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Les leçons de la pandémie

Les leçons de la pandémie

La pandémie de covid-19 qui sévit dans notre pays comme dans tous les pays de la planète terre, depuis plus d’un an, outre les énormes pertes humaines et économiques qu’elle continue à provoquer, a bouleversé nos modes de vie et nos habitudes sociales, et nous a enseigné l’humilité, la solidarité et la compassion. Elle a provoqué en nous une série de chocs en rapport avec notre comportement face à l’adversité ; elle a rappelé aux plus puissants qu’il y aura toujours plus puissants qu’eux et qu’ils ne diffèrent en rien des plus faibles, face à la maladie et à la mort.  


Elle a ébranlé les systèmes politiques et économiques de nombreux pays et démontré l’incapacité des politiciens et des administrations de ces pays, à faire face, avec méthode et sang-froid, aux crises politiques, économiques et sanitaires que la pandémie de coronavirus a apporté à notre mode de vie, à nos habitudes quotidiennes et à notre vision de l’avenir.


Elle a jeté dans le désarroi les épidémiologistes, les microbiologistes et les scientifiques de tous horizons, pressés d’apporter des réponses précises sur le nature et le comportement de ce nouveau coronavirus qui nous agresse aussi gravement, et sur les moyens de prévention et de lutte pour limiter sa propagation et le combattre. De ce point de vue, la pandémie a mis à jour de profondes failles et des insuffisances flagrantes dans les laboratoires de recherche, dans les systèmes de santé et dans l’infrastructure hospitalière de la plupart des pays infectés, révélant un état d’impréparation aux situations sanitaire d’urgence incompréhensible et impardonnable.


La pandémie de Covid-19 a provoqué des réflexes égoïstes et égocentristes de nombreux pays qui ont élevé des barrières administratives et sanitaires dans l’espoir de se mettre à l’abri de la contagion et qui ont fait l’infaisable pour acquérir les équipements individuels et hospitaliers nécessaires. Rappelez-vous la guerre des masques, des tests, des respirateurs artificiels ou des vaccins. Les effets de ces décisions unilatérales, toujours appliquées, ont provoqué le ralentissement des échanges commerciaux de matières premières, de produits finis et de services et entrainé l’effondrement de nombreux secteurs de l’économie comme le transport sous toutes ses formes et le tourisme.


La pandémie a provoqué un choc sociétal déstabilisateur majeur pour le meilleur ou pour le pire. Mais étant donné les niveaux de tension actuels, ce scénario suggère que le moment est venu de commencer à promouvoir des modèles plus constructifs dans notre discours socioculturel et politique. Le temps du changement est là. Le choc provoqué par covid-19, c’est également l'échec du gouvernement et de l'administration dans un grand nombre de pays, dont le nôtre, à la fois pour faire face à la crise sanitaire et pour éviter l'implosion de l'économie provoquée par la pandémie. Les populations ont découvert que ceux qui les gouvernent n’ont ni l’envergure, ni la capacité, ni le sens moral, nécessaires à l’exercice des fonctions et des responsabilités que leurs peuples leurs ont confié.


Devant les atermoiements des services chargés de la lutte contre covid-19 et l’interférence ininterrompue des politiciens et de l’Administration, la population désorientée a perdu confiance. Les informations et les rapports sur le coronavirus n'avaient aucun caractère scientifique mais celui de simples communiqués politiquement orientés, émis par le Président et les membres du gouvernement qui profitaient ainsi des tribunes offertes par les médias pour élargir leur audience politique.


Des milliers de familles ont subi la crise sanitaire et économique sans aucune protection ni sécurité, sans revenus réguliers, sans l’aide promise de l’Etat, sans travail par suite des multiples mesures de confinement, de couvre-feu et de limitation de déplacement. Les enfants ont été obligés de rester cloitrés à la maison avec, parfois, des proches malades sans possibilité de les hospitaliser. 


Toutes ces familles ont naturellement fait le choix de survivre, de s’accrocher à leur travail et de ne pas suivre les recommandations administratives. N’ayant ni épargne, ni accès au crédit, ni couverture sociale, l’absence du travail ne pouvait pas constituer une option ; un salaire de moins a vite fait la différence.


La pandémie de coronavirus a causé d'immenses douleurs et souffrances. Durant deux Ramadans nos familles n’ont pas pu célébrer le mois sacré comme à l’accoutumée ; elles n’ont pas pu se réunir avec leurs proches pour rompre le jeûne, ni se rendre visite, ni aller à la mosquée pourfaire les prières. L’économie et l’ordre social qu’elle aide à maintenir, sesont effondrés car le gouvernement n’a pas réussi à garantir un revenu aux centaines de milliers de travailleurs qui ont perdu leur emploi durant cettdépression majeure. Cela nous a obligé à reconsidérer par qui nous sommes gouvernés et qui nous sommes, et à long terme, cela pourrait nous aider à découvrir la meilleure version de nous-mêmes et le meilleur mode de gouvernance du pays.


COVID-19 est l'une des nombreuses épidémies de coronavirus que nous avons vue au cours des dernières décades, mais la logique du système actuel adopté par les pays nantis - une gamme d'incitations gouvernementales coûteuses destinées à stimuler le développement du secteur privé et la protection des grandes multinationales - et que nous avons malheureusement essayé de suivre, a abouti au déclenchement d’une pandémie majeure avec son cortège de morts et de malades ; une pandémie que nous n’avons pas encore pu maitriser. Même lorsque des vaccins efficaces sont devenus disponibles, notre gouvernement n’a pas été en mesure de les acquérir en quantités suffisantes pour protéger la population dans un délai raisonnable.


La pandémie a marqué le début de la fin de la société de marché et de l’individualisme extrême ; elle risque toutefois de nous pousser vers l'autoritarisme ou pire encore vers le retour du totalitarisme. Les modèles d'organisations sociales basées uniquement sur le marché, la course aux profits et les intérêts égoïstes, n’ont plus de raison d’être, car la pandémie a démontré que les comportements égoïstes ont rendu cette crise sanitaire beaucoup plus dangereuse qu'elle n’aurait dû l'être.


Par contre, nous avons découvert le sens de la solidarité et de la compassion par l’exemple donné par le corps médical dans toutes ses composantes ; ces personnes, ces patriotes, dans le meilleur sens du terme, que le sens du devoir pousse à travailler dans les pires conditions et qui sacrifient leur santé et leur vie pour la nôtre. Le dévouement du personnel de santé et de tous ceux qui par leurs activités sont confrontés aux dangers de contamination par un virus léthal, nous a fait découvrir que le vrai patriotisme n’est pas uniquement celui de la défense du territoire contre une agression armée, mais que c’est aussi celui de défendre son peuple contre un ennemi mortel et invisible

 

Ceux qui sont en première ligne contre le coronavirus ne sont pas des soldats de métier, ou des conscrits mobilisés pour la circonstance ; ce sont les membres de notre corps médical, nos soignants, nos enseignants, le personnel sécuritaire et tous ceux qui font face au public : employés des services publics, des banques, des pharmacies, des petits commerces et autres. Beaucoup ont soudainement été confrontés, dans leurs activités, à des tâches les exposant aux risques accrus de contamination, de maladie, et de mort.

 

La pandémie nous démontré que le nouveau coronavirus est « l'ennemi commun » de l’humanité dans son ensemble. Elle a forcé les peuples à regarder au-delà de leurs différences face à une menace extérieure commune. COVID-19 constitue un ennemi redoutable qui n’a pas fait de différence entre les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les noirs et les blancs ni les différences de religions ou de régimes politiques. Elle nous pousse à nous regrouper, à gommer ce qui nous sépare et à fusionner nos énergies pour entamer une lutte sans merci, et qui pourrait être longue, contre cet  ennemi implacable.

 

Les populations soumises à ces épreuves trouveront l’énergie et les moyens de se connecter et de se soutenir les uns les autres pour les surmonter. Conscients de la communauté d’intérêt et de destin, ces populations exigeront des changements majeurs dans le système de santé, dans la gouvernance et dans les institutions et demanderont la réorientation de notre politique vers des réformes profondes, dans notre système d’enseignement, afin de valoriser l’enseignement des sciences et de la philosophie. Ces populations ne manqueront pas de demander que les investissements devraient se faire en priorité dans les biens publics fondamentaux : santé, recherche, enseignement, et autres services publics.

 

Les crises sont sources de changements. La pandémie a eu la capacité de sortir les pays du bourbier constitué par plus d’un demi-siècle de polarisation unique, de dépendance politique, culturelle et économique croissantes, et d’une concentration de moyens entre les mains des plus puissants. Elle nous a aidé à nous orienter vers une réflexion profonde pour la préparation d’un changement de cap pour une plus grande dimension nationale solidaire, ouverte sur les autres cultures et systèmes politiques et économiques et une plus grande autonomie de décision.

 

Durant cette pandémie, de nombreuses familles ont été dans l’obligation de se connecter à l’enseignement en ligne pendant les périodes de confinement ; elles ont testé la méthode et bon nombre d’entre elles trouvent qu'elles préfèrent l'enseignement à domicile complet ou partiel ou les devoirs en ligne. Pour de nombreux étudiants, déjà mûrs pour l'innovation, l’enseignement en ligne est une méthode qu’ils apprécient et qui les force à s’impliquer davantage dans la recherche de connaissance sur la toile et de contribuer à leur propre formation.


La pandémie a changé notre façon de penser et nos choix de l'endroit où nos activités habituelles ou bien nos soins de santé devront avoir lieu. Le télétravail et la télémédecine ont été marginalisés des années durant, malgré leur intérêt et l’économie de temps et de moyens qu’ils procurent. Par nécessité, les visites médicales à distance pourraient augmenter en popularité, car les salles d’attente des médecins et les établissements de soins traditionnels sont submergés par tous ceux qui vont consulter pour le moindre changement dans leur statut sanitaire et encombrent les urgences, les dispensaires et les infirmeries. Rester à la maison pour une visite en vidéo, nous permet d’éviter de nombreux risques liés à la promiscuité, en restant à l'écart des sources de contamination tels le système de transport en commun, la salle d'attente encombrée et, surtout, les patients en attente de soins intensifs. 


Le coronavirus va forcer de nombreuses institutions à devenir virtuelles. L'ARP pourrait être l'une de ces institutions. Nous avons besoin de l'ARP pour continuer à travailler à travers cette crise, mais étant donné les conseils pour limiter les rassemblements, se réunir au parlement n'est pas une option particulièrement judicieuse pour le moment ; nombre de membres de l'ARP ont déjà été testés positifs pour le coronavirus. Mais bien que tous les travaux ne puissent pas être effectués à distance, de nombreuses personnes ont compris que, entre faire la navette et perdre des heures précieuses dans les transports et les encombrements, ou travailler efficacement à la maison, le choix est vite fait. Il suffit de s’entendre avec son employeur et de télécharger une ou deux applications sur son ordinateur.


Pendant cette pandémie, la chaine d’approvisionnement du pays en médicaments a été défaillante et continue à l’être, et le système de couverture sociale n’a pas joué son rôle. Cette crise devait en principe déclencher un large soutien populaire en faveur de la protection familiale universelle - un fonds national public, unique, auquel tous les tunisiens contribueront et dont ils bénéficieront tous. Les soins sont, en effet, et ont toujours été, une responsabilité publique solidaire, mutuelle et partagée ; pourtant, nos politiciens et gouvernants ne l'ont jamais pleinement soutenue, préférant un système inégalitaire, à plusieurs caisses, qui laisse une grande partie de la population sans couverture sociale. 


Bien au contraire, les caisses actuelles de prévoyance, destinées à assurer notre couverture sociale avec notre propre épargne, réduisent de plus en plus la nomenclature des médicaments, des opérations et des soins remboursables et utilisent tous les moyens pour ne pas rembourser les sommes avancées par les assurés ou pour ne pas leur fournir les médicaments et services prescrits. Les retards de remboursement ne se comptent plus, à un moment où l’assuré social a le plus besoin de son épargne. Cette crise a mis en lumière toutes ces défaillances qu’il faudrait corriger rapidement.


Cette crise sanitaire majeure a démontré que le secteur public devait assumer une responsabilité beaucoup plus active et directe dans le développement et la fabrication des médicaments et vaccins. Une approche gouvernementale plus efficace devrait remplacer les expériences d'incitations fondées uniquement sur le marché, pour répondre aux besoins de santé essentiels. Il vient d’être prouvé que les produits pharmaceutiques sont des produits stratégiques qu’il est dangereux de laisser entre les seules mains des multinationales qui n’investissent que dans la recherche de produits promis à une large diffusion et qui génèrent de gros profits. 


Les laboratoires ne donneront pas la priorité à la production d’un vaccin pour une possible future urgence de santé publique, tant que la rentabilité de ce vaccin ne sera pas assurée, et c'est alors bien trop tard pour éviter les perturbations massives d’une crise sanitaire. Maintenant que le vaccin contre covid-19 est très demandé, et que sa rentabilité économique est largement prouvée, ces multinationales se disent prêtes à investir des milliards de dollars et à produire des milliards de doses de vaccin et se livrent à de véritables campagnes de dénigrement pour discréditer les vaccins de leurs concurrents et accaparer ces marchés juteux. La création de banques de vaccins ou d’antigènes, nationales ou régionales pourrait constituer une solution.

Dr. Khaled El Hicheri
 
 
 

 

 

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