L’eau indispensable et si rare
Par ces temps de
canicule et de raréfaction de l’eau, il est utile d’avoir une idée sur nos
ressources en eau et sur l’utilisation qu’on en fait dans le monde et en
Tunisie.
L’eau est un
élément renouvelable, indispensable à la survie de tout être vivant. Elle nous
est aussi indispensable que l’air que nous respirons. C’est une richesse rare qui ne peut être produite en quantités illimitées
car de nos jours, il y a plus d’eau consommée qu’il n’en est renouvelé par les
précipitations pluviométriques.
Dans
le monde, c’est l’agriculture qui mobilise 70% des ressources en eau alors que 5% de ces ressources seulement sont utilisées
pour la boisson et la cuisine, l’industrie, l’hygiène corporelle et divers
autres usages, consomment les 25% restant. 20% des terres arables dans
le monde sont irriguées et produisent 40% des denrées alimentaires.
Des centaines de
millions de personnes dans le monde vivent dans des régions ou l’eau est rare
et la Tunisie en fait partie. Ils seront probablement des milliards dans
quelques dizaines d’années
La Tunisie, du fait de
sa pluviométrie
irrégulière dans l’espace et dans le temps, est l’un des pays au
monde les moins bien nantis en ressources hydriques renouvelables et, malgré
un système hydraulique performant qui récupère une très grande partie des eaux
de ruissellement, la pénurie d’eau guette le pays. Les changements climatiques aidant, l'exploitation du potentiel en eau conventionnelle mobilisable risque d'atteindre ses
limites dans un proche avenir et l’objectif « zéro goutte d’eau à la mer », ne sera pas
suffisant pour faire face à l’augmentation de la demande du fait de
l’augmentation de la population, de la demande croissante des secteurs agricole
industriel et touristique et de la consommation des ménages dont les conditions
d’hygiène s’améliorent sensiblement.
Nos ressources
hydrauliques sont modestes et leur gestion est difficile. Ces ressources
reposent sur une infrastructure hydraulique
comportant 29 grands barrages, 200 barrages collinaires, 766 lacs collinaires,
plus de 3.000 forages et 151.000 puits de surface, mobilisant 86% de l'ensemble
des ressources en eau exploitables. Les grands barrages du Nord sont interconnectés et permettent la
distribution de l’eau dans une grande partie du pays.
Malgré cette imposante infrastructure, les ressources
hydrauliques mobilisables sont faibles et mal reparties. Les eaux de surface
sont concentrées dans le Nord du pays et les eaux souterraines dans le Sud. Le Nord reçoit plus de 400 mm/an et fournit 82 % de ces
ressources. Le Centre qui reçoit entre 400 mm et 200 mm/an, fournit 12% de ces
ressources et le Sud qui représente 62% de la superficie du pays, reçoit moins
de 200 mm, et ne fournit que 6% des ressources en eaux de surface. L’essentiel
des ressources en eaux souterraines non renouvelables, provient des nappes
profondes fossiles du Sud. Le potentiel des ressources en eau du pays,
localisées à 86% dans le nord, s’élève ainsi à
4,6 milliards de m3/ an dont 2,7 milliards de
m3/ an sont des eaux de surface, et 1,8 milliards
de m3/ an sont des eaux souterraines dont 54%
seulement ont une salinité inférieure à 1,5g/l.
Les gestionnaires
de nos ressources en eau sont préoccupés ; ils doivent faire face à une
demande qui ne pourra que croître et n’ont d’autres armes que les mesures
d’économie d’eau reposant principalement sur des coupures sectorielles des
réseaux de distribution et comptent beaucoup plus sur le civisme des tunisiens
qui sont appelés à réduire leur consommation et à lutter contre les
déperditions d’eau. Le niveau de retenues d’eau est au plus bas et les
températures records de ces dernières semaines ne font qu’accentuer
l’évaporation de ces retenues d’eau et réduire nos réserves. On ne peut même pas recourir aux ressources souterraines
fossiles non renouvelables qui sont déjà surexploitées ni sur les puits de
surface qui puisent dans les nappes phréatiques dont la surexploitation
accentue la fragilisation et la salinisation. Nos hydrauliciens et nos statisticiens
nous indiquent qu’à partir de l’année 2015, l’offre d’eau était déjà inférieure
à la demande.
La pression exercée sur les ressources en eau va
provoquer une compétition croissante entre les secteurs agricole, touristique,
industriel et domestique, et entrainer immanquablement la réduction de l’apport
d’eau au secteur agricole alors que la production de produits alimentaires
dépend de plus en plus des eaux d’irrigation.
Les
grands ouvrages hydrauliques, ont permis jusque-là de gérer les années de
sécheresse et de faire face à la demande mais cette année, la situation est
critique du fait d’un manque important au niveau des retenues principales d’eau
des barrages du nord et du centre du pays. Plusieurs coupures d’eau ont été
provoquées soit volontairement pour réguler le flux au niveau des réseaux de
distribution soit pour permettre d’assurer la maintenance de ces réseaux et
réduire les fuites d’eau. La situation actuelle, durant cette saison estivale
qui a enregistré un manque très important dans nos réserves en eau mobilisable
dans les barrages, a poussé les gestionnaires de cette denrée précieuse,
indispensable et si rare, à prendre des dispositions de restriction dans
l’utilisation des eaux destinées à l’irrigation et de coupures volontaires sur
les réseaux de distribution des eaux dans les villes et agglomérations,
provoquant un tollé général.
Que
faire alors ? Faut-il se croiser les bras et attendre la manne céleste qui
permettrait de reconstituer les réserves des barrages et réduire la demande en
eau de l’agriculture ? Je ne miserais pas là-dessus ; l’automne que
nous espérons précoce et pluvieux peu s’annoncer tardif et sec, aggravant une
situation déjà suffisamment préoccupante. Des mesures qui donneront leurs
résultats à court, moyen et long terme doivent être, d’ores et déjà, prises.
Nos hydrauliciens les réclament mais sans la volonté politique bien affirmée,
rien ne pourra se faire et les premières pluies, si modestes soient-elles,
lessiveront nos angoisses et calmeront notre soif jusqu’à la prochaine crise
hydraulique majeure qui ne saurait plus tarder. Ces mesures sont connues de
tous : Les agriculteurs devront faire face à une réduction des quantités
d’eaux d’irrigation ; ils devront beaucoup plus compter sur l’économie et
l’utilisation rationnelle des eaux, basées sur les avancées technologiques dans
l’usage des eaux d’irrigation que sur l’augmentation des quantités d’eau.
La raréfaction de l’eau est un phénomène
mondial et les mauvais augures prédisent que les prochains conflits dans le
monde auront pour origine la maitrise des ressources et des réserves d’eau. Les ouvrages hydrauliques, permettront de mobiliser un
maximum des ressources conventionnelles mais cela ne sera pas suffisant pour
faire face à la pression de la demande en croissance continue. Nos
hydrauliciens estiment qu’il est indispensable de développer des ressources
autres que conventionnelles, telles que la généralisation et
l’amélioration du traitement des eaux usées, la désalinisation de l’eau de mer
et des eaux souterraines saumâtres, l’amélioration de la maintenance des
réseaux de distribution pour réduire les pertes dues aux fuites, la
réduction les pertes par évaporation sur
les retenues d’eau qui peuvent atteindre 40% des quantités stockées, la rationalisation et
une meilleure maitrise de l’usage des eaux d’irrigation en utilisant des
techniques d’irrigation économes d’eau et la maitrise de l’utilisation les eaux
à usage domestique en utilisant, notamment, des robinets et des chasses qui
permettent une économie appréciable d’eau.
De mesures incitatives pourraient également
être prises pour économiser l’eau ou pour la collecter telle que la fourniture de
l’eau d’irrigation aux seuls agriculteurs disposant d’équipements permettant
une économe d’eau appréciable ou l’obligation de construire des citernes de
collecte des eaux de pluie dans toute nouvelle construction. Je citerais à cet
effet l’exemple de deux pays du bassin méditerranéen qui ont lié l’obtention du
permis de construire à l’engagement de construire une citerne de collecte des
eaux pluviales et d’installer des panneaux solaires photovoltaïques.
Rappelons-nous aussi que dans nos maisons traditionnelles la citerne(majil)
pour l’eau de boisson, le puits pour les autres usages aussi bien que (Beit el
mouna) la réserve d’aliments, étaient de rigueur et assuraient une certaine
autonomie pour traverser les crises.
Les solutions techniques existent ;
elles ont évidemment un coût mais avons-nous le choix ?
Khaled
El Hicheri
Commentaires
Enregistrer un commentaire