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La nécessaire collaboration entre médecins et médecins vétérinaires*


La nécessaire collaboration entre médecins et médecins vétérinaires*

L’Aîd El Idha approche et avec lui l’abattage rituel de centaines de milliers de moutons, pour la plus grande part en milieu familial, sans grand respect des règles d’hygiène ni contrôle vétérinaire, malgré les messages transmis par la profession pour un « aïd sans kyste », opération déclenchée par feu le Professeur Zouheir Kallel avec l’aide de la profession vétérinaire. La collaboration des deux médecines humaine et vétérinaire n’est malheureusement pas allée plus loin alors que la médecine étant une, si l’exercice de la médecine humaine et celui de la médecine vétérinaire sont distincts, les liens existants entre les deux sont très étroits. Ces liens existent notamment dans le domaine de la médecine comparée et certains progrès scientifiques n’ont pu être accomplis en médecine humaine que par comparaison avec l’animal et par son utilisation expérimentale. Ces animaux de laboratoires, si nécessaires pour la recherche médicale et vétérinaire, ont d’ailleurs permis la naissance d’une véritable science des animaux de laboratoires ou le rôle du vétérinaire révèle toute son importance.

Le domaine de la comparaison s’étend à la biologie et à la recherche biomédicale fondamentale. Les exemples sont multiples à commencer par la mise au point du BCG puis de nombreux autres vaccins. C’est dans cette perspective que toutes les informations recueillies dans le secteur médical vétérinaire peuvent aider à faire progresser la santé de l’homme car la médecine vétérinaire qui s’adresse à plusieurs espèces animales a toujours procédé par comparaison entre les espèces. Le vétérinaire qui s’adonne au quotidien à cette gymnastique comparative connaît bien les limites de la comparaison, commet moins d’erreurs lorsqu’il extrapole d’une espèce à une autre et peut donc être d’une grande utilité, dans les équipes pluridisciplinaires de santé publique. Toutefois et malgré les espaces de complémentarité existant entre médecine humaine et vétérinaire, la collaboration entre les deux départements ministériels qui les gèrent (santé publique et agriculture), reste encore très limitée. La création de groupes de travail et l’organisation d'ateliers groupant des représentants des services centraux et régionaux des deux ministères pourraient les faire travailler ensemble de manière productive.

Face à l’importance que prend la Santé Publique Vétérinaire dans notre société et pour contribuer à l’amélioration de la collaboration entre médecins et vétérinaires, dans le domaine des zoonoses notamment, les facultés de médecine et l’école de médecine vétérinaire pourraient envisager de donner conjointement des cours et des conférences dans chacune des facultés par les médecins et les vétérinaires enseignants, à la fois aux étudiants en médecine humaine et en médecine vétérinaire. Des unités nationales pourraient être constituées qui prendraient comme modèles représentatifs, des maladies pilotes plus à même de motiver les médecins, telles que la Rage ou l'Hydatidose.

La préparation à la collaboration entre médecins et vétérinaires pourrait commencer dès la Faculté. Les programmes d’enseignement des deux disciplines pourraient s’y référer pour faciliter la collaboration future. D’une manière générale, les étudiants futurs vétérinaires ou médecins ont une vision de leurs activités futures, réduite à leurs domaines propres. C’est ainsi que les étudiants vétérinaires ont souvent des difficultés à saisir l'importance de leur rôle, dans le contrôle des zoonoses. Quand ils décèlent chez l’animal examiné, les signes cliniques d’une maladie transmissible, ils n’ont pas encore le réflexe d’imaginer la gravité des problèmes de santé publique qu’elle peut engendrer. Les étudiants en médecine, de leur côté, se retrouvent un peu dans la même situation. Ils reçoivent une formation minimale en termes de reconnaissance des zoonoses communes et des autres zoonoses qui peuvent être mal diagnostiquées. Or, le nombre de zoonoses ne fera qu’augmenter à l’avenir, facilité par l’augmentation des échanges entre pays qui favorisent l’introduction de maladies jusque-là cantonnées dans des régions lointaines. De plus, une partie importante de la population aura plus d’occasions de contacts réguliers avec des animaux qu’il s’agisse de populations rurales ou urbaines.

Les problèmes de Santé Publique Vétérinaire sont trop importants pour être entravés par des rivalités corporatistes ou par l’absence d’information et de communication. L'accès à l'information sur les zoonoses devrait circuler prioritairement à tous les niveaux de la chaîne administrative et professionnelle ; elle permettrait d'améliorer l'expertise vétérinaire d’autant plus que cet accès est devenu d’une facilité déconcertante car il y a maintenant, sur la toile, plusieurs serveurs ouverts à tous qui fournissent des informations précises sur la santé publique et les zoonoses. 

L’usage efficace des médias par les professionnels de la santé publique vétérinaire est fortement prôné et la contribution des médecins en matière d’éducation du public doit être sollicitée car le vétérinaire ne s’adresse qu’aux éleveurs, alors que le médecin s’adresse à la population toute entière et son message sera certainement plus audible et mieux accepté. En outre, la prise de conscience des différents rôles des hommes et des femmes peut améliorer l'efficacité des campagnes d'éducation. C’est ainsi que le succès de la campagne contre l'échinococcose au Maroc est dû en grande partie à la formation des femmes en hygiène et gestion des abats.

Dr. Khaled El Hicheri
*extrait du livre de l’auteur : « la médecine vétérinaire en Tunisie, passé, présent et avenir »

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