COVID-19 : impacts
La pandémie provoquée par le coranovirus SARS-CoV-19 continue à sévir dans le monde et plus particulièrement aux USA. Les mesures de restriction prises dans la plupart des pays ont fait l’objet de plusieurs prolongations et de renforcements, sans venir à bout de la maladie dont l’impact se fait sentir à tous les niveaux: sur notre mode de vie, sur notre comportement, sur nos habitudes, nos pratiques sociales, notre patrimoine culturel et notre vision de l’avenir.
Commençons tout d’abord par saluer ceux qui sont en première ligne de la lutte contre le COVID-19: les membres de notre corps médical et de santé publique - médecins, infirmières, aides-soignants, et autres personnel du système de santé,- commis de magasin, travailleurs des services publics, propriétaires de petites entreprises et employés, bénévoles des ONG et autres âmes charitables qui leur ont prêté main forte. Beaucoup se sont trouvé soudainement aux prises avec des tâches dangereuses, aggravées par un risque accru de contamination et de décès et pour lesquelles la plupart d’entre eux n’étaient pas préparés. Ces personnes nous ont fait comprendre le vrai sens du mot “patriotisme” qui n’est pas seulement la défense de la patrie contre les envahisseurs mais également la défense de la santé et de la vie de nos compatriotes contre des pathogènes bien plus meurtriers. L’engagement de ces personnes à servir la communauté, au péril de leurs vies, constitue indéniablement l’impact le plus important et le plus positif qu’aura eu cette crise, en révélant les qualités humaines les plus nobles, de solidarité, d’engagement, d’altruisme, de générosité, de don de soi, d’abnégation et de compassion envers les autres, sur lesquels on bâtit les nations.
Le Coranovirus SARS-CoV-2, en raison de sa contagiosité et de sa virulence a permis à des populations - de différentes races, statuts économiques régimes politiques et cultures - confrontées à la même menace, de dépasser leurs différences pour combattre ce redoutable ennemi de l’espèce humaine qui ne fait pas de distinction entre les pays, les races ou les religions. Cette communauté de destin provoquée par la pandémie, nous fournira l’énergie nécessaire pour affronter l’ennemi commun en nous incitant à regrouper nos moyens.
Devant l’ampleur de la crise du coronavirus que nous subissons, les pays ont décrété une mobilisation générale. L'ampleur de cette mobilisation nous rappelle les craintes provoquées par les grandes crises qui ont précédée - les désastres et autres calamités naturelles ou provoquées par l’homme comme l'effondrement économique de la Grande Dépression, la pandémie de grippe de 1918 ou les deux grandes Guerres Mondiales et toutes celles qui ont suivi aux quatre coins de la planète et plus récemment, la crise financière de 2008 - dont les spectres hantent encore nos esprits et qui ont remodelé la société de manière durable et changé le comportement des individus, des législateurs et des gouvernants. La pandémie actuelle viendra se joindre à ces fantomes du passé, non sans laisser des traces indélébiles dans nos comportements et dans notre façon de vivre.
Sait-on ce que nous réservent les mois et les années à venir? Les nations resteront-elles fermées? Le toucher deviendra-t-il un interdit social? Que deviendront les cafés, les restaurants, les stades et tous les lieux où la vie sociale s’exprimait sous toutes ses formes et qui reflétaient la joie de vivre des populations? Continuerons-nous à porter un masque et des gants, à garder nos distances, à ne plus nous serrer la main, ne plus nous embrasser, ne plus nous réunir pour le travail ou pour les manifestations familiales et sociales, ne plus envoyer nos enfants à l’école, ou ne plus utiliser les transports en commun? Personne ne sait exactement ce qui va arriver, mais nous savons tous que nos sociétés vont changer et que nos modes de vie vont être différents. Les modes de gouvernance, les systèmes de santé, les systèmes économiques et financiers, les modes de distribution, les structures industrielles, les modes de déplacement, de franchissement des frontières et bien d’autres aspects du “vivre ensemble” vont changer.
La vie familiale ne sera plus la même; la vie sociale non plus. Nous avons pris conscience que toucher des choses, être avec d'autres personnes et respirer l'air dans un espace clos, peut être risqué. La rapidité avec laquelle cette prise de conscience s’estompera, sera différente pour chaque personne mais elle ne pourra jamais disparaître complètement pour quiconque aura vécu cette crise. Cela pourrait devenir une seconde nature de garder nos distances, reculer devant une main tendue, hésiter à nous toucher le visage, ou nous laver les mains plus que de coutume.
Nous allons devoir reconsidérer tous les aspects de la vie en commun et introduire des changements dans ce qu’était notre vie il y a à peine trois mois, tels que: l’utilisation plus importante, plus sophistiquée et plus flexible des nouvelles technologies; le retour aux plaisirs simples de la vie et à la pratique des sports individuels de plein air; l’utilisation des moyens de la télécommunication en ligne pour travailler, éduquer les enfants à distance, se faire soigner à distance par télémédecine et utiliser la robotique dans de très nombreuses activités.
COVID-19 finira par éliminer les nombreuses barrières artificielles qui s’opposent à la télémédecine et aux soins en ligne. L'assurance-maladie pourra alors prendre en charge ou rembourser les frais de la télémédecine. La résistance à l’enseignement à domicile ou à l’apprentissage en ligne sera vaincue car une grande partie de la population, forte de l’expérience vécue au cours de la crise, préfèrerait un enseignement à domicile complet ou partiel ou des devoirs en ligne, et il sera plus difficile et plus coûteux de lui refuser cela.
L’histoire nous enseigne que les crises et les conflits majeurs provoquent, quelques années plus tard, une onde de choc socio-politique qui déstabilise les modèles relationnels traditionnels que l’on pensait inébranlables, solides et durables. Aussi, et compte-tenu des niveaux de tension observés, faut-il dès à présent concevoir et promouvoir des modèles sociétaux et économiques plus adaptés aux situations de crise et applicables à tous les pays, en prenant en considération les spécificités culturelles et politiques. Le formidable choc que la pandémie inflige au système socio-économique présent, possède en soi l’énergie nécessaire pour provoquer une véritable révolution planétaire qui ferait table rase des polarisations politico-culturelles que se disputent les grandes puissances du moment et qui introduirait plus de sécurité et de solidarité sociales dans nos législations.
Il est en effet anormal que dans certains pays, parmi les plus riches de la planète, des familles aient été obligées de traverser cette crise sans protection sanitaire et sans sécurité matérielle - alors qu’elles étaient en charge d’êtres chers malades et d’enfants confinés, déscolarisés - et d’être mises devant un choix impossible entre leur santé menacée et leur situation financière dégradée par un chômage forcé. Les gouvernants seront obligés de mettre en place des systèmes de prise en charge et de soins efficaces et gratuits et l’accès aux soins de longue durée ainsi qu’aux congés familiaux et médicaux rémunérés pour tous ceux dont les moyens pécuniaires sont limités. Ils devront également mettre en place des crèches et des garderies en nombre suffisant pour libérer les travailleurs des contraintes domestiques qui grèvent leur budget et réduisent leurs activités rémunérées.
La pandémie de coronavirus va causer douleurs et souffrances mais cela obligera de nombreux pays à reconsidérer leurs lignes directrices vers un mieux-être social, une répartition plus équitable des richesses, l’éloignement de la société de consommation et la redécouverte de notre humanité. Cette permettra à de nombreux pays de réorienter leur politique vers des investissements substantiels, dans les services publics et les biens publics pour la santé, en particulier. Toutefois, l'économie - et l'ordre social qu'elle sous-tend - s'effondrera si les gouvernements ne garantissent pas le revenu des millions de travailleurs qui perdront leur emploi en cas de récession ou de dépression majeure.
La lutte contre COVID-19 a révélé des failles importantes dans le système de santé publique; ces révélations conduiront immanquablement à des réformes historiques dans plusieurs pays à économies libérales. En effet, au cours de cette crise, les populations ont pris conscience de l'interdépendance et de la communauté d’intérets des pays; elles ont ressenti la nécessité de se soutenir mutuellement et le besoin de protection et de sécurité sociales et, la crise passée, elles exigeraient d’introduire des changements majeurs dans le système de santé et dans la gouvernance des pays et des institutions.
Dr. Khaled El Hicheri
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