Nous
sommes à la veille de l’Aïd El Idha et des dizaines de milliers de moutons
et autres ruminants vont être sacrifiés. Ces abattages rituels, pratiqués le
plus souvent à domicile, ne sont pas sans danger. Ils échappent, en effet, au
contrôle sanitaire et aux saisies de toute viande ou viscère suspects, opérées
par les vétérinaires. Les campagnes de préventions et de sensibilisation, et
notamment la campagne « Aïd sans kyste », vont certes réduire quelque
peu l’incidence de ces dangers sur la santé publique ; mais est-ce
suffisant ?
L’Echinococcose-hydatidose est une maladie
parasitaire transmise principalement par le chien, principale source
d’infestation des ruminants et de l’homme. Le tænia
Echinococcus granulosus est un cestode qui se présente sous trois formes :
l’adulte qui vit fixé entre les villosités de l’intestin grêle de l’hôte
définitif, l’œuf qui contient un embryon et la larve ou kyste hydatique. Elle fait encore partie
des maladies dites « négligées » dans plusieurs pays du monde y compris la Tunisie. La prévalence de la maladie parmi les animaux et
plus particulièrement chez le chien, est élevée. Le contact étroit entre
l’homme et l’animal, l’abattage clandestin ainsi que le manque de
sensibilisation du grand public, expliquent sa fréquence élevée. Le cycle parasitaire comprend deux
hôtes : un hôte définitif (le chien) et un hôte intermédiaire (le mouton).
L’homme s’insère accidentellement dans le cycle du parasite ; il constitue
une impasse parasitaire.
L'herbivore
s’infeste en broutant des herbes contaminées par des selles de canidés
infestés. Les embryons sont libérés dans son intestin se transforment en larves hydatides qui migrent vers son foie ou ses poumons où ils forment
des kystes hydatiques. Les canidés
(chien ou autre) s’infestent en mangeant les abats d'animaux infestés. Le cycle est fermé lorsque le chien dévore les viscères (foie,
poumons) des moutons parasités.
L’homme s’infeste en
ingérant les œufs par voie directe (chien : léchage, caresses), plus rarement
par voie indirecte (eau, fruits, légumes souillés par les œufs du parasite). La maladie se manifeste également par la
formation d'un kyste hydatique à
vésicules multiples. Arrivé dans les
intestins, les larves hydatiques se disséminent dans le corps, et se localisent
dans le foie (60-70%), les poumons (20-30%) et les reins (4 à 5%). Les kystes
peuvent toutefois se localiser n’importe où dans l’organisme. L’infestation
peut avoir lieu au cours de l’enfance et ne s’exprimer qu’à l’âge adulte L’hydatidose est une maladie rurale.
Une
étude effectuée en 2013 par le Pr. Lahmar Samia. et al.(Ecole vétérinaire de
Sidi Thabet) et ayant intéressé un total de 10.818 ruminants domestiques,
abattus dans différents abattoirs en Tunisie, avait révélé la présence de kyste hydatiques chez 16,42%
des ovins, 8,56% des bovins, 5,94% des camélidés et 2,88% des caprins. Par
ailleurs, au dépistage échographique systématique, 40% des ovins dans le Nord
étaient infestés par ce parasite.
Le kyste
hydatique est une maladie à déclaration obligatoire en Tunisie mais cette
obligation n’est pas respectée et l’on se heurte à un phénomène important de
sous-déclaration, concernant 2 cas sur 3. L’hydatidose demeure donc un problème
de santé publique largement sous-estimé et la prévention de la maladie chez
l’homme repose uniquement sur l’éducation sanitaire de la population ce qui
n’est pas suffisant pour venir à bout de ce fléau.
Le diagnostic positif du kyste hydatique
repose principalement sur l’échographie qui permet de localiser le kyste. L’incidence chirurgicale annuelle pour kyste
hydatique, est élevée (12.6 cas/100.000 habitants/an, soit environ1260
interventions en moyenne par an) Le traitement chirurgical consiste à extirper
le kyste mère en évitant la dissémination des vésicules filles qu'il contient.
Pour cette raison, il ne faut jamais ponctionner un kyste hydatique. La
gravité de cette affection réside principalement dans ses complications aiguës
(rupture, surinfection, choc anaphylactique…) avec un risque de mort subite.
L’éradication de l’Echinococcose-hydatidose est envisageable. Un contrôle
raisonnable de la maladie animale et une diminution significative des cas
humains, sont possibles. Malheureusement et malgré sa gravité, la maladie n’a
fait jusqu’ici l’objet d’aucun programme de lutte ni au niveau du ministère de
l’Agriculture ni à celui du ministère de la Santé Publique. Pourtant, avec les
chiens comme hôtes définitifs et les ovins comme hôtes intermédiaires, elle
constitue une cible idéale pour un programme national de lutte et
d’éradication, basé sur des mesures de prévention telles que l’amélioration des programmes
d’éducation sanitaire et d’hygiène environnementale, la limitation de la
population des chiens errants, l’inspection des viandes dans et hors des abattoirs,
la destruction des animaux morts, des saisies d’abattoir et des ordures
ménagères, la mise en place de laboratoires de diagnostic et de recherche, la
mise en place d’un système de surveillance épidémiologique de la maladie qui
peut être menée de manière relativement peu coûteuse, la formation du personnel
qui sera chargé de mener à bien le programme de lutte et le développement de la
coopération intersectorielle, interrégionale et internationale.
Pour
ce qui est du traitement des populations canines ; Il existe des
médicaments efficaces pour traiter les infections au stade adulte chez les
chiens ainsi que des traitements peu onéreux pour les cas humains. Un vaccin
efficace pour l'homme et l'animal a été développé pour la prévention des
infections au stade larvaire chez les hôtes intermédiaires. La principale
action sanitaire de prévention qui permet de réduire, voire éradiquer la
maladie, comme c’était le cas dans de nombreux pays, reste le traitement de
masse de la population canine avec un médicament
antiparasitaire efficace et la
neutralisation
des chiens errants dans les villes. Cette action peut être consolidée par une
amélioration des conditions de
vie du
chien et une gestion adéquate des ordures
ménagères
et déchets d’abattoirs, sources de
nourriture pour les chiens errants ou
semi-errants.
L’Echinococcose-hydatidose constitue un sérieux problème économique. Sur le plan socio-économique, elle est
à l’origine d’importantes pertes directes et indirectes, animales et humaines
dont le coût est estimé à plusieurs millions de dinars. La maladie demeure
toujours fréquente aussi bien chez l’homme que chez l’animal et représente un
coût élevé tant en termes de dépenses de soins de santé, qu’en morbidité et en
mortalité.
La maladie sévit en Tunisie à l’état endémique et
constitue un véritable problème de santé publique.
La seule arme contre la maladie reste la prévention or, le réservoir canin
du parasite ne fait l’objet d’aucune mesure destinée à réduire son portage
parasitaire alors que seule une action de traitement médical de masse des chiens,
est capable de réduire son incidence sur les populations animales et humaines.
Dr. Khaled El Hicheri
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