Pour des réserves de vaccins : banques
de vaccins ou d’antigènes
Durant ces dernières années, les pays de la région ont été agressés par plusieurs virus qui ont franchi des barrières naturelles, entrainant une situation épidémiologique nouvelle à laquelle ils n’étaient pas préparés. La pandémie de covid-19 est là pour nous rappeler que nul n’est à l’abri de la contamination. Covid-19 est appelée à constituer une menace récurrente pour notre santé et un fléau économique majeur pour le pays. Elle contribue à limiter les échanges et à fragiliser la sécurité alimentaire et le développement économiques du pays. Pour ces raisons, elle constitue une préoccupation majeure des autorités tunisiennes et des autres pays de la région.
Les pathologies existantes ou menaçant les pays de la région, constituent un marché suffisamment porteur pour les laboratoires internationaux de production de vaccins et de réactifs mais ce marché n’est pas suffisamment intéressant pour que ces laboratoires consentent à investir, sur place, dans la production de ces produits. Les pays de la région doivent par conséquent compter sur leurs propres capacités, sur l’assistance que pourraient leur fournir les partenaires économiques et politiques et sur les organisations internationales, pour la constitution de réserves de vaccins.
Ces pays sont appelés à concevoir une stratégie d’éradication de la pandémie, dans le cadre d’un programme régional de lutte, comportant la mise en place d’une banque d’antigènes pour répondre aux besoins actuels en vaccins et pour le cas ou se déclareraient d’autres situations d’urgences sanitaires. La propagation du coronavirus en cause, à tous les pays du globe, nous impose de finaliser une stratégie de lutte, inscrite dans la durée, basée sur des campagnes de vaccination périodiques programmées ou des vaccinations d’urgence.
La vaccination d’urgence
C’est l’une des mesures susceptibles
d’être mises en œuvre pour maîtriser des foyers de maladie. Elle vient compléter
l’application des mesures sanitaires essentielles et elle est mise en place pour lutter contre un
foyer de maladie apparu dans un pays normalement indemne, pour empêcher sa
propagation ou pour renforcer l’immunité existante afin de lutter contre un
foyer de maladie, ou encore dans un pays qui pratique une vaccination
préventive mais où le vaccin utilisé ne confère plus une protection contre la
souche responsable. Pour être en mesure de procéder à une vaccination
d'urgence, s’il y a risque de perdre le
contrôle de l'épidémie, il faut disposer de
réserves de vaccins suffisantes et
régulièrement renouvelées.
Les réserves de matériel immunogène (antigène, …) prêt à être formulé en doses
vaccinales, doivent faire partie intégrante de la stratégie de lutte contre les
maladies à caractère épidémique.
La vaccination d’urgence doit être couplée avec les outils diagnostiques et de surveillance nécessaires pour vérifier que les personnes vaccinées sont indemnes d’infection.
La vaccination d’urgence est recommandée quand l’infection n’a pas été détectée rapidement et s’est vite propagée en plusieurs foyers et pays comme cela est le cas de covid-19.
Dans les pays disposant d’un système de
santé bien organisé, les protocoles de vaccination sont définis à l’avance, les
équipes de vaccination sont constituées et convenablement entraînées, des
exercices de simulation sont effectués périodiquement, et les documentations,
équipements, réactifs et vêtements de protection nécessaires sont déjà prêts à
l’emploi. Toutes choses qui nous ont fait défaut durant cette pandémie de
covid-19.
Il existe un risque accru de manque de disponibilité du vaccin pour une vaccination d’urgence. Le manque de vaccin en situation d’urgence, constitue une contrainte importante car les laboratoires de production privés fournissent la plus grande partie des antigènes et ne sont pas toujours en mesure de livrer les doses vaccinales en nombre et en temps voulu.
Banque de vaccins
Devant le risque accru de dissémination de virus dans le monde, la plupart des pays développés ont constitué des banques de vaccins/antigènes contre les maladies les plus présentes (grippe, maladies infantiles, maladies animales telle que la fièvre aphteuse) où sont entreposés les réserves de ces produits pour de futures urgences. Ces pays évoluent vers des vaccinations plus nombreuses et à plus grande échelle ce qui provoque une demande de vaccins trop importante alors qu’iI n’y a pas de garantie que les fabricants privés, répondent à des demandes additionnelles. Il existe en fait trois grands types de banques de vaccin/antigène : les banques internationales ou régionales, administrées et financées par les États de la région concernée, les banques nationales administrées et financées par chaque État et les banques privées détenues par des multinationales ou par des instituts.
Banque d’antigènes
La création d’une banque d’antigènes se justifie, lorsque l’impact de la maladie est trop faible pour justifier les frais de création et de gestion d’une banque de vaccin ou que le nombre de sérotypes est élevé et qu’il est difficile de prévoir quel sera le prochain sérotype à combattre, ce qui rend le maintien de réserves importantes pour tous ces sérotypes, extrêmement coûteux. La technique est recommandée lorsque le vaccin a une courte durée de conservation et quand le virus à une forte variabilité antigénique, n’incitant pas l’industrie à développer des vaccins.
La banque d’antigènes doit normalement être préférée à la banque de vaccins ; elle est avantageuse à plus d’un titre. : le vaccin formulé (reconstitué à partir de tout ou partie d’antigènes inactivés, sous une forme injectable) en quelques jours, après typage du virus, est fourni sans avoir à tester le produit final. La durée de conservation des composants antigéniques est plus longue que celles des vaccins. Les coûts du stockage sont beaucoup moins élevés et la variabilité antigénique est plus importante.
La sélection des souches vaccinales est basée sur la distribution des souches et des sérotypes du virus. La taille de la banque est fonction de l’importance de la population cible et des souches de virus circulant ou menaçant. Les stocks à détenir doivent être constitués de plusieurs millions de doses d’antigène par souche pour être en mesure de satisfaire les demandes importantes et simultanées de plusieurs pays. Un roulement des stocks est nécessaire face aux changements de statuts épidémiologiques.
Les avantages des banques d’antigènes
Le temps nécessaire au process de formulation, à partir d’antigènes inactivés, n’est que de 5 jours contre 10 semaines, à partir du virus inactivé. Les réserves constituées sont plus importantes et la gamme de souches vaccinales est plus large que dans les banques de vaccins ; de plus, la collaboration entre banques permet de disposer d’un plus grand nombre de doses en cas d’urgence.
La rentabilité est justifiée par la possibilité de constitution de plus grands stocks d’antigènes permettant
d’honorer, plusieurs demandes, en même temps.
La durée de conservation des composants antigéniques est de
12 à 15 ans à très basse température, ce qui est économiquement avantageux
car cela évite le remplacement constant des vaccins périmés ou dont les
sérotypes ne sont plus en circulation.
La durée de l’immunogénicité est également
longue ; le
pouvoir immunogène de certains
antigènes est maintenu durant plus de 12 à 13 ans. En outre, des conventions entre banques permettent d’avoir un accès
réciproque aux réserves des autres banques, pour obtenir des antigènes ou
renforcer leurs réserves. L’estimation de l’importance et des
coûts des stocks de vaccin/antigènes envisagés contribue aux calculs de rentabilité.
L’identification des besoins en réactifs
(ELISA, PCR) doit se faire en parallèle
L’accord des membres de la Banque d’antigènes doit porter essentiellement sur : les conditions d’accès à l’antigène, la rapidité de la formulation lorsque le besoin s’en fait sentir et les souches constituantes.
Banque de réactifs ou banque de diagnostic
Les kits de diagnostic nécessiteraient environ deux semaines pour être produits et leur disponibilité se pose de manière récurrente aux laboratoires. De plus, les fabricants de kits de diagnostic ne gardent pas de stocks importants, d’où la nécessité de coupler la BV/Ag avec une banque de diagnostic et avec la mise en place d’un système de surveillance épidémiologique.
Pour un réseau international de banques d'antigènes
Chaque banque a les mêmes problèmes de sélection, de fabrication, stockage et réglementation. La collaboration entre les responsables des banques procure des bénéfices d’ordre pratique et économique. Un réseau international de réserves stratégiques présenterait un intérêt à plusieurs titres : échange d’informations sur la capacité des vaccins/antigènes présents, la collaboration pour produire les données sur la prévalence antigénique, la réduction de la charge représentée par les stocks pour tous les membres du réseau, l’accès à des doses supplémentaires de vaccins, qui réduit le problème de l’imprévisibilité des besoins et de la disponibilité des vaccins, en quantités suffisantes pour faire face à des foyers majeurs.
La constitution d’une banque régionale d’antigènes
Les pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) pris individuellement ne sont pas en mesure de créer chacun de son côté une banque nationale d’antigènes et encore moins une banque de vaccins. Le rapport coût/bénéfice ne justifie pas une telle dépense ; par contre, la création d’une banque régionale d’antigènes par et pour les cinq pays, se justifie par un contexte épidémiologique commun, par une population importante (près de 100 millions d’habitants) et par un cheptel non négligeable (50 millions d’équivalent unité gros bétail). Cette banque pourrait être couplée avec une banque de kits de diagnostic et de réactifs.
Dr. Khaled El Hicheri
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