COVID-19 et la haine religieuse
Un lien
étroit entre COVID-19 - la pandémie provoquée par SRAS-CoV-2, le
nouveau coranovirus qui a envahi la planète terre - a été établi
par le gouvernement et la population de certains pays entre cette
pandémie et les musulmans qu’ils accusent de propager la maladie.
Ces accusations ont été colportées de bonne grace par une presse
complaisante pour tout ce qui peut discréditer l’islam et les
musulmans et par les médias en ligne non moins complaisants.
Cela a
commencé au Sri Lanka - dont la communauté musulmane représente
10% de la population - où les autorités ont imposé l’incinération
des cadavres des personnes tuées par COVID-19 y compris les cadavres
de musulmans contre l’avis de leurs familles qui ont protesté
estimant que la règle préconisée en la matière à l’échelle
internationale, n’excluait
pas
l’enterrement. Les musulmans furent alors accusés de s’opposer
aux mesures prises par l’Etat pour éradiquer la maladie et
désignés à la fureur du public. De nombreux musulmans furent pris
à partie et molestés non seulement au Sri Lanka mais dans d’autres
pays de la région et même en Europe et en Amérique dont le
opinions publiques avaient été sensibilisées par des décades
d’islamophobie délirante.
En Inde, le ministre
indien de la Santé a accusé à plusieurs reprises un séminaire de
prédicateurs musulmans, rassemblant 4 000 personnes au siège de
Tablighi Jamaat début mars pour une formation organisée en Inde
-
Tablighi Jamaat est mouvement missionnaire musulman multinational et
une des plus grandes organisations confessionnelles du monde, avec
des dizaines de millions de membres - d’avoir contribué à la
propagation du nouveau coronavirus. Les responsables du parti
ultra-nationaliste hindou au pouvoir prenant prétexte de ce
rassemblement, avaient
avancé
que plus d'un tiers des cas du pays avaient pour origine
ce séminaire et
ont parlé de "bombes humaines" et de "corona jihad",
déclanchant une vague d'attaques et d’émeutes anti-musulmanes à
travers tout le pays.
De jeunes musulmans qui
distribuaient de la nourriture aux familles pauvres ont été
agressés à coups des battes de cricket (le sport national indien,
reliquat de l’occupation britannique). D'autres musulmans, désignés
comme “propagateurs de virus”, ont été roués de coup par des
foules déchainées, lynchés, chassés de leurs quartiers ou
attaqués dans leurs boutiques. Des messages haineux ont abondé en
ligne et se sont multipliés; une vague de vidéos de
propagande anti-musulmane
est apparue sur internet recommandant aux musulmans de ne pas porter
de masques, de ne pas pratiquer la distanciation sociale, de ne pas
s'inquiéter du virus, comme si les producteurs des vidéos voulaient
que les musulmans soient
rapidement infectés
ou qu’ils soient accusés de propager le
coranovirus,
en ne respectant pas les mesures restrictives destinées à contrer
cette propagation.
Rappelons que l’Inde
compte plus 1,3 milliard de personnes, que la religion dominante est
l’hindouisme, que 200 million de citoyens indiens sont musulmans
(plus de 15%), que le parti au pouvoir - dirigé par le Premier
ministre Narendra Modi - est ultra nationaliste hindou et ne cesse de
s’attaquer à ses citoyens musulmans sous tous les prétextes, et
qu’aucun autre groupe ethnique ou religieux n'a été diabolisé
autant que les musulmans qui subissent une terrible répression au
Cachemire - région à majorité musulmane – et les mesures
hostiles du pouvoir en place qui a récemment émis une nouvelle loi
sur la citoyenneté qui discrimine ouvertement les musulmans. Même
les Sikhs, cette autre grande minorité religieuse indienne, se sont
mis de la partie et les haut-parleurs de leurs temples diffusent des
messages avertissant
la population
que le
lait produit par les éleveurs musulmans
était infecté par le coronavirus.
Les dirigeants de la
communauté musulmane en Inde et au Sri Lanka ont peur. Ils
constatent
l'intensification des attaques contre leurs coreligionnaires
et se souviennent de ce qui s'est passé en février dernier, lorsque
des foules hindoues se sont déchaînées dans un quartier ouvrier de
Delhi, tuant des dizaines de musulmans,
sous les yeux bienveillants de la police qui n’hésitait pas à
aider les émeutiers
hindous.
Dans de nombreux villages, les commerçants musulmans sont désormais
interdits d'entrée simplement en raison de leur foi.
Dans une pandémie
mondiale, ou lors de toute autre crise d’envergure, il y a toujours
des
boucs émissaires – minorités éthnique ou religieuses que l’on
accuse de tous les maux - désigné à la vindicte populaire et livré
à la chasse aux sorcières. Le président Trump l'a fait, en
désignant les musulmans comme terroristes dès son arrivée au
pouvoir et en prenant des mesures pour interdire l’entrée aux USA
des citoyens de certains pays musulmans. Aujourd’hui, il récidive
et insiste en appelant le nouveau coronavirus le «virus chinois»,
accusant ainsi de manière pernicieuse la Chine d’être le
responsable de la pandémie et provoquant une vague de rejet de la
chine et des chinois dans de nombreux pays. Partout dans le monde,
les gens – excités
par
leurs gouvernements ou par leurs partis extrémistes - poussés par
leurs peurs de l’autre et par leurs angoisses pour leur avenir et
celui de leurs enfants, pointent du doigt les chinois, les musulmans
et d’autres minorités et passent souvent à des actes de violence
sur des populations innocentes.
Le coronavirus et la
nouvelle vague de haine et de violence ne sont pas sans effets; ils
ont tout changé entre les communautés. Le vivre ensemble devient un
enfer, où le feu attisé par les extrémiste de tous bords n’est
pas prêt de s’éteindre et, comme l’a si bien dit un de ceux qui
ont subi ces violences,"Le coronavirus peut mourir mais le virus
de la discorde communautaire sera difficile à tuer une fois que cela
sera terminé."
Dr.
Khaled El Hicheri
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