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Le droit des vétérinaires à l’exercice de la pharmacie vétérinaire


Le droit des vétérinaires à l’exercice de la pharmacie vétérinaire

En ces jours de crise économique, pour les pharmaciens comme pour les vétérinaires, les médicaments ne sont plus disponibles en quantités nécessaires et beaucoup de médicaments indispensables aux animaux comme cela est le cas pour les personnes atteintes de maladies graves, sont en rupture de stock à la Pharmacie Centrale. Cette situation n’est pas nouvelle pour les médecins vétérinaires et soulève encore une fois le problème de la pharmacie vétérinaire qui constitue une des questions les plus sensibles auxquelles sont confrontés les vétérinaires et qui envenime les relations entre deux professions de santé, la médecine vétérinaire et la pharmacie, en principe complémentaires. Les premiers considèrent que le médecin vétérinaire, de par sa formation, est un spécialiste de la médecine, de la chirurgie des animaux et de la pharmacie vétérinaire et que le diplôme de docteur vétérinaire est un diplôme protégé qui permet l’exercice de ces activités. Or cette dernière activité lui est contestée par les pharmaciens qui considèrent que tout ce qui touche au médicament quelle que soit sa destination et l’activité dont il fait l’objet, de la production à la commercialisation, est de leur ressort exclusif et que l’on ne peut être à la fois prescripteur et dispensateur.

Qu’en est-il sur le plan législatif ? Avant l’indépendance du pays, la législation française en matière de pharmacie vétérinaire s’appliquait en Tunisie. Elle permettait aux vétérinaires de s’approvisionner directement auprès des importateurs ou d’importer les médicaments dont ils avaient besoin. Ils étaient en droit de détenir, utiliser et vendre ces médicaments. Ils étaient donc, de droit et de fait, des pharmaciens vétérinaires et nul pharmacien de la place ne leur disputait ce droit. Depuis l’indépendance du pays, le corps des pharmaciens a pu introduire dans textes législatifs, des clauses restrictives à l’exercice de la pharmacie vétérinaire. Jusqu’en 1979, les vétérinaires bénéficiaient d’autorisations de pratiquer la pro-pharmacie, cosignées par les ministres de l’Agriculture et de la Santé Publique. Mais de 1979 à avril 1988, le ministère de la Santé Publique, sous la pression du corps des pharmaciens, avait cessé unilatéralement de cosigner ces autorisations. Le 15 avril 1988, lors d’un des Conseils des Ministres, le Président de la République, avait annoncé une série de mesures d’encouragement à la production animale et en faveur de l’installation de médecins vétérinaires en libre pratique. Parmi ces mesures, figurait le droit à la pro-pharmacie. 15 autorisations en souffrance durant 10 ans furent alors immédiatement signées par la ministre de la Santé Publique ; puis, la porte entrouverte se referma aussitôt et 27 autorisations furent bloquées au ministère de la Santé Publique. La situation devenait aberrante ; presque tous les vétérinaires recrutés avant 1979 étaient autorisés à pratiquer la pro-pharmacie mais n’en faisaient pas usage du fait de leurs activités administratives qui leur interdisaient la libre pratique, alors que les libres praticiens qui s’installaient après 1979 et qui devaient bénéficier en priorité de ces mesures, se voyaient refuser cette autorisation.

Et pourtant, la loi organisant les professions pharmaceutiques, en son article 33 (nouveau) lève toute équivoque quant à l’habilitation des vétérinaires, à exercer la pharmacie vétérinaire et les conditions d’approvisionnement n'évoquent nullement le prix d’achat ; seul le prix de vente est fixé, ce qui impliquait des conditions identiques à celles consenties aux pharmaciens. Il ne pouvait donc y avoir de restriction en ce qui concerne l’habilitation, les conditions d’approvisionnement et la rétrocession des produits pharmaceutiques et biologiques à usage vétérinaire, devant être effectuées à leur prix de revient public fixé. Ces dispositions n’ont jamais été appliquées et la Tunisie reste à ce jour, l'un des rares pays au monde ou la pharmacie vétérinaire est contestée aux vétérinaires qui sont les plus habilités à la pratiquer.

La pharmacie vétérinaire est un domaine d’activité qui, bien que reconnu en droit aux vétérinaires, est constamment remis en cause par les pharmaciens dont l'objectif est d'écarter définitivement la profession vétérinaire du secteur des médicaments et de la pharmacie vétérinaire même si les éleveurs et les consommateurs doivent en pâtir.
                                                                                                            
                                                                                                         Khaled El Hicheri

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