L’élevage caprin en Tunisie L’espèce caprine est présente partout dans le pays. Son élevage est pratiqué depuis des siècles, suivant des systèmes liés aux conditions du milieu. La chèvre a toujours joué un rôle essentiel dans les régions marginales tunisiennes ; son élevage est de type extensif et son alimentation est basée sur l'utilisation quasi exclusive des ressources fourragères des parcours. Sa productivité est faible et ses productions contribuent essentiellement à la consommation familiale et comme source de trésorerie mobilisable. Les races locales prédominantes sont de type mixte, d'aptitude laitière généralement médiocres. Son lait est utilisé pour la consommation familiale et les chevreaux qui ne sont pas sacrifiés lors des fêtes et des évènements familiaux, sont vendus sur les marchés hebdomadaires à un âge assez tardif. Les performances zootechniques des caprins tunisiens sont faibles, ils sont par contre parfaitement aptes à valoriser les fourrages ligneux de

L’élevage ovin en Tunisie : une richesse à préserver

L’élevage ovin en Tunisie : une richesse à préserver L’élevage des ovins est une pratique traditionnelle qui remonte aux temps immémoriaux. Cet élevage demeure de nos jours, la principale source de revenu de la population rurale du Centre et du Sud du pays. Il joue un rôle socio-économique important, et confère plus d’importance au secteur de l’élevage dans l’économie agricole (35 à 40% du PIB agricole) et dans l’économie nationale (et 4 à 5% du PIB national). Il contribue en outre à l’emploi, de manière significative : le nombre d’éleveurs de petits ruminants (ovins et caprins) est estimé à 300.000. Les effectifs de l’élevage ovin en Tunisie se situent à près de quatre millions d’unités femelles ; cet élevage participe pour près de 50 % à la production des viandes rouges. Avant les années 60, les effectifs dépendaient des conditions climatiques et les pertes durant les années de sécheresse, pouvaient atteindre près de 30 % des effectifs. Grâce aux campagnes de sauvegarde et au rec