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L’âge d’or de la médecine vétérinaire arabe

 L’âge d’or de la médecine vétérinaire arabe

La Journée Mondiale Vétérinaire « WVD » est célébrée chaque année le dernier samedi du mois d’avril. A cette occasion, dans la plupart des pays, la profession vétérinaire organise des manifestations professionnelles, scientifiques ou techniques pour sensibiliser le public et consolider les liens de confraternité entre ses membres.

Cette année, pour cause de pandémie de Covid-19, aucun évènement vétérinaire collectif n’a été programmé, afin de limiter la propagation du coronavirus responsable. Aussi et pour marquer cette tradition annuelle, importante pour les médecins vétérinaires tunisiens, Medical Veterinary International (MVI) a décidé de reprendre et de diffuser un des chapitres du livre du Dr. Khaled El Hicheri sur « la médecine vétérinaire en Tunisie : passé, présent et avenir » qui retrace l’épopée de la médecine vétérinaire dans les pays arabo-musulmans, en espérant que des chercheurs vétérinaires et historiens s’intéressent aux milliers de manuscrits qui croupissent dans les bibliothèques des pays occidentaux notamment, pour en extraire plus d’informations concernant l’âge de la médecine vétérinaire arabe.

Le Comité Exécutif de MVI

 

« Du point de vue scientifique, c’est sous les dynasties Omeyade et Abbasside que la civilisation arabo-musulmane a brillé de tout son éclat et que l’on a vu apparaitre une multitude d’écrits. Les Arabes étaient, à cette époque, avec les Byzantins, les seuls représentants de la civilisation. Ils favorisèrent l’essor de la civilisation et des sciences et apportèrent à l’Occident cette lumière qui y brille encore de nos jours. Les bibliothèques d’Alexandrie, de Bagdad, du Caire, de Samarkand, de Cordoue, de Kairouan, jouissaient alors d’une renommée universelle. Ils ne furent certainement pas ces barbares que certains historiens occidentaux, soucieux de mettre en valeur leurs racines gréco-latines, se sont plu à décrire, pour leur dénier leur immense apport à la civilisation universelle.

 

Cette période de la civilisation arabo-musulmane fut très prolifique en ouvrages scientifiques de toutes sortes et plus particulièrement en ouvrages de médecine, y compris la médecine vétérinaire. Plusieurs vétérinaires arabes ont laissé de nombreux écrits, la plupart du temps sous forme de traités dont une grande partie concerne l’élevage et les soins à apporter aux chevaux.  Nous citerons quelques-uns de ces vétérinaires parmi ceux que le Dr. L. Moule évoque dans son ouvrage sur l’histoire de la médecine vétérinaire.

 

Mohamed El Khatli appelé encore Khottali ou Abou Hizam (7ème S) a laissé plusieurs manuscrits qui traitent de l’élevage et de la description du cheval, de ses maladies (80 maladies y sont décrites) de ses vices ; ainsi qu’un traité des médicaments utilisés en médecine vétérinaire.

Ar-Razi (9ème S) disséquait des animaux pour en connaître l'anatomie et la physiologie ainsi que les lésions et les modifications anatomiques occasionnées par un processus pathologique.

Ibn Essikit (9ème S) est l’auteur d’un traité sur la physiologie du cheval.

El Asmai (739 – 830) intime du calife Haroun Errachid, est l’auteur de plusieurs travaux sur le cheval dont « Kitab El Farès » (Le livre du cavalier) et « Kitab el Kheil » (Le livre des chevaux).

Abou Oubaidah, contemporain de El Asmai, a également écrit plusieurs livres se rapportant au cheval, dont « Le livre des qualités des chevaux » et « Le livre des chevaux ».

Abou Jaafar Mohamed Ibn Habib Bardali (9ème S), auteur d’un livre sur « L’art vétérinaire » dont Ibn El Awam cite des extraits.

Abou Hatem Sahl Ben Mohamed Sajestani (9ème S), auteur de « Kitab El Farès », véritable traité sur la médecine vétérinaire.

Abou Youssef Yakoub Ben Ishak El Kendy (9ème S) auteur d’un « Traité des chevaux et de la médecine vétérinaire ».

Issa Ibn El Asdy (11ème S) qui a écrit un traité des oiseaux chasseurs et un traité de l’alimentation, de l’hygiène et de la médecine des animaux ou le chien tient une large place.

Ibn Saïda (11ème S) nous révèle la médecine vétérinaire dans l'Andalousie musulmane. Il décrit minutieusement dans deux de ces ouvrages, « Al Aïn » et « Al Milbassa », treize maladies des équidés, neuf maladies des camélidés et huit maladies des ovins.

Abou Zakaria Ibn El Awam (12ème S), né à Séville, en Andalousie, a écrit un traité d’agriculture « Kitab El Filaha » ( le livre de l’agriculture) véritable traité d’économie rurale, traitant principalement de l’élevage : choix des reproducteurs, alimentation, hygiène, engraissement, dressage des animaux domestiques (bovins, petits ruminants, équidés, camélidés, volailles, abeilles) et des soins à leur donner en cas de maladie. Les quatre derniers chapitres de cet ouvrage sont consacrés à la médecine vétérinaire (El Baitarah) dans ses divers aspects : étude de l'extérieur, alimentation, zootechnie, pathologie et thérapeutique, où plus de cent maladies animales sont décrites. Cet ouvrage est l’un des plus connus à ce jour et le plus important par son niveau de diagnostic et de traitement médical et chirurgical des maladies ; saignées, cautérisations, sutures, ponctions, y sont décrites. La morve, la Dourine et le Charbon y sont décrits en tant que maladies contagieuses.

Abu Bar Ibn Bar, (13ème S), dans son Traité des deux arts, traitait de l'art d'élever les chevaux « Al Zartaqua » et de l'art de soigner leurs maladies « Al Baytarah ».

Ibn El Khatib (14ème S) né à Grenade, en Andalousie, très versé dans de nombreuses sciences, a écrit un traité sur « la médecine vétérinaire et l’excellence des chevaux ».

Abou Bakr, vétérinaire et écuyer du sultan Mohamed Ennasser, a écrit « El Naceri », un traité sur la médecine vétérinaire auquel de nombreux auteurs se sont référés. Dans cet ouvrage, il fait le parallèle entre la médecine de l’homme et celle des animaux et évoque les médications communes à l’homme et à l’animal. Il souligne également ce que doit être le comportement du vétérinaire et pose les règles de la déontologie vétérinaire.

 

Par ailleurs, 275 ouvrages nous ont été légués par Ibn Sina (Avicenne), dont 43 traités de médecine où la médecine vétérinaire avait toujours sa place. Les travaux d'El Jahidh et d'Et Tabari sont également riches d'enseignements.

 

Les derniers savants arabes, en médecine vétérinaire, de cette époque sont Ibn Meïmoun au Caire, Ibn Al Baytar à Damas et Essakly et Daoud Al Andulsi à Tunis. Ce dernier dans un précis de pathologie médicale, a défini la médecine vétérinaire comme étant une science ayant pour but de lutter contre tout ce qui pouvait perturber l'organisme de l'animal et a insisté sur l'importance de la prévention.

 

De très nombreux autres manuscrits dont on ignore le nom des auteurs, sont dispersés dans les bibliothèques et traitent de la médecine vétérinaire arabe et des maladies animales ».

 

Dr. K. El Hicheri

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