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Les établissements d’élevage de Sidi Thabet et d’Ebba Ksour *

Les établissements d’élevage de Sidi Thabet et d’Ebba Ksour *

 

Deux établissements d’élevage sont venus compléter l’action du service vétérinaire et de l’élevage et celle des laboratoires de l’Institut, en matière de protection du cheptel contre les maladies qui le menaçaient régulièrement ; Il fallait à ces Services, un terrain d’expérimentation et d’essai. C’est ainsi que, en 1913, le Dr. Ducloux, directeur de l'élevage, projetait l’organisation d'un établissement d'élevage à Sidi Thabet qui fut suivi par la création d’un établissement similaire de moindre importance, dans le Nord-Ouest du Pays. Ces établissements, appelés à jouer un rôle important dans le développement de l'élevage tunisien, venaient ainsi compléter les structures mises en place pour assurer la promotion de l'élevage et la protection sanitaire du cheptel en Tunisie

 

L’établissement d’élevage de Sidi Thabet, créé par le décret  du 9 septembre 1913, est la continuation de l'ancien Haras de Sidi-Thabet mis en place par le Comte de Sancy et la Société Franco-africaine qui avait administré les Haras de Sidi-Thabet pendant 33 ans, de 1880 à 1913, jusqu'à la création de l'établissement d'élevage de Sidi-Thabet. C’est en effet l'été 1913 que le Pr. Dechambre était appelé en Tunisie par Mr. Lescure, Directeur Général de l'Agriculture et par le Dr. Ducloux, pour établir l'organisation de l'établissement de Sidi-Thabet qui, grâce aux nombreux animaux de différentes espèces et races qu'il abritait et à son exploitation agricole de 1.200 hectares, représentait un remarquable terrain d’essai, un véritable laboratoire de zoologie appliquée et le prolongement naturel de l'Institut Arloing en matière de recherche et d'expérimentation.

 

Quinze années plus tard, la nécessité s’est faite sentir de créer un deuxième établissement pour desservir l’ouest du pays. L'Établissement d'Élevage d'Ebba-Ksour, situé sur les hauts plateaux à proximité de la frontière algérienne, à 200 km de Tunis, fut alors créé en 1928 par le  Décret du 31 janvier 1928.

 

L’établissement d’Élevage de Sidi Thabet contribua à l'étude de quelques uns des grands problèmes de la biologie et de la zootechnie appliquée, dans un objectif d'amélioration du cheptel tunisien et de sa productivité. Il constituera notamment une pépinière, riche et variée, de géniteurs d'élite des différentes espèces animales domestiques et un terrain d'essai des méthodes d'amélioration zootechniques les plus adaptées au cheptel et au milieu tunisien. Véritable champs d’essais et d’expérimentation, c’était également une structure de vulgarisation à laquelle les éleveurs avaient librement accès pour se rendre compte des progrès de la zootechnie et de l’amélioration des races animales, de leur entretien, de leur production, de leur exploitation et des possibilités de croisement les plus adaptées aux conditions climatiques et environnementale du pays.

 

Cet établissement a abrité un haras modèle dont la réputation dépassait les frontières de la Tunisie et qui s’était spécialisé dans deux races du pays, le Pur Sang Arabe et le cheval Barbe et une race Française, le cheval Breton. Aux côtés de ce haras se trouvait également une importante asinerie comprenant des dizaines de femelles et de baudets-étalons destinés à fournir aux éleveurs de bons reproducteurs pour répondre aux besoins de l’industrie mulassière alors très prospère dans le pays.

 

Une bergerie expérimentale permettait d’effectuer des essais d’adaptation de races importée et de tester des croisements pour leur aptitude bouchère, la qualité de leur laine ou leur capacité laitière. Les travaux sur les races ovines permirent d’orienter la production ovine vers la production industrielle d’agneaux de boucherie bien conformés, destinés au marché français vers lequel ils étaient expédiés, à l’état de carcasses réfrigérées. 

 

Par contre, les techniques de croisements pour l’amélioration génétique de l’aptitude laitière des bovins tunisiens n’ont pas donné les résultats souhaités car cette amélioration est surtout liée à une alimentation nutritionnellement équilibrée en quantité et en qualité. Ces conditions n’étaient pas réunies à l’époque et ne sont toujours pas réunies de nos jours.


L’amélioration de la production de viande était attendue des résultats du croisement d’absorption des bovins locaux par deux races à aptitudes mixtes, la race Tarentaise et la race Brune des Alpes ; elle devait se faire par l’utilisation de taureaux de ces races, prêtés aux éleveurs. Afin de limiter les importations, des troupeaux pépinières des races Tarentaise

et Brune des Alpes et Montbéliarde ont été créés dans l’établissement d’élevage de Sidi Thabet alors que l’établissement d’Ebba Ksour abritait un troupeau pépinière de Zébu Sahival.

 

C’est dans l’établissement d’élevage de Sidi Thabet que furent testés les premiers bovins de la race Brune de Alpes et de la race Tarentaise qui prirent un grand essor dans le pays comme bovins à double fin, ou encore les bovins zébus indo-pakistanais des races Nellore pour la viande et Red Sindhi pour la production laitière qui ont donné d’excellents résultats dans leurs croisements avec les bovins des races locales. Les produits de ces croisements, alliaient une rusticité extraordinaire et une grande résistance aux maladies et plus particulièrement aux piroplasmoses, à une grande capacité à transformer les aliments et à un excellent rendement en viande. Les taureaux de ces races zébus, produits à Sidi Thabet, étaient très appréciés et étaient demandés par les agriculteurs des autres pays de l’Afrique du nord et de l’Afrique subsaharienne. Je me souviens qu’au début des années soixante,  un troupeau de ces zébus avait été vendu au Sénégal pour améliorer les races locales de zébus africains. Il m’a été donné, lors d’une mission effectuée en 1965 en Mauritanie de faire le détour par Thiès au Sénégal pour constater la bonne adaptation de ces zébus indo-pakistanais aux conditions de l’Afrique subsaharienne.                                                                 

Dr. Khaled El Hicheri

* Extrait du livre du Dr. El Hicheri "la médecine vétérinaire en Tunisie": passé, présent et avenir.


 


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