Avant Ramadan, pendant Ramadan et après l’aid el Fitr, les consommateurs s’étaient plaint et continuent de ce plaindre de la hausse des prix des produits alimentaires. Cette hausse est probablement due à la révision progressive du soutien à la consommation pour limiter le déficit de la caisse générale de compensation (CGC) et remplir une des conditions du FMI.
Il convient de rappeler que l’élément central de la politique tunisienne en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, est constitué par la subvention des produits agroalimentaires de base, l’encadrement des prix à la consommation, et la régulation des marchés. Cette politique étant accompagnée par une politique de développement des productions agricoles afin de répondre à la demande croissante de produits alimentaires et réduire les importations.
Cette politique consacre la liberté des prix comme principe général mais exclue de cette liberté certains biens et services de première nécessité qui restent soumis à un régime d’homologation administrative des prix. Les prix de certains produits agricoles et agro-alimentaires sont ainsi encadrés, les autres étant théoriquement libres sur le marché, ca qui n’est pas toujours le cas.
Les produits alimentaires de première nécessité (produits céréaliers viandes rouges et blanches, et lait) ainsi que les produits subventionnés (farine et semoule; couscous et pâtes alimentaires ; huiles alimentaires; sucre, lait, café et thé) sont soumis au régime de l'homologation des prix à tous les stades.
Certains produits agricoles et agroalimentaires (riz, fruits, pommes de terre, tomates, piments, oignons, condiments, volailles, œufs, sons, beurre, concentré de tomates, sucre en morceaux, café torréfié…) sont concernés par l’encadrement des marges de distribution.
Par ailleurs, parmi les produits alimentaires de base, certains sont subventionnés à la consommation, c’est le cas du gros pain, de la baguette, de la farine, du lait ½ écrémé, de l’huile ou encore du sucre.
Dans le but de maîtriser les prix de ces produits de base, notamment les produits céréaliers - élément central du système de compensation - la Tunisie a créé, dès 1970, une Caisse Générale de Compensation (CGC) afin de gérer les subventions à l’ensemble des produits alimentaires concernés. Ces subventions ou compensations ont fortement progressé depuis 2010 pour atteindre près de 1,5 milliards de dinars en 2017, soit 1,5% du PIB du pays.
Plus de 75 % de ces subventions sont absorbés par les produits à base de céréales. Le montant de ces subventions et indemnités compensatrices a augmenté très fortement durant les dernières années du fait de la hausse des prix internationaux, mais aussi de la dépréciation du dinar tunisien depuis 2011. Les mécanismes mis en œuvre, notamment pour les filières les plus encadrées - céréales et lait - , sont coûteux et de plus en plus difficiles à supporter par la CGC. De plus, Ils engendrent des détournements, du gaspillage et des surproductions coûteuses (cas du lait). En outre, la Tunisie continue à subventionner la consommation les huiles végétales, largement importées, aggravant le déficit commercial.
L’Office des céréales, principal acteur dans la mise en œuvre de ces mécanismes, dispose d’un monopole sur l’achat et la commercialisation des céréales et fixe les prix de vente à tous les stades de la filière. Il est aussi l’intermédiaire financier entre la CGC et les opérateurs chargés de la collecte et du stockage, et les industriels assurant la transformation. Le ministère du commerce fixe les prix à la consommation des produits céréaliers homologués suivants: semoule, farine, couscous, pâtes alimentaires et pain ; ces prix sont ajustés périodiquement afin de préserver le pouvoir d'achat de la population.
Une révision progressive du soutien à la consommation est en cours, par réévaluation des prix puis libéralisation, et pourrait concerner - d’après la commission gouvernementale chargée de la refonte du système de subvention des produits de base - dans un premier temps le lait et les huiles végétales, dans un deuxième temps les pains et la farine pâtissière et dans un troisième temps le sucre, la semoule, le couscous et les pâtes. Il est prévu qu’un transfert monétaire soit institué «pour compenser la perte du pouvoir d’achat du citoyen, du au passage à la vérité du prix. L’inscription à ce service de transfert monétaire sera volontaire et sans restriction pour tous les tunisiens résidents majeurs. Elle sera automatique pour les bénéficiaires du Programme National d’Aide aux Familles Nécessiteuses et du Programme d’accès aux soins à tarifs réduits. Des mesures compensatoires seront ciblées sur la frange de population la plus démunie».
Le gaspillage : le gaspillage alimentaire en Tunisie, très important, est un effet pervers de la politique de subvention à la consommation des produits alimentaires de base. L’Institut National de la Consommation (INC) estime que ce gaspillage, coûte au tunisien en moyenne 17 dinars/mois, soit 5 % du total de ses dépenses alimentaires. Les produits objet de ce gaspillage sont principalement le pain et les produits céréaliers. Le gaspillage moyen par ménage est estimé à 42 kg/ an de pain, soit 113.000 tonnes/an ou près de 16% du pain acheté par les consommateurs. Ce gaspillage est plus important le mois de Ramadan.
Ce gaspillage a généré le développement d’un commerce de pain rassis destiné à l’alimentation animale qui absorbe près de 50% du pain non consommé. En 2015 Le sac de 50 kg de ce pain se vendait entre 15 et 30 DT. L’INC a élaboré dès 2015 une stratégie de réduction du gaspillage du pain afin de le réduire de 10% les 2 premières années et 30% sur 5 ans ; les résultats de cette stratégie n’ont pas encore été divulgués.
Pour le Comité Exécutif de MVI
Dr. K. El Hicheri
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