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Productions fourragères : un problème toujours posé

 

L’automne qui s’annonçait précoce avec les pluies de la fin du mois d’août s’est révélé d’une sécheresse peu commune, augurant d’une année agricole peu prometteuse. Les réserves de fourrages s’épuisent et la spéculation prédomine sur le marché des foins et pailles en balles. Ce que les vétérinaires appellent « la soudure automnale » risque d’être longue et pénible pour les animaux comme pour les éleveurs qui n’ont plus de réserves ni de moyens pour complémenter la maigre ration de leurs troupeaux.

 

Nous savons tous que le préalable à toute augmentation et amélioration des productions animales réside dans une ration alimentaire équilibrées entre foins de bonne qualité et aliments concentrés ou aliments composés ; or très peu a été fait durant les décennies écoulées, en matière de production fourragère, aussi bien au niveau de la recherche qu’à celui de la vulgarisation, ou rien de sérieux et de continu n’a été entrepris. Les théories séduisantes d’amélioration pastorale de centaines de milliers d’hectares et leur exploitation en rotation, ont servis de justificatifs à l’engloutissement de millions de dinars dans le financement de nombreux projets aux multiples appellations qui devaient, en principe, aboutir à une augmentation importante du cheptel et des productions animales.

 

Les résultats sont là, décevants ; les régions du centre et du sud du pays restent toujours ces régions assistées, vers lesquelles, bon an mal an, sont acheminés d’importantes quantités de fourrage, de son, de concentré et de bouchons de luzerne d’importation, au titre de la sauvegarde du cheptel. Qui plus est, les projets d’aménagement de périmètres irrigués pour la production de luzerne qui devaient constituer le pivot de la politique d’amélioration pastorale, se sont révélés de véritables fiascos, engloutissant à chaque plan de développement plusieurs millions de dinars. 

 

Le problème reste donc entier ; le développement de l’élevage et l’amélioration de ses productions passe obligatoirement par l’amélioration des parcours et le développement des productions fourragères car nul n’est censé ignorer qu’en élevage, pour bien produire il faut d’abord bien nourrir or la notion d’amélioration des parcours n’a pas encore été acceptée par les éleveurs et la culture du fourrage reste dans la plupart des cas une spéculation à but commercial, pratiquée par les grands exploitants du Nord qui ne sont pas prêts à intégrer l’élevage dans leurs systèmes culturaux.  

 

En matière d’aliments concentrés, il y a certes un progrès notable en ce qui concerne les capacités de production et la qualité des aliments composés fabriqués mais ce développement reste fondé sur l’utilisation de matières premières d’importation. En effet, le recours à l’aliment composé, basé sur les matières premières d’importation, est devenu la règle, favorisant l’élevage périurbain sans terre et l’apparition de bassins laitiers dans le Centre et le Sud où la production fourragère est quasi inexistante.

 

Ajouter à cela qu’il n’y a pas de politique de valorisation des sous-produits de l’agriculture et de l’industrie de l’agro-alimentaire, dont les quantités importantes sont utilisées à l’état brut ou mélangées entre elles, sans tenir compte des besoins réels des animaux ni de la valeur nutritionnelle de ces mélanges. Ces sous-produits, valorisés par des apports protéiques et des complexes minéraux vitaminisés, agglomérés en bouchons de différentes tailles, pourraient alors constituer une matière première pouvant entrer dans la composition des aliments composés complets et contribuer à réduire les quantités de matières premières importées.

 

Le développement de l’élevage et l’amélioration de ses productions passe également par l’amélioration des parcours et le développement des productions fourragères. Les programmes d’amélioration pastorale de centaines de milliers d’hectares et leur exploitation en rotation, ont servis de justificatifs au financement de nombreux projets aux multiples appellations, pilotés par l’OEP, qui devaient aboutir à une augmentation importante du cheptel et des productions animales et qui se sont révélés de véritables gouffres financiers. Les projets d’aménagement de périmètres irrigués pour la production de luzerne qui devaient de leur côté constituer le pivot de la politique d’amélioration pastorale, ont étés de véritables fiasco.

 

Tous ces échecs nous incitent : à intensifier la recherche portant sur les variétés fourragères les plus productives, les mieux adaptées à notre milieu et qui présentent le meilleur rapport coûts de production/valeur nutritive, à intensifier la vulgarisation pour faire accepter les méthodes d’exploitation qui tiennent le plus compte de la composante fourragère. Les agriculteurs pourraient également être Incités à conserver leurs récoltes de fourrages cultivés, par différentes techniques, à les transformer sur place et à décourager ainsi le commerce spéculatif des fourrages.

 

Les services des forêts pourraient privilégier la plantation d’espèces d’arbustes fourragers, dans les régions du centre en particulier, pour constituer des réserves sur pied très utiles en période de disette. Cette intensification pourrait concerner en premier lieu les périmètres forestiers où de très vastes étendues sont disponibles et peuvent se prêter à ce type de plantation. Les particuliers pourraient être incités par diverses exonérations fiscales et subvention à planter ces arbustes fourragers sur les terrains impropres à l’exploitation agricole.

 

Indépendamment des techniques agricoles, la production agricole repose sur deux piliers principaux, le sol et l’eau deux composantes essentielles dans tout programme de développement de cette production. Il faudrait commencer à réfléchir sérieusement à une réorganisation structurelle du ministère de l’agriculture qui prendrait en compte les secteurs de développement et ceux des services. Les activités de développement pourraient ainsi être réunies au sein d’un « ministère de des Eaux et Forêts » qui serait également en charge de la conservation des eaux et du sol (CES) et des parcours et pâturages.

 

      Dr. Khaled El Hicheri  

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